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De la théorie des dominos en Syrie

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Que faire avec la Syrie ? C’est sans doute ce que doivent se demander les hauts diplomates lorsqu’ils se réunissent afin de trouver un plan politique pour l’opposition syrienne et un endroit pour caser Bachar al-Assad. Ceci est une affaire bien compliquée de dominos très serrés les uns aux autres, tous prêts à tomber à la moindre erreur.

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C’est assez rare d’entendre parler de la Syrie ces derniers temps. Deux années de conflit c’est beaucoup et garder l’attention du public sur une situation qui n’évolue pas relève du défi.

Silence, on tue en Syrie

Parfois, on entend vaguement parler de l’Union européenne acceptant de lever partiellement l’embargo pétrolier sur le pays, et ce afin de faire plaisir à un peuple qui souffre bien entendu plus que son président des sanctions internationales imposées. On entend vaguement parler d’une opposition, désunie comme au premier jour, qui a elle-même bien compris qu’elle n’arriverait jamais à former un gouvernement capable d’incarner une transition au régime en place. Parfois encore, on entend parler d’une éventuelle livraison d’armes vers les rebelles, de l’Allemagne qui sauterait bien le pas si d’autres pays européens l’accompagnaient, des Etats-Unis qui vont envoyer une nouvelle salve de gilets pare-balles à l’opposition.

Et puis on entend parler de ces morts. Ils prennent tous les jours un nouveau nom, « attentat à Damas », « explosion à Alep », « voiture piégée devant une mosquée ».

Des djihadistes dans l’opposition

C’est comme si, entre chacun de ces évènements, l’inaction régnait. Comme si entre chaque réunion où se retrouvent inlassablement les diplomaties russes et américaines, les Syriens de tout bord pouvaient s’entretuer sous le regard de la communauté internationale bien camouflé derrière ses œillères.

Un des derniers évènements en date aurait pourtant pu ranimer la polémique autour de l’inaction de la communauté internationale. « On a découvert des djihadistes dans les rangs de l’opposition syrienne ».

Alors oui, pour beaucoup, cette nouvelle n’avait rien de spectaculaire tant la présence de ces proches d’Al-Qaïda, à qui ils ont d’ailleurs fait allégeance il y a quelques jours, étaient connu de tous – il y aurait d’ailleurs, au passage, 500 Européens parmi eux.

Pourtant cela aurait dû faire réagir, à l’heure du virulent débat sur l’envoi, ou non, d’armes à l’opposition.

Une affaire de dominos

Non, visiblement cela n’inquiète personne de voir les gouvernements du monde entier se poser la question d’armer des rebelles qui cohabitent, en frères de tranchées, avec des hommes que les grandes puissances combattent tous les jours dans leur sacro-sainte « guerre contre le terrorisme ».

Plus grave encore, personne ne semble se dire que nous reproduisons, quasi-inlassablement, les erreurs du passé, en Irak ou en Libye.

Prenons le cas libyen. De ces deux situations, peu de choses diffèrent. En Libye, la communauté internationale s’est engagée, pleine de détermination et de bons sentiments droits-de-l’hommistes pour sauver les civils de Benghazi, et ce à grands coups d’armes en tout genre qui, sitôt la révolution finie, se sont offert une courte traversée du désert pour rejoindre les mains d’autres djihadistes, un peu plus loin, au Mali.

Le Liban puis l’Iran ?

En Syrie, de nouveau pleine de bons sentiments et effrayée par le compteur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, qui n’en finit plus de déverser chaque jour ses macabres bilans mortels de la veille, la communauté internationale est impuissante. Impuissante face à un Bachar al-Assad d’une part, lui qui n’a besoin de personne et face à l’opposition d’autre part, qui elle aurait bien besoin d’un peu de cohérence et de ligne politique.

Pour oublier qu’elle ne peut rien faire, elle veut donc envoyer des armes. Mais pas n’importe quelles armes ! Des armes périssables, des armes avec GPS, des armes un peu fragiles, mais pas trop. Passons sur l’étrangeté de cette idée car le résultat sera toujours le même.

Le domino de la Libye a été le Mali et nul ne doute que ces djihadistes, bien loin d’avoir été éliminés de la carte africaine, feront tomber le domino suivant, que de nombreux experts attendent au Tchad ou au Darfour.

Quel sera donc le domino de la Syrie ? L’Iran paraît bien placé. Le domino du Liban sera d’ailleurs sans doute tombé d’ici-là.

Peste où choléra, autant attendre

Savoir alors qui de Bachar al-Assad ou de l’opposition gagnera la guerre et quand, c’est un micro-problème. Pourquoi ce mutisme de la communauté internationale ? Parce que si celle-ci doit vraiment s’engager, elle devra choisir entre la peste et le choléra. Et puisqu’il y aura, de toute façon, un domino après la Syrie, personne n’est vraiment pressé de découvrir où celui-ci tombera.

En Syrie, il ne se passe rien. Et pour cause, il ne peut rien se passer.

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