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Pourquoi les Libanais et les Israéliens partent-ils se marier à Chypre?

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En février 2013, une affaire a fait grand bruit au Liban : Khouloud Soukkarieh et Nidal Darwiche, un couple sunno-chiite, ont été les premiers Libanais à avoir scellé leur union civilement au Liban, pays où le mariage civil est pourtant toujours interdit.

Au Liban, seul le mariage religieux est reconnu

Dans une interview publiée sur le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, Marie-Claude Najm Kobeh, spécialiste en droit international privé, explique que le couple, pour conclure un « mariage civil », a commencé par radier la mention confessionnelle sur les registres de l’état civil, et invoqué un arrêté datant de l’époque du mandat français (1936), qui stipule que les Libanais qui n’appartiennent à aucune communauté sont régis en matière de statut personnel par la loi civile. Le mariage a cependant été déclaré irrecevable par le Comité consultatif du Ministère de la Justice.

Au Liban, pays multiconfessionnel, il est en effet toujours impossible de se marier sans passer par un prêtre, un imam ou toute autre instance religieuse. C’est donc aux chefs religieux des 18 religions reconnues par l’État que revient la charge de célébrer les unions religieuses. Pour les couples mixtes, issus de deux confessions différentes, la tâche s’avère complexe : si le couple décide de se marier, l’un des deux époux doit se convertir à la religion de l’autre.

Le grand mufti de la République fermement opposé au mariage civil

Une aberration, pour une – petite –  majorité de Libanais (51%), qui se sont régulièrement soulevés pour l’instauration du mariage civil dans le pays.

Malgré les nombreuses manifestations, certaines instances religieuses se sont fermement opposées à une telle instauration, à l’instar du grand mufti de la République, le cheikh sunnite Mohammad Rachid Kabbani, qui déclarait en février : « Tout responsable musulman qui approuverait la légalisation du mariage civil serait considéré comme apostat et traître à la religion musulmane. Il ne sera ni lavé, ni mis dans un linceul, ne recevra pas les prières lors de son décès, ni sera enterré dans les tombes des musulmans ».

Le Président libanais appuie la réforme

Pourtant, le chef de l’Etat, Michel Sleiman, a appuyé son soutien au mariage civil, déclarant que « le refus de soumettre le projet de loi concernant le mariage civil aux institutions constitutionnelles représente une violation de l’accord de Taëf » [qui a mis fin, en 1991, à la guerre civile libanaise]. « Des dignitaires s’opposent au mariage civil mais cela ne change rien à mes convictions et à ma quête pour aiguiller le train sur les bons rails », avait-il ajouté.

Et jeudi 18 avril, lors d’un discours prononcé à l’université Saint-Joseph au Liban, le président a rappelé, entre autres, que la légalisation du mariage civil serait à l’agenda des prochaines réformes que « tout le monde devrait soutenir, en cette phase critique » d’instabilité régionale.

Vol direct pour Nicosie

Pourtant, pour les couples souhaitant se marier civilement, une solution existe : s’envoler pour l’île voisine, Chypre, afin de conclure leur union, puis rentrer au Liban, où les mariages civils, s’ils sont conclus à l’étranger, sont reconnus. Et si le couple vient à divorcer, le juge libanais prendra en compte les lois du pays où le mariage a été contracté. Les lois chypriotes, mais aussi françaises ou bien turques, seront alors invoquées.

Le voyage à Nicosie est désormais devenu un « rituel » pour les couples souhaitant se marier civilement. L’île, connue pour ses procédures administratives simplifiées pour conclure des « mariages express », est très prisée des Libanais, mais également des Israéliens qui, eux non plus, n’ont pas le droit de se marier civilement.

En Israël, un couple sur cinq se marie à l’étranger

Alors que le parti Israel Beitenou d’Avigdor Lieberman exige l’instauration d’un mariage civil, les partis juifs orthodoxes s’y opposent fermement. Pourtant, la demande se fait pressante : en Israël, un couple sur cinq part se marier à l’étranger. Les conjoints de religions différentes, ou qui ne souhaitent pas célébrer religieusement leur union (en passant par un rabbin, un prêtre ou un imam), sont ainsi obligés de se marier à l’étranger.

Parmi les pays vers lesquels convolent les Israéliens, les États-Unis figurent en première place (22% des mariages à l’étranger enregistrés en 2010), puis Chypre (17%), les pays de l’ex-URSS (17%), la Tchécoslovaquie (15%), le Canada (4%), la France (3%), l’Angleterre (2%) et enfin l’Australie (2%).

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