Site icon La Revue Internationale

Qui sont les islamistes tchétchènes?

dokou-oumarov.jpgdokou-oumarov.jpg

[image:1,l]

La double attaque survenue il y a une semaine sur la ligne d’arrivée du marathon de Boston, qui a provoqué la mort de trois personnes et blessé 180 autres, fait ressurgir le spectre de l’islamisme radical tchétchène.

Les liens avec les réseaux islamistes restent à déterminer

Les deux frères soupçonnés d’avoir organisé l’attentat de Boston semblent en effet se réclamer de la frange radicale de l’islamisme. L’aîné des frères aurait eu un compte Youtube, contenant des liens vers des vidéos à connotation islamiste, et notamment vers celles d’un islamiste radical, Feiz Mohammad, qui prêche une version extrémiste de l’islam sunnite. Et les bombes artisanales, camouflées dans des cocottes-minute, utilisées lors de la double attaque, ont été fabriquées à la manière de celles utilisées en Afghanistan contre les patrouilles américaines, ou par certains insurgés islamistes en Inde ou au Pakistan.

Les liens entre les deux frères et les réseaux islamistes internationaux restent cependant à déterminer. De même que leur appartenance à des réseaux terroristes tchétchènes, qui sont davantage anti-Russes qu’anti-Américains. Dans la région du Caucase du Nord, les rebelles islamistes du Daguestan – une région voisine de la Tchétchénie – ont ainsi affirmé qu’ils n’avaient rien à voir avec les attentats commis à Boston, et qu’ils ne menaient pas d’opérations contre les États-Unis.

Une insurrection de plus en plus islamiste

Cependant, après deux guerres extrêmement sanglantes entre les Forces armées russes et les séparatistes de la Tchétchénie (région située dans le Caucase du Nord), qui ont ébranlé les années 1990 et le début des années 2000 et coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, les liens entre l’islamisme et le Caucase n’ont cessé de se resserrer. D’une insurrection à caractère essentiellement nationaliste, les séparatistes tchétchènes sont passés à une insurrection de plus en plus islamiste.

Certains leaders indépendantistes tchétchènes, à l’image de Chamil Bassaïev qui s’est progressivement radicalisé pendant la première guerre de Tchétchénie (de 1994 à 1996), ont ainsi étroitement collaboré avec des militants djihadistes étrangers, comme son allié, le Jordanien Ibn al-Khattab. Considéré un temps comme « ennemi numéro un » de la Russie, Chamil Bassaïev aurait, selon ses dires, effectué plusieurs stages en Afghanistan, afin de se former au djihadisme. Le premier acte terroriste hors de Russie a ainsi été perpétré en 1996, lors de l’assaut d’un bateau russe par un commando turc soutenant la cause tchétchène.

Une radicalisation qui passe par les réseaux sociaux

Aujourd’hui, après des années de conflits entre les séparatistes de Tchétchénie et la Russie, et des dizaines d’attaques meurtrières – parmi lesquelles figurent les deux attentats-suicide qui ont fait 40 morts en mars 2010 dans le métro de Moscou, et l’attentat-suicide de l’aéroport moscovite Domodevo qui a fait 37 morts en 2011, tous deux revendiqués par le rebelle tchétchène Dokou Oumarov – la radicalisation islamiste tend désormais à se développer sur Internet.

« Nous ne les connaissons pas. Ils n’ont pas vécu en Tchétchénie, ils ont vécu et étudié aux États-Unis », a déclaré le président tchétchène, Ramazan Kadyrov, au sujet des frères Tsarnaev. Ces derniers ont cependant pu trouver un écho favorable à leurs revendications à travers les réseaux sociaux comme YouTube ou VKontakte, équivalent russe de Facebook. Alexandre Tcherkassov, spécialiste du Caucase à l’ONG Mémorial, a ainsi expliqué à l’AFP qu’« à l’époque d’Internet, il n’est pas nécessaire de participer à des congrès ou de recevoir des coursiers porteurs d’ordres de mission pour faire partie d’un réseau »

« Les djihadistes caucasiens sont désormais incorporés dans la nébuleuse du terrorisme international et, même s’ils ont la nationalité russe, ils n’ont plus de lien avec la Russie. On est face à une nouvelle génération qui se retrouve sous l’influence de recruteurs internationaux menant leur activité dans le monde entier. Ces terroristes opèrent aujourd’hui partout », a ajouté Pavel Salin, directeur du Centre de recherches politiques à l’université des finances de Moscou.

Le rôle d’Al-Qaïda

Enfin, les liens qu’Al-Qaïda entretient avec la branche islamiste tchétchène ont également permis la radicalisation de cette dernière. Frank Cilluffo, directeur de l’Institut sur la sécurité intérieure de l’université George Washington, a ainsi rappelé à l’AFP qu’Al-Qaïda encourageait beaucoup de gens souhaitant combattre à l’étranger à agir dans leur propre pays, comme le prône d’ailleurs la revue « Inspire », le magazine en ligne de la branche yéménite du groupe terroriste, et qui pourrait également avoir inspiré les deux suspects.

Quitter la version mobile