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Tempête au sommet: que peut faire François Hollande?

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Sondages en berne, messages inaudibles, ligne politique floue, majorité frondeuse… moins d’un an après son arrivée à l’Élysée, le président de la République est malmené. Parier sur un retournement de conjoncture, un remake du miracle de 1998 qui avait sauvé Lionel Jospin et sa gauche plurielle, apparaît bien hasardeux.

Les dégâts sont considérables et rarement l’opinion publique n’est apparue aussi frondeuse. Si un peu de croissance et une réorientation à la baisse du chômage ne nuiraient pas, on sent poindre un mouvement qui dépasse largement les seules questions économiques et sociales. Quel que soit le caractère exceptionnel de la situation, le chef de l’exécutif, sous la Vème République, dispose de trois outils pour tenter de reprendre politiquement la main.

Dissoudre l’Assemblée nationale

Et si François Hollande était chiraquien jusqu’au bout… et s’il décidait de dissoudre l’Assemblée ? A première vue, l’hypothèse apparaît totalement farfelue. Avec le quinquennat et l’élection concomitante de l’Assemblée nationale, la probabilité d’une cohabitation est quasi nulle. Si le président de la République conserve son droit de dissolution, on imagine mal les raisons qui pourraient le pousser à saboter une majorité acquise…

Sauf s’il souhaitait changer de majorité pour conduire une autre politique ou s’il ne disposait plus de majorité… La majorité absolue remportée par le parti socialiste en juin 2012 assure, en théorie, au président socialiste une majorité stable jusqu’à la fin de son quinquennat. Sauf que, de plus en plus, des voix discordantes s’expriment au sein même du groupe PS. Aujourd’hui, le gouvernement ne risquerait pas d’être mis en minorité mais l’hypothèse ne peut pas, pour autant, être définitivement rejetée.

François Hollande pourrait-il disposer alors d’une majorité alternative au sein de cette Assemblée ? L’UDI n’est pas le modem et on imagine mal les troupes de Jean-Louis Borloo intégrer les rangs d’une majorité présidentielle renouvelée.

Aller chercher « au peuple », à travers les urnes, une autre majorité serait un scénario particulièrement hasardeux. A travers l’Europe, toutes les élections de ces derniers mois, anticipées ou non, ont montré une très nette poussée des populismes de tout poil. On voit mal la France faire exception, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon s’en pourlèchent déjà les babines

Ceci dit, plus en avant dans son mandat, François Hollande pourrait trouver un intérêt à confier les clés de Matignon à l’opposition actuelle avec l’espoir d’être réélu en président de cohabitation. Si cela reste conforme à la lettre de la Constitution, ce n’est plus dans l’esprit et il est peu probable que l’électorat récompense l’auteur de tant de machiavélisme.

Verdict : improbable et très hasardeux

 

Organiser un référendum

Les Français, consultés par référendum, ne répondent pas seulement à la question qui leur est posée. Dernier exemple en date, le référendum du 29 mai 2005 sur la ratification du traité de Lisbonne… Il n’est pas certain qu’alors l’euroscepticisme était majoritaire mais la popularité en berne du président Jacques Chirac a indéniablement profité au camp du « non ».

Dans le contexte actuel, François Hollande risquerait de perdre toute consultation référendaire. Et d’autant plus que, politiquement, celle-ci n’aurait de sens que s’il s’agissait pour le président de la République de s’engager fermement dans un débat clivant. Un référendum technique sur un sujet technique et abscond n’aboutirait, au mieux, qu’à une victoire de l’abstention et au pire à un scénario type 1969 qui aboutit au départ du général de Gaulle. D’autres façons de se montrer gaullien pour le locataire de l’Élysée.

Un référendum sur le mariage pour tous étant – très probablement – constitutionnellement impossible – puisque les questions de société n’entre pas dans le champ référendaire -, il resterait la possibilité d’interroger les Français sur une question économique et sociale. Et le référendum deviendrait plébiscite – plébiscite à l’envers.   

Verdict : inutile et dangereux

 

Remanier le gouvernement

L’hypothèse d’un remaniement ministériel est désormais dans l’esprit de tous les commentateurs.

A minima, il est urgent, semble-t-il, de remédier à quelques erreurs de casting – des ministres qui ne sont pas à leur place, des répartitions de compétence peu claires. La démission de Jérôme Cahuzac le 20 mars aurait pu fournir un prétexte. L’Élysée et Matignon se sont contentés d’un petit – tout petit – jeu de chaises musicales, en interne. L’opération compte pour du beurre.

Le remaniement dont il est question ici serait un changement d’équipe radical mais de quel ordre ? La vraie question qui se pose est celle de la prolongation ou non du bail de Jean-Marc Ayrault à Matignon. Nicolas Sarkozy a sans doute commis une grave erreur en conservant François Fillon pendant 5 ans. François Hollande le sait et il est très probable qu’il changera de Premier ministre au moins une fois pendant son quinquennat. Au bout d’un an, c’est un peu tôt…

Il s’agirait d’un formidable aveu de faiblesse de la part du président de la République que de reconnaître qu’il s’est trompé pour le tout premier acte de sa présidence. Et puis, changer de Premier ministre, pour quoi faire ? Mettre un peu de sang neuf, impulser un nouvel élan ? Dans tous les cas, il s’agit d’un fusil à un coup.

Le recours aux poids lourds du parti socialiste restés en dehors du gouvernement. Aubry, Delanoé, Royal… autant de noms qui circulent. Il n’est pas certain qu’un gouvernement alourdi de quelques éléphants supplémentaires ne suffissent à inverser une tendance désormais lourde. Et puis, comment François Hollande pourrait-il se remettre de confier les rênes du pouvoir à ses anciens adversaires.

La « grande » ouverture à gauche – Mélenchon à Matignon -, impensable (ou prématurée). Quel intérêt auraient communistes et mélenchonistes à lier leur destin à celui de François Hollande alors même qu’ils peuvent espérer en tirer quelques profits électoraux ? Quant à ce qui constituerait une « petite » ouverture à gauche – Montebourg à Matignon -, cela constituerait aussi un tournant politique – et la promesse d’une turbulente cohabitation au sein de l’exécutif.

L’ouverture au centre, inutile. A quoi servirait de faire rentrer des Bayrou ou Lepage, dépourvus de troupes parlementaires – et au poids bien incertain dans l’opinion ?

Le gouvernement technique ou l’appel à la société civile. C’est contraire à la règle qu’avait édicté François Hollande lors de son arrivée à l’Élysée. Alors, il avait indiqué que tous ses ministres seraient des politiques, élus. Une telle hypothèse n’a de sens que si elle permet d’élargir la majorité, d’apaiser les grognes. Les exemples italien et grec prouvent que le résultat en est plus qu’incertain.

Resterait l’hypothèse qui circule aujourd’hui et anime les diners en ville. Un gouvernement de « combat », resserré et composé de ministres aux compétences éprouvées sur les questions économiques et sociales. C’est là que circulent les noms de Pascal Lamy – ancien commissaire européen socialiste dont le mandat à la tête de l’OMC se termine le 1er septembre 2013 – ou encore de Jean Peyrelevade – homme de confiance des gouvernements de gauche, respecté à droite et compagnon de route de François Bayrou.

Verdict : prématuré, mais, peut-être rapidement, indispensable
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