Site icon La Revue Internationale

50% de la population libanaise est absente du discours public

beirut-the_candid_street.jpgbeirut-the_candid_street.jpg

[image:1,l]

Dans les médias et, plus largement, dans la sphère publique au Liban, l’absence de femmes dirigeantes et expertes est flagrante. Peu de consommateurs de médias évoquent le fait que 50% de la population est rarement entendue ou vue en hauts lieux. Néanmoins, cette situation semble sur le point de changer au Liban.

Avant les législatives, les femmes cherchent leur place au Liban

La société civile, en partenariat avec les médias et avec le soutien du ministère de l’Information, s’attaque à ce problème. Ainsi, au Liban, la participation des femmes dans la sphère publique, quelle que soit leur appartenance politique, devient un objectif commun.

L’absence des femmes sous le feu des projecteurs n’est pas seulement due à la sous-représentation de celles-ci dans la vie politique. Bien qu’il y ait des femmes haut placées dans le monde des affaires, le milieu universitaire, le domaine des arts et le service public, elles sont rarement sollicitées sauf quand il s’agit de domaines liés à leur sexe comme la décoration, la famille ou la mode.

Année d’élections législatives au Liban, la nécessité de promouvoir les femmes à des postes décisionnels est devenue deux fois plus grande.

Dans cette optique, deux organisations non gouvernementales, SMART Center for Media et Advocacy and Women in Front – acteurs clés dans le secteur privé et les médias – se sont associées pour travailler, avec le soutien du ministère de l’Information, sur une initiative appelée Media Supporting Women Leaders.

Des personnalités s’engagent

Lancée en février dernier, l’initiative encourage les femmes ayant une position professionnelle importante à participer activement aux débats publics qui sculptent l’avenir du pays.

Walid Daouk, le ministre de l’Information par intérim qui soutient vivement le projet, a insisté sur la nécessité d’encourager la participation des femmes dans la sphère politique et a salué la démarche comme un pas important vers la réalisation de cet objectif.

L’initiative présente une série d’annonces publicitaires à la télévision et à la radio qui encouragent les femmes à intervenir en tant qu’électrices ou candidates et insistent sur le fait qu’elles doivent s’impliquer dans le processus politique si elles veulent voir leurs intérêts pris en compte. 

Les annonces publicitaires – six au total – présentent différentes personnalités libanaises comme Linda Matar, pionnière en matière des droits des femmes. « J’ai lutté pour les droits des femmes pendant 60 ans. Toutefois, je n’ai jamais eu le sentiment, depuis l’indépendance du Liban, que le Conseil des ministres ou le Parlement s’était occupé des problèmes des femmes, » déclare-t-elle en s’adressant à la caméra.

L’athlète libanaise Maxime Chaaya ajoute: « Pour parvenir à ses fins, il faut croire en son objectif et se battre pour l’atteindre. Si vous souhaitez que la loi protège vos droits, n’imaginez pas que quelqu’un d’autre que vous pourra changer votre avenir ». D’autres personnalités libanaises apparaissent également sur les vidéos avec un seul message: « Allez-y, nous sommes à vos côtés ».

Beaucoup de femmes expertes et dirigeantes expriment l’envie de participer aux débats publics. A ce jour, au moins quinze d’entre elles ont aussi annoncé leur désir de se présenter aux législatives. Ces femmes politiques représentent différents partis et communautés au Liban. Certaines viennent de l’alliance du 14 mars soutenue par l’Arabie saoudite, d’autres sont issues de l’alliance du 8 mars soutenue par la Syrie et l’Iran, d’autres encore ne dépendent d’aucun parti. Malgré des objectifs politiques contradictoires, elles s’entendent toutes sur la nécessité d’être mieux représentées dans la sphère publique.

L’annuaire qui sort les femmes de leur stéréotype

Cette initiative peut constituer une puissante plate-forme pour les femmes qui ont l’ambition d’être aux commandes. Le Liban a besoin d’elles, de leur désir de réformer la loi sur le statut de la personne (qui interdit actuellement aux femmes de transmettre leur nationalité libanaise à leurs conjoints non libanais), de leurs points de vue sur d’autres problèmes politiques.

Outre la campagne médiatique, l’initiative a entraîné la création d’un annuaire répertoriant les noms, profils individuels et renseignements personnels des spécialistes confirmées dans tous les domaines, ébranlant ainsi le stéréotype répandu qui confine les femmes à des domaines tels que l’éducation, les arts et la communication. Les femmes figurant dans cette base de données représentent un large éventail de métiers (ingénieurs, médecins, chefs d’entreprise, banquières, chercheuses en sciences sociales, économistes et analystes politiques). Une version imprimée de l’annuaire sera distribuée aux professionnels des médias afin de leur faciliter la tâche lorsqu’ils cherchent l’avis d’experts pour traiter toute question débattue publiquement.

Le message est clair et net : avec cet annuaire, les médias n’ont plus aucune excuse d’ignorer les dirigeantes libanaises.

Nada Akl est chercheuse spécialisée dans les médias et journaliste basée à Beyrouth. Article écrit pour Service de Presse de Common Ground (CGNews).

Quitter la version mobile