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Ces électeurs que François Hollande a perdus après un an à l’Elysée

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François Hollande achève la première année de son quinquennat par une légère hausse dans les sondages. Le chef de l’Etat regagne 2 points dans le baromètre CSA pour Les Echos, il reste toutefois à un niveau bas. Seuls 31% des Français disent lui faire confiance pour « affronter efficacement les principaux problèmes » du pays. 65% sont d’un avis contraire. Au même moment de son mandat, Nicolas Sarkozy avait une cote de confiance de 38%, en baisse. En mai 1996, Jacques Chirac était à 44%. Mais qui sont ces déçus de François Hollande ? Se tourneront-ils à présent vers Jean-Luc Mélenchon ? Eléments de réponse avec Jean-Luc Mano, spécialiste de la vie politique française, journaliste et conseil en communication. Entretien.

JOL Press : Jean-Luc Mélenchon Premier ministre, est-ce envisageable ?
 

Jean-Luc Mano : Non ce n’est pas envisageable. Jean-Luc Mélenchon incarne une opposition déterminée, peut-être l’opposition la plus ferme à François Hollande, mais son arrivée marquerait non seulement un changement politique mais aussi, comme il l’a dit lui-même, une cohabitation avec le président de la République. Aucun indicateur ne montre donc que François Hollande pourrait aller dans cette voie.

L’orientation développée par François Hollande ces derniers jours affirme plutôt un recentrage de la politique : on l’a vu avec les entrepreneurs ou dans sa gestion des tensions entre le Parti socialiste et l’Allemagne, il s’est montré à l’opposé de l’orientation voulue par Jean-Luc Mélenchon. C’est un bouteillon lancé dans la vie politique qui ne recouvre aucune hypothèse réelle.

JOL Press : Pour Michel sapin, ministre du Travail, il s’agit d’une blague. Que cherche Jean-Luc Mélenchon en jouant la carte du « Premier ministrable » ?
 

Jean-Luc Mano : Il essaie de crédibiliser sa ligne politique. Le problème de Jean-Luc Mélenchon c’est que dans la partie protestataire il rassemble des gens qui peuvent se retrouver autour de lui dans la contestation de la ligne politique de François Hollande et surtout dans la situation économique et sociale du pays mais l’idée que sa politique puisse être appliquée fait douter tout le monde. La mise en œuvre de sa politique ne paraît pas crédible.

A chaque fois que Jean-Luc Mélenchon évoque la possibilité d’être Premier ministre, c’est pour faire un reproche à Marine Le Pen, avec qui il est en rivalité sur la captation des mécontents, et qu’il accuse de protester sans jamais créer les conditions pour être aux affaires. C’est une posture.

JOL Press : A quoi ressemblerait un gouvernement dirigé par Jean-Luc Mélenchon ?
 

Jean-Luc Mano : A rien. On est sous la Ve République donc on ne peut pas imaginer un gouvernement de cohabitation dans la configuration actuelle. Un gouvernement de cohabitation n’existe qu’après une élection perdue par le pouvoir. Aujourd’hui, on ne peut pas imaginer un gouvernement uniquement composé des amis de Jean-Luc Mélenchon et de la gauche du Parti socialiste. On imagine mal les ministres actuels placés sous l’autorité du coprésident du Parti de gauche, pour des raisons à la fois personnelles et politiques.

JOL Press : Une entrée au gouvernement, en revanche, vous paraît-elle plus probable ?
 

Jean-Luc Mano : Probable, non, possible, oui. Je ne pense pas que c’est ce qui va se passer mais c’est possible si on imagine une défaite assez rude du Parti socialiste aux municipales, ou, plus important encore, aux européennes. Les européennes sont plus faciles à gagner pour Jean-Luc Mélenchon. Si le Front de gauche obtient un bon score aux élections, on peut envisager que le chef de l’Etat fasse des concessions et intégre Jean-Luc Mélenchon au gouvernement. Mais encore une fois la tendance actuelle de François Hollande c’est plutôt de tenter une ouverture au centre avec François Bayrou.

JOL Press : Quelle ligne politique doit suivre François Hollande pour retrouver la confiance des Français ?

Jean-Luc Mano : L’ouverture au centre est une politique plus cohérente par rapport à la ligne que le chef de l’Etat a souhaité. François Hollande fait plus de compromis aujourd’hui avec le centre droit qu’il ne le fait avec la gauche de la gauche. Ses engagements fondamentaux – comme la réduction de la dette ou la réduction du déficit à 3% – sont des objectifs partagés par le centre et non par la gauche de la gauche. La politique de rigueur, voire d’austérité, qui vise à réduire les déficits publics et à amoindrir la dette, est une thématique du centre. Il ne faut pas oublier que François Bayrou était le premier à avoir défendu cette politique. Cela fait maintenant dix ans qu’il le répète. Or cette politique est incompatible avec celle défendue par Jean-Luc Mélenchon mais aussi par la gauche du PS. Une alliance avec François Bayrou ne rapporte pas grand-chose et risque de faire éclater le PS.

JOL Press : Comment expliquer ce choix politique ?
 

Jean-Luc Mano : L’oxygène pour François Hollande c’est de reconquérir les voix du centre qui ont fait une part de son succès à l’élection présidentielle. Ce n’est pas un révolutionnaire marxiste, c’est un social-démocrate deloriste.

JOL Press : 78% des Français souhaitent un gouvernement d’union nationale. A quoi pourrait-il ressembler ?
 

Jean-Luc Mano : Je prends le risque et le pari de dire qu’il n’y aura pas de gouvernement d’union nationale. La France n’en a connu qu’un seul, en 1914. Depuis il n’y en a pas eu, excepté peut-être en 1945, avec la présence des communistes et de certains socialistes au gouvernement. Nous étions alors dans une situation exceptionnelle de reconstruction d’après-guerre qui n’a duré que très peu de temps.

Nous n’avons pas en France de culture de gouvernement d’union nationale. Sur quelle politique se baserait-on alors ? Il faudrait se mettre d’accord sur une politique commune. Peut-on imaginer un gouvernement qui irait du Front de gauche à l’UMP ? Par ailleurs un gouvernement d’union nationale c’est l’assurance d’une progression immédiate des extrêmes. 78% des Français souhaitent un gouvernement d’union nationale ? Ils ont toujours dit ça. C’est un rêve, un fantasme français : le gouvernement des meilleurs.

JOL Press : Un an après l’élection de François Hollande, le fossé s’est considérablement creusé entre la majorité et la gauche de Jean-Luc Mélenchon. Une réconciliation est-elle  envisageable ?
 

Jean-Luc Mano : Le fossé entre les représentations politiques des uns et des autres s’est en effet terriblement aggravé et cette union au deuxième tour entre le Front de gauche et le Parti socialiste avait un acteur : Nicolas Sarkozy. La gauche était unie contre le président sortant. Quand il n’y a plus d’ennemi commun, les batailles internes à la gauche reprennent. Les drames sociaux, qui ont marqué la première année du quinquennat de François Hollande, risquent de stratifier les mécontentements et il va être très difficile pour le Chef de l’Etat de reconquérir cet électorat, dans les mois et les années qui viennent.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Luc Mano a été journaliste, puis est devenu parallèlement conseiller en communication. Il a débuté sa carrière à L’Humanité en 1979, puis est passé par TF1 en 1983, dont il est devenu chef du Service Politique. Il est aujourd’hui conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé. Il anime un blog sur l’actualité des médias et vient de publierLes Perles des politiques.

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