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Geneviève Garrigos: «Les migrants, priorité d’Amnesty International»

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Geneviève Garrigos, la présidente d’Amnesty International, a reçu JOL Press chez elle, lundi de Pentecôte. Sans compter son temps, elle nous a présenté les grandes lignes du rapport 2013 d’Amnesty International. C’est année – pour la période allant de janvier à décembre 2012 -, l’organisation non gouvernementale a choisi de mettre l’accent sur la situation des 214 millions de migrants et 15 millions de réfugiés recensés dans le monde. Faute d’action internationale dans le domaine des droits humains, le monde est en train de devenir de plus en plus dangereux pour les réfugiés et les migrants. La présidente en parle avec conviction et émotion.

JOL Press : Quelles sont les grandes lignes du rapport annuel 2013 d’Amnesty international ?
 

Geneviève Garrigos : Cette année, nous portons un coup de projecteur sur la question des réfugiés, déplacés et migrants car notre constat est que, d’une part, leur nombre a continué de s’accroître, d’autre part, leurs conditions sont devenues de plus en plus difficiles. Cela constitue pour nous une grande inquiétude.

On estime aujourd’hui qu’il y a 15 millions de réfugiés dans le monde, 12 millions d’apatrides – c’est-à-dire qui n’ont plus de nationalité – et 214 millions de migrants, dont 10 à 15% seraient en situation irrégulière voire sans papiers.

Le constat par rapport à ces situations, c’est que d’une part, les conditions dans ces camps ne s’améliorent pas, voire se détériorent, et, en plus, les perspectives de retour dans les pays d’origine sont réduites. Je prendrais pour exemple les camps de la région de Tindouf en Algérie concernant les Sahraouis… Cela fait des décennies qu’ils sont dans ces camps et le vote récent du Conseil de sécurité de l’Onu renouvelant la mission de paix au Sahara occidental, la Minurs alors que lorsque celle-ci a été mise en place elle devait conduire à l’organisation d’un référendum que l’on ne voit toujours pas venir 22 ans plus tard.

L’autre aspect, c’est que dans les pays d’où ces migrants sont originaires et qu’ils ont dû quitter – comme dans les pays où ils sont accueillis -, ils sont considérés comme des personnes qui n’ont pas de droit. Cela les rend beaucoup plus vulnérables, surtout quand ils n’ont plus de papiers, et ils deviennent des cibles pour les réseaux de traite, pour le travail forcé. Dans certains pays, les migrants sont dans des situations proches de l’esclavage. Et, dans cette catégorie-là, les plus vulnérables sont les femmes et les enfants.

JOL Press : Quels ont été, au cours de l’année écoulée, les principaux foyers d’émigration à travers le monde ?
 

Geneviève Garrigos : Parmi les réfugiés, il convient de distinguer les réfugiés qui quittent leur pays et les réfugiés qui sont déplacés à l’intérieur du pays.

Pour les déplacements intérieurs, il y a bien évidemment la Syrie – le gros scandale de 2012, qui perdure. Nous estimons qu’il y a deux millions de déplacés à l’intérieur des frontières syriennes. Plus, selon le HCR, un peu plus de 500 000 réfugiés dans les camps, que ce soit en Turquie ou en Jordanie, les pays limitrophes.

Ensuite, il y a eu des déplacements importants au Mali, du fait du mouvement séparatiste mené par les Touaregs et par les mouvements djihadistes au nord. Des centaines de milliers de personnes ont dû fuir…

Autre foyer important, au niveau de la République démocratique du Congo quand, l’année dernière, au niveau du Nord-Kivu, le M23 s’est emparé de plusieurs villes.

Ce sont les nouveaux foyers qui existent depuis des années. Par contre, il y a des foyers qui existent depuis des années. A ce titre-là, on peut citer la Colombie – où les déplacés intérieurs ont encore augmenté en 2012, même si les pourparlers entre les FARC et le gouvernement ont initié des discussions en vue d’un processus de paix, un processus loin d’être abouti. Et puis, il y a des zones comme l’Afghanistan où les mouvements continuent.

Il s’agit surtout de contextes où les personnes fuient en raison de situations de guerre et de l’utilisation des armes – d’où, pour Amnesty International, l’importance du traité sur le commerce des armes.

Après, il y a aussi les personnes qui fuient pour des raisons économiques. Ces mouvements se poursuivent, que ce soit de l’Amérique latine et l’Amérique centrale vers les États-Unis, de l’Afrique du Nord et subsaharienne vers l’Union européenne.

Mais, sur les 214 millions de migrants économiques, les États-Unis et l’Europe constituent des destinations minoritaires. Les mouvements se font aussi vers les pays du Golfe, vers l’Australie, à l’intérieur de la zone Asie-Pacifique ou même de l’Afrique.

On constate que, les conditions pour entrer dans l’Union européenne et les États-Unis étant de plus en plus difficiles en raison de la situation économique et sociale, des contrôles et des barrières qui sont imposés, le sort réservé aux migrants est de plus en plus dur – arrêtés, ils sont le plus souvent mis dans des centres de rétention où les conditions sont assez difficiles. Dans les autres pays, on constate que les travailleurs migrants sont acceptés pour constituer de la main d’œuvre pas chère, mais qu’aucun de leurs droits ne sont respectés. Ils se retrouvent dans des situations assez désespérées compte tenu que leurs pays d’origine ne leur reconnaissent pas de droit et leurs pays de résidence non plus.

JOL Press : Que propose Amnesty International pour remédier à ces situations ?
 

Geneviève Garrigos : En fait, il y a plusieurs mesures qui doivent être mises en œuvre.

Bien sûr qu’il faut prévenir les conflits qui sont à l’origine des mouvements de population et qui les forcent au déplacement, à l’exil. Pour Amnesty International, l’avancée énorme, c’est le traité sur le commerce des armes qui a été adopté par l’Assemblée générale des Nations unies cette année au mois de mars, et nous avons bon espoir qu’il rentre très vite en application.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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