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Le Tripoli que je connais…

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Lorsque je retrouve des amis, nous allons dans des bars à chicha (ou pipe à eau); nous sortons prendre une glace au célèbre Hallab Palace for Desserts et nous nous promenons le soir au Mina Port où nous savourons un thé sucré au lait acheté à un vendeur ambulant. Tripoli n’est pas une zone en guerre et j’espère que quelques-unes des initiatives récemment entreprises par certains jeunes de la ville vont contribuer à y rétablir la paix.

Analphabétisme, chômage et forte densité de la population

Les habitants de ces quartiers parallèles vont souvent au travail ensemble ; leurs enfants fréquentent les mêmes écoles et, il arrive parfois qu’ils se marient entre eux. A l’origine, il s’agissait d’un quartier, nommé Bab al Tabbaneh. Il s’est scindé pendant la guerre civile libanaise. La communauté alaouite de Bab al Tabbaneh (un groupe musulman minoritaire qui représente 12% de la population syrienne avec des poches au Liban et en Turquie) s’est regroupée du côté de la montagne (Jabal Mohsen) donnant sur Bab al Tabbaneh. Cette situation tient, en partie, aux tensions qui existaient à Tripoli entre le Parti démocratique arabe libanais qui soutenait le régime syrien durant la guerre civile et le Mouvement islamiste sunnite Tawhid.

En conséquence, aujourd’hui, beaucoup généralisent et déclarent que les habitants de Bab al Tabbaneh soutiennent l’armée syrienne libre. Les médias décrivent aussi trop souvent un conflit sectaire, pâle ressemblance avec la guerre civile du Liban.

Ces deux quartiers font également partie des plus pauvres du Liban. L’analphabétisme, le chômage et la densité de population y sont élevés. Les besoins fondamentaux comme l’électricité, l’eau courante et la sécurité ne sont pas satisfaits, ce qui permet aux détenteurs du pouvoir d’alimenter les conflits armés dans la région.

Aujourd’hui, cependant, plusieurs initiatives visent à rapprocher et à créer des espaces de dialogue entre habitants de Bab al Tabbaneh et Jabal Mohsen.

Une initiative exceptionnelle est à relever: TEDxAzmiStreet. Elle tient son nom d’une rue très fréquentée qui relie de nombreux secteurs de Tripoli. TEDxAzmiStreet est une version plus modeste, agréée et organisée de façon indépendante, de la célèbre TED conférence qui vise à promouvoir des  »« idées méritant d’être diffusées »

Lors d’une manifestation TEDxAzmiStreet, les intervenants, en direct et diffusés à la télé, font une présentation sur la créativité, l’innovation, des histoires de réussite personnelle et des solutions aux problèmes sociaux, techniques, scolaires et économiques. Au terme de la présentation, le public engage un dialogue sur le thème abordé.

Nazih Fino, responsable de TEDxAzmiStreet, a expliqué comment la participation de l’auditoire donne aux gens la possibilité de s’exprimer dans un lieu où tout le monde est entendu et où, par conséquent, les besoins de chacun sont mieux compris.

J’ai assisté à la première manifestation de TEDxAzmiStreet à Tripoli au milieu de l’année 2012. C’était une période difficile et de violents échanges de tirs avaient eu lieu la veille au soir à Bab al Tabbaneh et à Jabal Mohsen. Pourtant, les organisateurs de la manifestation se sont retrouvés face à une salle comble.

 »Personne n’aurait imaginé que les gens seraient en mesure de venir assister à la manifestation. Et pourtant, ils sont venus pour dire qu’ils étaient opposés à [la violence] et qu’ils pouvaient changer l’avenir en se bonifiant, en prenant des mesures personnelles et en améliorant leurs chances de vivre mieux, » indique M. Fino. La synergie au sein des spectateurs, l’espoir dans leur voix et leur vif désir d’être entendus, de communiquer et de condamner le conflit armé à Tripoli étaient tangibles.

« Alaouite, sunnite, chrétien, nous sommes tous libanais »

Une autre initiative intitulée  »We Love Tripoli – une des plus grandes communautés en ligne à Tripoli – a démarré en 2007 en tant que groupe de jeunes aux origines religieuses et politiques différentes désireux de « changer l’image de Tripoli, ville associée à l’extrémisme et à la violence ». Les membres de cette communauté en ligne se sont organisés. Ils représentent aujourd’hui une organisation non-gouvernementale dont la mission est de « déclencher une passion commune qui consiste à servir notre communauté à travers des projets de défense, des activités bénévoles et des médias sociaux ». Sur leur page Facebook regroupant plus de quinze mille personnes, ils transmettent des messages de paix comme cette photo montrant un homme prônant le message suivant: « Alaouite, sunnite, chrétien, nous sommes tous libanais. »

Lorsque j’ai demandé à M. Fino quels étaient les besoins communs des habitants de Jabal Mohsen et de Bab al Tabbaneh, il m’a répondu: « Ils ont tous besoin de se voir impliqués en tant qu’une société et ils ont tous besoin de paix. »

Les initiatives comme TEDxAzmiStreet et We Love Tripoli offrent aux jeunes la possibilité de s’engager ensemble et leur permet de ne pas traîner dans les rues. En offrant aux gens – et particulièrement aux jeunes – des plateformes pour initier un dialogue ouvert ainsi que la possibilité de s’impliquer dans des projets constructifs dans la société civile, l’entrepreneuriat, l’activisme et la technologie, les conflits armés finiront sans doute par tomber en désuétude à Tripoli.

* Aisha Habli est représentante en relations publiques et des médias et organisatrice free-lance d’événements. Elle est membre des Lebanese Peace Journalists et de MasterPeace Lebanon. Article écrit pour Service de Presse de Common Ground (CGNews).

Source: Service de Presse de Common Ground (CGNews), 19 avril 2013, www.commongroundnews.org
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