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Élections en Iran: le boycott, une stratégie gagnante pour l’opposition?

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Le souvenir de l’élection présidentielle de 2009 reste brûlant dans les mémoires de nombreux Iraniens. De ceux qui, mécontents d’assister à un scrutin jugé frauduleux et qui a placé le président Mahmoud Ahmadinejad à la tête de l’Etat, ont participé à la « révolution verte », violement réprimée par le régime.

Les électeurs las des manipulations

Cette année, les experts s’accordent à dire que les élections seront plus calmes. Lassés par les manœuvres du régime islamique, les Iraniens n’espèrent plus rien.

« Ceux qui ont vu leurs votes confisqués au profit du candidat du régime, Mahmoud Ahmadinejad, et leur mouvement de protestation réprimé dans le sang, n’ont plus envie d’aller voter », explique ainsi Karim Pakzad, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).

Comme pour en ajouter à leur exaspération, ils sont nombreux aujourd’hui à se voir déposséder du seul candidat qui aurait pu redonner espoir à l’électorat réformateur.

Or Hachemi Rafsandjani, président de 1989 à 1997, qui avait annoncé sa candidature au dernier moment, est interdit de scrutin par le Conseil des Gardiens, organe du système politique habilité à choisir les candidats à la présidentielle.

Hachemi Rafsandjani éliminé, il ne reste plus alors aux électeurs qu’à assister à un scrutin déjà gagné à la cause des conservateurs.

« Les Iraniens auraient pu retrouver cette confiance si le candidat Rafsandjani avait eu le droit de se présenter », précise Karim Pakzad. « Parmi les huit candidats encore en lice, il ne reste que deux réformateurs qui n’ont clairement aucune chance de gagner », ajoute-t-il encore.

Pas de printemps iranien cette année

Pourrait-on alors assister à un nouveau soulèvement, comme en 2009 ? C’est peu probable estime l’expert de la question. La violence des répressions est toujours ancrée dans la mémoire des Iraniens et ils ont désormais conscience de leur petitesse en face d’un régime qui a fait de la force son premier atout.

« Les Iraniens, la jeunesse notamment, ne croient plus en un éventuel printemps iranien. L’Iran n’est ni l’Egypte, ni la Tunisie. Le régime islamique est fondé sur un appareil répressif sans commune mesure et dans lequel aucune manifestation de ce genre ne peut être tolérée. Les Iraniens l’ont déjà constaté, en 2009 », explique Karim Pakzad.

Le fils de l’ancien shah condamne le scrutin

Sans alternative, c’est donc vers le boycott du scrutin que les Iraniens semblent se diriger. Jusqu’à maintenant, et à quelques jours de l’élection prévue le 13 juin, les personnalités sont nombreuses à appeler à ignorer l’élection présidentielle qui leur désignera un nouveau président.

Le Conseil national iranien, basé à Paris et dont le porte-parole n’est autre que le fils de l’ancien shah d’Iran, Reza Pahlavi, a ainsi appelé de ses vœux, le 4 mai dernier, au boycott des élections.

« Ce que nous disons, c’est que nous appelons à un boycott important pour ces élections et à la place nous exigeons notre droit à des élections libres en Iran », a déclaré celui qui, pour certains Iraniens, est considéré comme le shah actuel du pays.

Les réformistes s’engagent pour Hachemi Rafsandjani

C’est à la suite de l’élimination du candidat Hachemi Rafsandjani que la présidente de la République élue de la Résistance iranienne (CNRI) a également appelé ses soutiens en Iran à un large boycott du scrutin. Maryam Radjavi, a dénoncé dans un communiqué « une mascarade totale » et « un repli total sur soi » du régime islamique.

Selon elle, « il n’existe plus aucune solution à l’intérieur de ce régime et la nécessité du renversement et du boycott s’affirme une fois de plus. »

Le 27 mai dernier, Mostafa Tajzadeh, figure importante du monde politique iranien, arrêté lors de la « révolution verte » de 2009 et toujours incarcéré, a également écrit une lettre depuis sa cellule à l’attention des gouvernants et des électeurs.

L’ancien ministre du président Khatami, réformiste engagé, a enjoint les Iraniens à ne pas se rendre dans les bureaux de vote au jour de l’élection.

« A la suite du vol du droit des peuples à une élection libre, les dirigeants autoritaires ne nous laissent pas d’autres choix que de ne pas participer à ces élections inconstitutionnelles et manipulées », a-t-il déclaré, appelant à une campagne pré-électorale massive afin qu’Hachemi Rafsandjani puisse finalement se présenter.

Les jeunes quittent l’Iran

Pour Karim Pakzad, l’invalidation de la candidature de celui qui avait le plus de chances de remporter le scrutin « vide l’élection de tout son sens ».

« Le pouvoir pourra toujours annoncer des taux de participation élevés, elle sera en fait très faible car une large partie de la population des bazars, des religieux, des nationalistes et des opposants réformateurs vont boycotter le scrutin. »

« Or, explique-t-il encore, la République mettait toujours en avant l’organisation d’élections « démocratiques » et la participation de la population comme un succès du régime islamique. Cette fois-ci, on peut d’ores et déjà dire que l’élection de juin n’aura aucune valeur démocratique ».

C’est alors vers l’étranger que se tourneront désormais les Iraniens.

Pour Karim Pakzad, « s’il n’y a plus d’alternatives, une partie des jeunes ne pensent qu’à  quitter le pays parce que tout espoir a disparu. Cette année, les jeunes n’iront pas voter et les journalistes étrangers seront contrôlés très sévèrement pour que les images des bureaux de vote vides ne soient pas diffusées. »

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