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La Pologne, bonne élève de l’Union européenne?

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JOL Press : Pourquoi la Pologne a-t-elle échappé à la crise en 2008 ?
 

Paweł Tokarski : La Pologne est le seul pays de l’UE qui a évité la récession en 2009. Cela est dû à plusieurs facteurs, liés entre eux.

Le premier était la consommation intérieure privée. La Pologne dispose d’un grand marché intérieur de 38 millions de consommateurs, qui sont restés optimistes et ont continué à acheter des biens et des services, indépendamment des mauvaises nouvelles qui provenaient de la zone euro. Le pays avait sa propre monnaie, avec un régime de taux de change flottants, qui a aidé à absorber les chocs économiques. Ce phénomène, combiné à une demande relativement stable de l’Allemagne – le plus gros acheteur de biens et de services polonais – a aidé à stabiliser l’économie polonaise.

Un autre facteur était la structure de l’économie, caractérisée par la prédominance des petites et moyennes entreprises, produisant plus de la moitié du PIB de la Pologne. Ce sont surtout des entreprises familiales, qui n’ont pas besoin du financement des banques. Ainsi, le resserrement du crédit dans ce secteur a eu un impact limité sur leur performance.

Une autre raison était l’afflux de fonds en provenance de l’Union européenne, additionné à des investissements importants dans les infrastructures. Nous devons également mentionner la bonne forme du secteur bancaire polonais : ce dernier a enregistré des bénéfices record au cours des deux dernières années, avec une part marginale de mauvais prêts, en raison des règles strictes imposées par le contrôleur national du secteur financier.

Le pays dispose également d’un système d’assurance des dépôts très fiable, réputé pour être plus sûr qu’en France et que dans d’autres pays européens. Le contrôle efficace du secteur financier n’a pas permis l’explosion de bulles spéculatives dans le secteur de l’immobilier, comme ce fut le cas de l’Espagne ou de l’Irlande.

La Pologne a également réussi à contrôler ses finances publiques. Le niveau de la dette brute des administrations publiques par rapport au PIB en 2012 était de 55,6%, soit un niveau nettement inférieur à la moyenne de la zone euro, qui dépasse les 90%.

JOL Press : En 2011, la Pologne enregistrait un taux de croissance de plus de 4%. Mais au premier trimestre 2013, le PIB a progressé de seulement 0,1%. Peut-on encore parler aujourd’hui de « miracle polonais » ? Ou le pays risque-t-il de tomber en récession ?
 

Paweł Tokarski : L’économie polonaise n’existe pas dans le vide. Elle est largement tributaire de la performance de la zone euro, en particulier de l’Allemagne, principal partenaire commercial. Par conséquent, le ralentissement économique dans ce pays et d’autres pays de la zone euro devait affecter la croissance économique polonaise.

La Pologne est également confrontée à des problèmes concernant son marché du travail : le pays a atteint un taux de chômage de 10,8% en avril. Il convient de rappeler que notre pays est encore dans un processus de transformation économique, suite aux effets dévastateurs de 40 ans d’économie planifiée, centralisée et inefficace.

Des problèmes structurels considérables doivent encore être éliminés, comme les réformes des systèmes de retraite et de santé, l’insuffisance des infrastructures, l’emploi dans l’agriculture et dans l’administration publique, la qualité insuffisante de l’enseignement ou les défis démographiques. Ces questions ont été récemment soulevées par la Commission Européenne. Résultat : le taux de croissance économique ralentit. Néanmoins, les prévisions montrent qu’il n’y a normalement pas de risque de récession en Pologne en 2013 et en 2014. 2014 verra probablement une augmentation de la croissance économique.

JOL Press : Quelles sont les principales ressources sur lesquelles la Pologne peut compter pour éviter la récession ?
 

Paweł Tokarski : Outre les avantages énumérés ci-dessus, la Pologne – grâce à un important marché de consommateurs et la mise en route de grands projets d’infrastructure financés par le prochain budget de l’UE 2014-2020 – est encore un endroit attractif pour les investisseurs étrangers. Les coûts du travail sont toujours considérablement plus bas que dans les autres pays de l’UE.

Pourtant, il n’est pas difficile de trouver ici des spécialistes hautement qualifiés dans les TIC, ou des ingénieurs civils. La Pologne offre encore du travail de qualité et un capital humain – et donc des produits – à un prix relativement bas. Cela a permis un afflux considérable d’investissements directs à l’étranger (IDE) depuis le début de la crise et attirera toujours de nouveaux capitaux dans le futur. Le fardeau de la réglementation a considérablement diminué au cours des deux dernières années, ce qui permet de faire des affaires plus facilement. 

JOL Press : La Pologne pourrait-elle s’en sortir sans les aides européennes ?
 

Paweł Tokarski : L’adhésion de la Pologne à l’UE a apporté des bénéfices à la fois pour la Pologne et pour d’autres pays de l’UE. La Pologne a reçu d’importantes sommes du budget européen, qui ont contribué à diminuer sa distance par rapport aux autres membres de l’UE et à rendre son économie plus attrayante pour les investisseurs étrangers.

Pour être juste, il faut également mentionner que, grâce à l’adhésion de la Pologne à l’UE, de nombreuses entreprises des « vieux » membres de l’UE ont ainsi eu accès au marché polonais et ses 38 millions de consommateurs. Ainsi, de nombreux emplois ont été créés chez les principaux partenaires commerciaux de la Pologne : l’Allemagne, la France ou l’Italie.

Le secteur bancaire polonais, très rentable, est à 60% détenu par les groupes bancaires de la zone euro. En outre, les données économétriques de la Commission européenne montrent que les fonds de cohésion dépensés en Pologne génèrent également une croissance économique dans ces pays qui sont les principaux contributeurs au budget de l’UE. Par exemple, les routes polonaises, co-financées par le budget européen, sont construites par de nombreuses entreprises allemandes, françaises, italiennes, autrichiennes, espagnoles ou encore irlandaises.

Cependant il faut dire que, sans ces fonds, le gouvernement de la Pologne n’aurait jamais entreprus de moderniser l’économie de la sorte.

JOL Press : Pourquoi la Pologne refuse-t-elle toujours l’euro ?
 

Paweł Tokarski : Il est difficile de parler de « refus ». En fait, le gouvernement polonais soutient l’adoption de l’euro, car il permettrait des gains économiques et politiques importants, mais il y a plusieurs obstacles majeurs sur son chemin.

Le premier est la crise dans la zone euro. En dépit de la récente accalmie sur les marchés obligataires, l’incertitude quant à la viabilité de la dette de certains pays de la zone euro est encore relativement élevée. Par conséquent, la zone euro a besoin de retrouver sa stabilité.

Deuxièmement, les mauvaises nouvelles en provenance de la monnaie unique influencent le soutien des Polonais pour l’euro, qui est passé d’environ 50% en 2006 à 25% en 2012.

Troisièmement, pour adopter l’euro, la Pologne doit modifier sa constitution pour laquelle les 2/3 des voix sont requis. Cela sera difficile à atteindre après les élections législatives en 2015.

Enfin, l’économie de la Pologne a encore des problèmes structurels considérables qui doivent être pris en compte. L’expérience montre que si le gouvernement ne parvient pas à les résoudre avant d’entrer dans la zone euro, le pays pourrait se retrouver en difficulté, comme dans le cas de la Grèce, du Portugal et de la Slovénie. Pourtant, jusqu’ici la Pologne a plutôt « bien fait ses devoirs », en évitant la récession grâce à la fiabilité de son secteur bancaire et à la stabilité de son marché immobilier.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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