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Signé Moscou: des barbelés entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie

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Selon le ministère géorgien des Affaires étrangères, le 27 mai 2013, des garde-frontières russes ont commencé à dresser le barrage de fils de fer barbelés séparant l’Ossétie du Sud de la Géorgie.

A l’origine de l’affaire

En avril 2009, les autorités sud-ossètes ont confié la protection de la frontière aux militaires russes. Ils accordaient ainsi toute leur confiance à la Russie protectrice, venue « à leur secours » pendant la guerre d’août 2008.

La Russie avait reconnu, dès la fin du mois d’août 2008, l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, deux anciens territoires autonomes de la Géorgie.

Pour toute réponse, Tbilissi a rompu les relations diplomatiques avec Moscou en 2008.

Ce n’était certes pas la meilleure façon de régler le problème.

L’appétit de Moscou

Depuis, la situation se tend dans la zone de conflit et les populations civiles en subissent les conséquences. 

Selon le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, adopté par l’Assemblée parlementaire le 28 janvier 2009, « La situation dans l’ancienne zone dite « tampon » reste tendue et des personnes continuent à y être tuées par des tirs de snipers, des mines, des munitions non explosées et des pièges. Si le déploiement rapide de la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) a permis à de nombreuses personnes de rentrer dans leurs foyers dans cette ancienne zone dite « tampon » avant l’arrivée de l’hiver, cette mission a besoin d’un mandat plus fort et d’effectifs plus importants pour répondre aux besoins de sécurité de tous ceux qui vivent près de la « frontière » de fait avec l’Ossétie du Sud. La fermeture de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Géorgie et la cessation de ses précieuses activités d’observation sont très regrettables et accentuent encore la responsabilité de la MSUE sur sa capacité à renforcer son mandat et sa présence. »

Plus le temps passe, plus Moscou affiche ouvertement ses intentions et son intérêt pour ces deux territoires géorgiens. 

Un incident de frontière

Le 27 mai 2013, dans les villages de Ditci et Dvani (région de Doucheti) la frontière a été déplacée par les garde-frontières russes sur une  profondeur de 200 à 300 mètres en territoire géorgien. 

Cette délimitation de la frontière osséto-géorgienne constitue objectivement une violation du droit international et des accords de paix signés entre la Russie et la Géorgie en 2008. En outre, les habitants du village révèlent que les gardes-frontières russes ont commencé à dresser les barbelés bien avant le 27 mai dans les autres villages près de la zone de conflit. Cette fois-ci, ils construisent une véritable barrière de barbelés et les terrains restés officiellement de l’autre côté de cette barrière ne sont plus accessibles, y compris à leurs propriétaires.

Selon Zurab Chkheidze, gouverneur de Chida Kartli, la construction des barrages provoquera sans doute l’immigration des villageois qui commencent déjà à quitter leurs demeures, car la zone est chaque jour plus dangereuse. Ces dernières semaines, plusieurs personnes ont été kidnappées. Une réalité ni récente ni inhabituelle, mais rarement rapportée. Pourtant, ces actes pourraient contribuer, dans les zones de conflit, à un nettoyage ethnique des Géorgiens.

Plus précisément, le 27 mai, près de village Ditci, deux adolescents de 13-14 ans étaient en train de jouer quand Rostom Sociashvili, âgé de 24 ans, a remarqué les gardes-frontières russes se diriger vers les mineurs. Le jeune homme a voulu les prévenir. Finalement, ce dernier fût enlevé et emmené par les militaires, probablement vers Tskhinvali. Un peu plus tard, deux personnes – père et fils – furent également enlevées et emprisonnées à Tskhinvali, pour être relâchés quelques jours plus tard.  

Un inquiétant précédent

En Géorgie, ainsi qu’en Europe, cette délimitation autoritaire du territoire soulève l’inquiétude. Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, semble très inquiet, plus même que certains diplomates géorgiens. « Cela pourrait contribuer à l’escalade de la tension. C’est tout simplement inadmissible », a-t-il déclaré aux journalistes à Bruxelles. 

Paata Zakareishvili, le ministre géorgien de la réintégration, oppose quant à lui sang-froid et fermeté : « Les ossètes investissent plus qu’un simple distance de 200 ou 300 mètres. Ils viennent faire leur marché, se soigner, étudier… c’est-à-dire qu’ils ont commencé à s’intégrer dans toute la Géorgie. C’est justement ce qui dérange la Russie » – a déclaré le ministre, en ajoutant que la Russie veut provoquer émotionnellement les Géorgiens : « La Russie n’a pas investi que 300 mètres, elle occupe le territoire sur plusieurs kilomètres depuis août 2008. Vous voudriez qu’on déclare la guerre à la Russie pour 200 à 300 mètres ? Les russes tracent une ligne jusqu’où ils pensent occuper le territoire. Ils veulent que le gouvernement géorgien entre dans la négociation pour définir « où passe la frontière ». C’est inacceptable pour nous, car il n’y a aucune frontière sur le territoire d’Ossétie du Sud. Là-bas, il y a que des lignes qui divisent le territoire. Nous n’allons pas rentrer dans un jeu qui ne convient qu’à la Russie. »

Des tentatives d’apaisement

Zurab Abachidze, représentant spécial du Premier Ministre géorgien pour la Russie sur les relations Géorgie-Russie, a récemment rencontré Grigoriy Karassin, le vice-ministre des Affaires étrangères de Russie. C’était leur troisième rencontre. Le sujet principal de ces entretiens portait sur les relations économiques entre les deux pays.

Ces rendez-vous laissaient de côté la situation tendue dans la zone de conflit, et la délimitation de la frontière en Ossétie du Sud. Le ministre des Affaire étrangères de Géorgie, Maia Fandjikidze, a demandé à Abachidze que ces deux sujets soient traités lors de leurs multiples face-à-face. Le représentant du Premier Ministre aurait répondu que ce n’était pas sa prérogative.

Pour la paix en Géorgie

Comment espérer une paix en Géorgie quand certains diplomates géorgiens entonnent la même « chanson politique » que la Russie. Ou quand l’Europe s’abrite derrière des mots : « inadmissible », « inacceptable »… pour qualifier le comportement des soldats russes ; et qu’elle se contente de constater la souffrance des habitants sans même officiellement chercher de solution. Et l’OTAN… la Géorgie peut encore compter sur elle ?

Malgré l’envoi de militaires en Irak et en Afghanistan où 27 soldats ont déjà perdu la vie, l’OTAN ne souhaite pas l’adhésion de ce petit pays avant que ne soit réglé le problème avec la Russie. Levan Berdzenishvili a clairement exprimé sa position à la télévision (hebdomadaire géorgien) : « La Russie était sûre que pour la Géorgie, le chemin jusqu’à l’OTAN était très loin. D’autant plus que la guerre de 2008 a « résolu » ce problème. Je vous rappelle que selon l’article 5 du traité de l’Atlantique-Nord, si l’un des pays membres est attaqué, elle jugera nécessaire de rétablir et assurer la sécurité dans la région. Les russes ont pensé que c’était impossible pour la Géorgie d’intégrer l’OTAN si ses territoires étaient occupés. Que la Géorgie adhère maintenant à l’OTAN impliquerait inévitablement pour cette dernière l’entrée en guerre avec la Russie. Malheureusement, la Russie a créé ce mécanisme en 2008, grâce à l’impatience et à l’hostilité de notre ancien gouvernement. »

Si la Géorgie est loin de l’OTAN, elle est encore bien plus loin de la paix, de la souveraineté et de l’indépendance. Comme souvent, cette réalité dérange ou arrange certains. Mais comme toujours, elle fait surtout mal… 

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