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Coup de force militaire au Caire: Washington dans l’embarras

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Les Etats-Unis ne savent pas très bien comment interpréter les récents événements égyptiens. Face à cette deuxième révolution qui commence, Washington semble démuni. La diplomatie américaine piétine.

Les Etats-Unis ne soutiennent personne

C’est ce qui ressort notamment de cet appel de Barack Obama à son homologue égyptien. Mardi 2 juillet, alors même que le président Morsi venait de rejeter l’ultimatum que l’armée venait de lui lancer, Barack Obama s’est dit inquiet de l’aggravation de la crise politique en Egypte.

En visite en Tanzanie, à l’occasion de la troisième et dernière étape de sa tournée en Afrique, Barak Obama s’est également dit attaché « au processus démocratique en Egypte », affirmant ne soutenir « aucun parti ou groupe », selon les termes d’un responsable de la Maison Blanche.

Lors de cette conversation, le président américain aurait également affirmé que « la démocratie ne se limite pas aux élections. Il s’agit aussi de faire en sorte que les voix de tous les Egyptiens soient entendues et représentées par leur gouvernement, y compris les nombreux Egyptiens qui manifestent à travers le pays ».

Washington ne peut pas aller contre la démocratie

Il faut dire que ces temps « d’été arabe » comme se plaisent certains observateurs à appeler ce regain de révolutions en Egypte, les Etats-Unis jouent la carte de la prudence.

Mohamed Morsi, tout Frère musulman qu’il soit, est un chef d’Etat élu par la voix du peuple, il y a maintenant un an. Avec 51% des suffrages, il est devenu le premier président civil démocratiquement élu en Egypte. Les Etats-Unis auraient beau détester la personne du président égyptien, ils ne pourraient agir autrement qu’en témoignant un soutien, même faible, au chef d’Etat.

D’autre part, les Etats-Unis sont parvenus, malgré toutes leurs craintes, à travailler avec les Frères musulmans qui se sont montrés conciliants, tant en interne que sur la scène internationale.

Les Américains avaient appris à travailler avec Mohammed Morsi

Dès leur arrivée au pouvoir, le gouvernement a immédiatement calmé la tempête qui s’annonçait avec l’armée. Certes, il a fallu pour ça supprimer la tête pensante du Conseil suprême des forces armées, en la personne d’Hussein Tantaoui, mais l’armée, dont la survie est assurée à 80% par l’aide américaine, a réussi à assurer ses prérogatives, tant commerciales – la fortune des militaires représenteraient 40% du PIB égyptien – que militaires, en s’assurant le sacro-saint portefeuille de la Défense.

Toujours en interne, les Américains se sont montrés de bonne volonté pour relever l’Egypte de ses années de révolution. Lors d’une récente visite au Caire, le secrétaire d’Etat John Kerry a d’ailleurs annoncé l’octroi d’une aide supplémentaire de 250 millions de dollars afin de permettre à l’Egypte de se relever de cette crise économique qui attise la colère des manifestants.

Sur la scène internationale, malgré quelques mots mal placés à l’égard d’Israël en début de mandat, Mohamed Morsi s’est illustré en bon diplomate pour la paix au Proche-Orient, notamment lors de l’offensive israélienne sur Gaza, en novembre dernier.

Huit jours après le début des combats, Mohamed Morsi est parvenu à arracher un cessez-le-feu entre Israël et les Palestiniens. Une bonne manière de consacrer le rôle stratégique de l’Egypte dans la région, mais également pour Mohamed Morsi de devenir l’interlocuteur privilégié de Barack Obama sur place.

Le danger d’une Egypte en ébullition

En clair, malgré les révolutions, malgré les islamistes au pouvoir, les Etats-Unis se sont surpris à apprécier le travail avec les Frères musulmans, une manière d’ailleurs de montrer que Washington, après dix années de guerre en Irak et en Afghanistan, peut tout à fait soutenir un gouvernement dirigé par l’islam radical.

Car finalement, peu importe les millions de révolutionnaires et la santé des minorités en Egypte. Ce qui compte à Washington, c’est bien la frontière avec son allié israélien. Or ces mêmes révolutionnaires pourraient bien finir par embarrasser les Etats-Unis.

Non pas que Washington s’intéresse de très près à leurs revendications, mais bien parce que ces manifestations sèment le chaos dans un pays qui, à leurs yeux, a le devoir d’être stable.

« Si les Frères musulmans, par leur action, plongent le pays dans le chaos, si économiquement plus rien n’y fonctionne, l’Égypte, qui, je le rappelle, contrôle le Canal de Suez, pourrait devenir un État défaillant. Or cette éventualité, les États-Unis la refusent car cela menacerait leurs propres intérêts dans la région », explique ainsi Eberhard Kienle, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Moyen-Orient à France 24. « Les États-Unis peuvent également craindre qu’en cherchant à se maintenir au pouvoir les Frères musulmans s’en prennent à Israël, L’État hébreu est toujours un bon prétexte pour enflammer son peuple. » explique encore Myra Mahdy-Daviran ancien membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese), au site d’informations.

Les Américains jouent alors la prudence, car il n’y a pas vraiment d’autre alternative. Soutenir l’armée ? Washington ne peut pas se le permettre et de toute façon, les Egyptiens redescendraient immédiatement dans la rue. Attendre que l’été passe semble être alors la meilleure solution à court terme.

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