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Programme de transition politique en Égypte: un retour en arrière?

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Si tout se passe comme l’entend le président égyptien par intérim, la fin de la crise politique en Egypte est proche.

Un programme rapide pour la transition politique en Egypte

Alors que les partisans du président déchu Mohamed Morsi sont toujours dans la rue pour dénoncer le putsch mené par l’armée il y a quelques jours, le président du conseil constitutionnel, nommé président par intérim, a tenté d’apaiser les foules en émettant une déclaration constitutionnelle qui prévoit les prochaines étapes de la transition politique.

Selon cette déclaration, émise dans la nuit de lundi 8 à mardi 9 juillet et transmise par l’agence de presse officielle Mena, des élections législatives devront avoir lieu avant 2014.

L’élection d’un parlement pourra ainsi relancer la transition politique et ouvrir la voie à la tenue d’une nouvelle élection présidentielle, dont la date n’a pas encore été fixée.

Entre temps, un comité constitutionnel devrait être nommé d’ici 15 jours. Ce comité sera chargé de rédiger des amendements, soumis à référendum, afin d’adopter une nouvelle constitution.

Les Frères musulmans dénoncent un retour à la case départ

Les Frères musulmans ont immédiatement refusé le programme de transition politique engagé par la présidence.

Le mouvement, qui avait appelé au « soulèvement » quelques heures plus tôt, a dénoncé un programme qui ramènerait l’Egypte « à la case départ ».

« Un décret constitutionnel par un homme nommé par des putschistes […] ramène le pays à la case départ », a ainsi commenté Essam al-Erian, vice-président du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans.

L’Egypte revit la situation politique de 2011

Dans les faits, les Frères musulmans le constatent comme de nombreux Egyptiens, leur pays semble bel et bien revenu à la situation de février 2011. A cette époque, l’armée venait de destituer le président Hosni Moubarak sur fond de mobilisation populaire.

Pendant plusieurs mois, l’armée avait alors repris les rênes du pouvoir avant de le transmettre à une autorité civile. Cette transition avait alors duré plusieurs mois, tant l’armée restait réticente à confier le pouvoir aux révolutionnaires.

Des élections législatives avaient été organisées à l’automne suivant, puis, quelques mois plus tard, une élection présidentielle avait finalement lieu.

Aujourd’hui, et bien que plus de deux ans se soient écoulés entre ces deux évènements, la situation en Egypte reste la même.

Certes, l’armée semble cette fois s’être mis d’accord avec l’opposition aux Frères musulmans. Néanmoins les clivages sont toujours présents.

Mêmes clivages politiques dans l’opposition

Ces clivages politiques risquent bien de rendre difficile ou du moins stérile, cette transition voulue par le président Adly Mansour.

En effet, en 2011, la foule des manifestants s’étaient montrée unie lorsqu’il a fallu destituer Hosni Moubarak. Ce n’est qu’au début des élections législatives que les fractions politiques ont émergé. Entre les salafistes, les Frères musulmans, les laïcs, les sympathisants de l’ancien régime ou encore les partisans de l’ancien régime, la rue multicolore a partagé ses voix, laissant le champ libre aux Frères musulmans qui, largement investis sur tout le territoire égyptien, ont bénéficié d’une base électorale non négligeable. Au terme de trois mois de scrutin législatif, le parti des Frères musulmans avait remporté le scrutin avec 37,5% des voix. Juste derrière, les salafistes du parti Al-Nour créaient la surprise en s’arrogeant la deuxième place du paysage politique égyptien avec 27,8% des voix.

En tout, 27 partis et formations politiques étaient rassemblés dans cette assemblée hétérogène, sans compter les 23 députés indépendants.

Les Frères musulmans restent soutenus dans le pays

L’opposition aux Frères musulmans et au président Morsi compte reconquérir le pouvoir par les urnes. Pourtant, cette opposition qui s’est unie autour de ce putsch est bel et bien toujours désunie et ces divergences de fond pourraient bien se traduire une nouvelle fois dans les urnes, laissant de nouveau la porte grande ouverte aux Frères musulmans.

« Les Frères musulmans restant à ce jour la principale force politique civile organisée, ils demeurent en situation de faire à nouveau un bon score », explique ainsi Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) sur le site Affaires stratégiques, « car ils conservent une large base sociale et électorale ».

« Le défi réside alors pour les diverses composantes de l’opposition – libéraux, laïques, sociaux-démocrates, nassériens de gauche… – d’être capables de rassembler, d’élaborer une plateforme unitaire, de présenter des candidats communs », commente-t-il.

Un défi de taille pour l’opposition, si elle veut, comme elle le clame, réaliser une transition politique démocratique.

« Ce sont les conditions nécessaires pour espérer contrebalancer les Frères musulmans et équilibrer les rapports de force de façon démocratique et sans recourir à l’armée », explique encore Didier Billion.

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