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Qui sont les trois hommes du coup d’État égyptien?

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Ils sont sous les lumières des projecteurs des médias internationaux depuis quelques heures. Le coup d’Etat mené par l’armée égyptienne et qui vient de destituer le président islamiste Mohamed Morsi, vient de confier l’Egypte entre les mains d’hommes qui, jusqu’ici, étaient resté dans l’ombre du pouvoir ou dans le silence forcé de l’opposition.

L’histoire se répète

Ils sont désormais plusieurs à tenir entre leurs mains la délicate nouvelle transition en Egypte. Délicate car l’histoire semble se répéter en Egypte. Une période de transition menée par l’armée, les Egyptiens l’ont déjà vécue, il y a à peine un an et demi. Comme chacun sait, cette transition avait abouti au douloureux transfert du pouvoir de l’armée vers un gouvernement civil, les Egyptiens avaient alors estimé que les Frères musulmans seraient les plus à mêmes de régner en démocratie.

Pendant cette première et dernière année de mandat, l’armée s’était alors rangée du côté des Frères musulmans, satisfaite de voir ses prérogatives protégées. Une seule tête n’avait pas survécu, celle du chef du Conseil suprême des forces armées, le maréchal Hussein Tantaoui, détesté alors par la foule des révolutionnaires.

Abdel Fattah al-Sissi, ministre de Morsi

Un an plus tard, son successeur, le général al-Sissi, est acclamé en héros place Tahrir et ailleurs, et sommé d’intervenir pour libérer le pays de la main des Frères musulmans.

A 58 ans, Abdel Fattah al-Sissi a longtemps été soupçonné d’être sous la coupe du régime des Frères musulmans. Pourtant, son alliance de circonstance avec le président Mohamed Morsi qui l’a nommé à la tête du ministère de la Défense n’aura pas duré longtemps.

Soucieux de redorer l’image de l’armée, largement altérée durant la période de transition qui a précédé l’élection de Mohamed Morsi, le général al-Sissi s’est peu à peu éloigné du régime des Frères musulmans.

Le point d’orgue de cet éloignement est intervenu quelques jours avant l’historique manifestation du 30 juin, lorsqu’il a jugé être du devoir de l’armée « d’intervenir pour empêcher l’Egypte de plonger dans un tunnel sombre de conflits » pour prévenir « l’effondrement des institutions de l’Etat ».

Quelques jours plus tard, face à la marée humaine qui avait envahi les rues du Caire pour exiger la démission du président Morsi, le Conseil suprême des forces armées lançait un ultimatum au président Morsi. 48 heures plus tard, Mohamed Morsi, déterminé à s’accrocher à sa légitimité, était défait par l’armée.

El-Baradei, l’homme de la situation

Mohammed El-Baradei fait également son grand retour sur la scène publique. Prix Nobel de la Paix, ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, cet homme est resté dans l’ombre de l’opposition pendant un an, après avoir finalement refusé de se présenter à la dernière élection présidentielle égyptienne de juin 2012.

Choisi par l’opposition pour être la voix du « Front du 30 juin » pour la représenter, cet homme de 71 ans a l’énorme avantage de n’avoir jamais choisi de camp. Menant des combats contre l’ancien dictateur Hosni Moubarak, investi depuis les premiers jours de l’opposition à Mohamed Morsi, il apparaît comme un homme de consensus.

Aujourd’hui, le Front du 30 juin lui a confié la responsabilité « d’assurer l’exécution des revendications du peuple égyptien et de préparer un scénario visant à réaliser la feuille de route de l’opposition pour une transition politique ».

Ce coup d’Etat, Mohamed El-Baradei le désirait, et c’est d’ailleurs à la suite d’un accord avec l’armée que les récents événements sont survenus.

Un inconnu à la présidence

Finalement, cette transition qui s’annonce déjà douloureuse repose également entre les mains d’Adly Mansour. Peu connu, tant de la communauté internationale que des manifestants qui n’ont jamais vu en lui un successeur au président Morsi, son statut de président  du Conseil constitutionnel l’a immédiatement propulsé au rang de chef d’Etat.

Âgé de 67 ans et père de trois enfants, Adly Mansour est un diplômé de l’Ecole nationale d’administration (ENA) et a poursuivi une carrière judiciaire sous le règne d’Hosni Moubarak. Durant cette carrière, de nombreux tribunaux l’ont accueilli, cours religieuses mais également civiles et criminelles.

Alors que son nom ne résonnait dans la tête d’aucun membre de l’opposition pour succéder au président déchu, sa neutralité a sans doute été son atout pour être choisi par l’armée pour participer à la destinée de l’Egypte. Son travail sera désormais délicat, il devra tenter, pendant les mois qui lui seront donnés à son poste, de redresser l’économie égyptienne et d’apaiser les consciences afin d’organiser un nouveau scrutin présidentiel.

L’heure est à la pacification de la place Tahrir

Ces trois hommes président désormais à la transition égyptienne. Une transition qui, selon ce que l’histoire récente a appris aux Egyptiens, devra être courte et non armée.

Lors de son passage au pouvoir, l’armée avait eu de nombreuses difficultés à gérer les affaires courantes du pays. Trop occupée à s’assurer que ses privilèges économiques dans le pays soient protégés à la suite de l’élection présidentielle, le Conseil suprême des forces armées avaient fini par devenir l’unique cible des révolutionnaires.

L’armée sait désormais que sa place doit être celle de l’ombre. L’opposition a également appris, durant ces deux années qui viennent de s’écouler. Capable de s’unir contre un homme, contre un régime, elle s’entredéchire lorsqu’il s’agit d’établir un programme. Il faut dire que le paysage politique égyptien est composé d’une cinquantaine de partis politiques, les manifestants de la place Tahrir sont quant à eux aussi divers que ce paysage. De la gauche nassérienne à la droite libérale, la place Tahrir n’est unie que face au danger. Certes, Mohammed El-Baradei est sans conteste l’homme de la situation. S’il n’en fallait qu’un en Egypte, ce serait lui. Mais saura-t-il calmer les ardeurs révolutionnaires ? Les jours prochains le diront.

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