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Révolution en Égypte: les coptes, cibles de la vengeance islamiste?

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Il y a un an, ils observaient avec crainte l’arrivée d’un Frère musulman au pouvoir. Il y a quelques jours, ils attendaient avec espoir la mobilisation populaire du 30 juin, prévue pour redonner un nouvel élan révolutionnaire à l’Egypte. Aujourd’hui, si les coptes d’Egypte se disent satisfaits de la chute du président Mohamed Morsi, ils sont également les premières victimes du coup d’Etat mené par l’armée le 3 juillet dernier.

Les attaques contre les coptes se succèdent

Depuis ce jour, les attentats et attaques contre la communauté chrétienne d’Egypte se succèdent. Juste après la destitution du président Morsi, le premier événement est survenu dans l’église copte Saint Georges de Delga, à 250 km au sud du Caire.

Le lieu de culte a été saccagé et pillé, comme l’explique Isaac Ibrahim, chargé de la question des minorités au sein de l’initiative égyptienne pour les droits de la personne.

« C’est à Delga, une petite ville près de Minia, en Haute-Egypte, où 20% de la population est chrétienne, que la première attaque a eu lieu. Des hommes ont pris d’assaut le centre social de l’église catholique. Ils l’ont saccagé, pillé, puis ont incendié le bâtiment », explique-t-il au journal La Croix.

« Le prêtre de Delga a immédiatement appelé l’armée et la police, mais ils ne sont arrivés que le lendemain matin », précise Isaac Ibrahim au quotidien.

Des églises incendiées, des chrétiens tués

Au même moment, une autre église, située dans le village de el-Saleh, était également incendiée tandis que dans un autre village près de Louxor, à Dabawiya, quatre chrétiens étaient tués et trois autres blessés. Environ 25 maisons, appartenant à des chrétiens, ont par ailleurs été brulées au cours de cette attaque.

Le jour même du coup d’Etat de l’armée, l’église de la ville de Marsa Matrouh a également été attaquée à coups de cocktail Molotov.

Bien loin d’être des cas isolés, ces attaques sont devenues plus que jamais le quotidien des coptes d’Egypte depuis la chute de Mohamed Morsi. Les chrétiens sont devenus la cible particulière de la vengeance des islamistes, comme en témoigne le meurtre d’un prêtre, le père Mina Aboud Charouine, 39 ans, samedi 6 juillet dans le Sinaï.

Au cœur d’une théorie du complot

Les coptes représentent environ 10% de la population égyptienne et sont accusés par les islamistes de faire partie d’un complot qui a visé les Frères musulmans au pouvoir.

Bien que personne ne sache exactement qui se trouve à l’origine de ces attaques, les Frères musulmans ou les salafistes figurent en haut de la liste des suspects.

Lors d’un rassemblement pro-Morsi, qui s’est déroulé dans le nord du Caire quelques jours après la destitution du président, un frère musulman a ainsi ouvertement affirmé que les chrétiens étaient à l’origine du mouvement révolutionnaire qui a écarté la confrérie islamiste du pouvoir.

« Au moins 50% de ceux qui sont descendus dans les rues le 30 juin sont chrétiens », a-t-il déclaré devant une foule de partisans de Mohamed Morsi.

« Ils ont peur de notre projet islamiste, c’est pour cela qu’ils se sont alliés au complot de l’armée et de l’ancien régime contre les Frères musulmans », a encore scandé Adel Shalaby.

L’engagement des coptes depuis les premiers jours de Mohamed Morsi

A l’origine de cette théorie, une sorte d’alliance de circonstance qui a précédé le coup d’Etat entre l’opposition laïque dont le prix Nobel de la paix Mohammed El-Baradei a dans un premier temps été choisi comme représentant et l’armée qui venait à l’époque de lancer un ultimatum à Mohamed Morsi, lui donnant 48 heures pour satisfaire à la volonté de ses opposants

Le chef de l’Eglise orthodoxe d’Egypte, Tawadros II a pour sa part ouvertement soutenu l’opposition qui manifestait dans les rues. Sur son compte Twitter, le pape copte a alors déclaré : « Je trouve admirable que le peuple égyptien récupère sa révolution volée, de façon civilisée […] Je prie pour tout le peuple d’Egypte ».

Dans un second tweet, ce dernier avait ajouté qu’il donnait son plein soutien au mouvement Tamarrod, à l’origine de la mobilisation du 30 juin, ainsi qu’au « peuple, à l’armée et à la jeunesse, ce trio qui fait la grandeur de l’Egypte ».

Les Frères musulmans « frustrés et en colère »

Pour les pro-Morsi, l’affaire a été rapidement conclue et faute de pouvoir s’attaquer ouvertement à l’armée, les coptes d’Egypte sont devenus une cible facile dans tout le pays.

« On s’attendait à ce que cela arrive », explique un Egyptien d’origine italienne, interrogé par RFI. « Les Frères musulmans ont perdu le pouvoir, ils sont frustrés, frustrés et en colère », commente-t-il encore.

« C’est le prix à payer pour la liberté », affirme pour sa part un copte du quartier chrétien de Shubra, toujours interrogé par RFI. « Des chrétiens meurent. Des musulmans meurent. Nous payons tous le prix de la liberté. Des églises attaquées, des violences dans le Sinaï… Il n’y a pas de différence entre les coptes et les musulmans. On se bat pour la liberté des Egyptiens, pas seulement pour celle des coptes », explique-t-il encore.

Les coptes s’attendaient au pire

Malgré les victimes, les coptes semblent déterminés à se battre pour leur liberté. A de nombreuses reprises, durant cette année de pouvoir des Frères musulmans, la communauté chrétienne d’Egypte a témoigné de son désaccord avec la politique de Mohamed Morsi.

Peu après son élection à la tête de l’Eglise égyptienne, en novembre 2012, Tawadros II avait ainsi ouvertement critiqué le contenu de la constitution écrite principalement par les islamistes. Le 17 novembre, il avait d’ailleurs démissionné de la commission chargée de l’écriture du texte fondamental, jugeant comme de nombreux libéraux, qu’elle représentait un risque pour les libertés individuelles et la liberté de culte.

Quelques jours avant la manifestation du 30 juin, les chrétiens coptes espéraient alors de nouveau en cette nouvelle vague révolutionnaire.

Bichoï Bastha, un copté égyptien vivant en France, attendait beaucoup de ce jour sacré. « Les gens n’ont plus rien à perdre », commentait-il alors. « J’espère que cette manifestation sera la révolution qui fera comprendre à la confrérie que le peuple égyptien a compris la supercherie et que nous ne voulons plus d’eux ».

Les conséquences de cette révolution sur la communauté chrétienne d’Egypte, ce copte l’envisageait déjà à ce moment précis.

« Ce sont des voyous qui ne connaissent ni l’islam ni le respect des autres, mais seulement le respect de leur confrérie », jugeait-il, en référence aux Frères musulmans.

« Il est impossible, pour une confrérie qui a été opprimée pendant plus de trente ans, de gouverner dans la paix », expliquait-il, à peine une semaine avant le coup d’Etat.

« Ils n’ont qu’une chose en tête : se venger sur ceux qui contesteront leur présence », et de citer un des leaders de la confrérie, Safwat Hegazi qui, lors d’une interview télévisée, a déclaré : « Celui qui jettera de l’eau sur le président Morsi, nous répondrons par le sang ».

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