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Le tandem Hollama se trompe de «ligne», c’est la «ligne verte» qui menace d’être franchie

Samedi, dimanche, lundi, mardi, fin août ou début septembre, Américains, Français et on ne sait qui engageront le feu contre le régime de Bachar al-Assad accusé – sans doute à juste titre – d’avoir franchi la « ligne rouge » en ayant eu recours aux armes chimiques contre ses populations civiles.

C’est, de mon point de vue – un point de vue strictement personnel -, une grave erreur, une grave erreur à plusieurs titres et sans doute pas pour les raisons le plus souvent avancées.

La « ligne rouge » a été franchie de longue date

Environ 1500 civils auraient été tués dans une attaque à l’arme chimique sur les faubourgs de Damas le mercredi 21 août. Les conclusions des inspecteurs de l’ONU, dépêchés sur place, ne nous sont pas encore parvenues.

J’ai envie d’écrire peu importe. Peu importe car cette « ligne rouge » qui aurait été franchie, selon les mots de Barack Obama, à l’occasion de ce massacre, il y a bien longtemps que Bachar al-Assad et ses sbires l’ont franchie.

Une victime est une victime, un mort est un mort. Depuis deux ans, nous avons laissé les Syriens – plus de 100 000 Syriens – mourir. Nous avons jacassé – nous, fameuses (fumeuses) puissances occidentales – pour mieux reculer et les Syriens, à Damas, à Alep, partout dans leur pays, sont morts. Ils sont morts par balles, sous les obus, sans doute déjà sous les effets effroyables des gaz – des balles, des obus, peut-être des gaz, signés Bachar mais aussi « rebelles ». Et nous n’avons pas bougé, conscients des risques d’une intervention précipitée, conscients que, dans la réalité, ce conflit était sans doute un peu plus complexe que la seule guerre d’un tyran contre son peuple qui se rebellerait.

Le fantôme de l’Irak et de la Libye

L’Irak, c’était il y a dix ans. C’était il y a dix ans que, déjà, une coalition partait chasser le dictateur. Il semblerait que nous n’avons alors rien appris – ou qu’en tout cas nous n’avons pas retenu grand-chose…

A l’époque, se débarrasser de Saddam, pour certains – à Londres notamment -, c’était croire possible une solution démocratique et pacifique en Irak. A l’époque, on pouvait encore feindre de croire – même si ce ne fut pas le choix de la France – que de la guerre, une guerre comme messianique, pouvait naître la paix et la démocratie, notre démocratie et notre paix.

Nous savons combien l’Irak fut un échec – un tel échec que nous avons comme effacé de la carte Bagdad et Bassorah, et tout un pays est comme devenu une zone de peu de droits – une zone grise comme disent les géopoliticiens, une zone qui nous échappe et qu’on ignore.

La même erreur ou, en tout cas, le même raisonnement a déjà été reproduit en Libye en 2011 pour faire la peau à Kadhafi…

Jamais deux sans trois. Et pourtant, c’est comme à une répétition des erreurs passées à laquelle on nous invite comme s’il n’y avait pas eu depuis les révolutions du Printemps arabe et l’émergence à la tête de certaines de ces nations d’un islamisme politique, comme s’il n’y avait pas en action Al Qaïda, nébuleuse terroriste devenue aujourd’hui armée de conquête.

L’ennemi, c’est l’islamisme radical

Saddam Hussein n’était pas un gentleman, Mouammar Kadhafi non plus et Bachar al-Assad ne l’est pas davantage. Bachar al-Assad est aujourd’hui un tyran sanguinaire, un monstre froid, malin. Evidemment que l’Occident et la communauté internationale dans son ensemble pourraient juger de leur devoir de débarrasser le monde et les Syriens en particulier d’un être aussi vil. Mais voilà, le contexte aujourd’hui est tel qu’il y a sans doute derrière Bachar al-Assad une menace plus profonde, plus fondamentale, plus machiavélique aussi, celle d’un Islam politique, conquérant, qu’incarnent Al-Qaïda et ses milices, qui n’attendent, patiemment, que la chute du raïs pour avancer leurs pions, étape supplémentaire vers le dessein de longue haleine qu’ils se sont fixés, la domination la plus large de leur idéologie mortifère, une perversion de l’Islam.

Le danger, c’est l’islamisme radical, c’est l’islamo-fascisme, perversion de l’Islam -perversion de tout ce que représente l’islam tel que nous le cotoyons tous les jours, près de nous -, au même titre que le nazisme et le soviétisme, au siècle précédent, ont constitué des perversions des modèles de société européens, allemand et russe en l’occurrence, alors subtils mélanges à la sauce locale de l’héritage judéo-chrétien et des idées des Lumières.

Au début de l’année, avec la courageuse intervention – sans trop de tergiversations – de la France au Mali pour empêcher que les islamo-fascistes d’AQMI ne prennent le pouvoir au Mali puis dans tout le Sahel, on a pu croire qu’alors, à Elysée notamment, quelqu’un avait compris les véritables enjeux du conflit global. On a pu lui pardonner d’enrober son constat, son analyse dans une logorrhée droit-de-l’hommiste parce qu’il ne fallait prendre le risque de choquer, froisser quiconque ici ou dans nos banlieues…

De la détermination de François Hollande à marcher dans les pas de Barack Obama sur le dossier syrien nait une forme de désillusion et une inquiétude.

C’est la « ligne verte » qui menace d’être franchie

S’il ne gaze pas ses populations, ne les tue pas non plus en masse, Vladimir Poutine n’est pas non plus un gentleman mais, à la tête de la Russie, il est sans doute mieux placé qu’aucun autre chef d’Etat pour comprendre la menace que constitue et constituera toujours davantage faute d’action – ou en tout cas de fermeté – la menace des islamo-fascistes, de la version la plus radicale de l’islam radical. Il les a combattus en Tchétchénie, ces fanatiques. Nous pouvions à l’époque encore feindre de nous offusquer au nom de nos jolis principes séculaires. Aujourd’hui, chaque jour, la menace devient plus claire. Alors, pourquoi tant d’angélisme ?

Frapper Bachar al-Assad, c’est prendre le risque de renforcer Al-Qaïda et sa nébuleuse. Renforcer Al-Qaïda et sa nébuleuse, c’est prendre le risque qu’un jour il soit trop tard et qu’il ne nous soit plus possible d’expliquer qu’Al-Qaïda et tous les formes de l’islamo-fascisme ce n’est pas l’Islam.

C’est prendre le risque qu’un jour, comme autrefois la « ligne brune », ce soit la « ligne verte » qui soit irrémédiablement franchie.

Mais comme il est impossible de laisser Bachar al-Assad agir ainsi impunément, peut-être faut-il qu’à l’ONU sans doute le monde discute collectivement – et pour la première fois – de la manière d’appréhender la menace de ces forces prétendûment islamistes, assurément radicales, une menace globale. Une opportunité pour l’Organisation des Nations-Unies de démontrer qu’aujourd’hui elle vaut mieux que la funeste Société des Nations.

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