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L’Occident saura-t-il accepter la main tendue de l’Iran?

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Elu le 14 juin dernier, le président iranien Hassan Rohani a tenu sa première conférence de presse en tant que chef d’Etat, mardi 6 août. A cette occasion, le successeur de Mahmoud Ahmadinejad a répété sa position quant au dossier du nucléaire iranien et s’est dit prêt à négocier avec la communauté internationale.

L’Iran ne veut pas perdre de temps

Tout en réaffirmant que l’enrichissement d’uranium est un « droit indéniable » de l’Iran, Hassan Rohani s’est dit prêt à entamer des négociations « sérieuses et substantielles » avec les interlocuteurs de la République islamique sur le sujet.

« Le programme nucléaire est une question nationale. Le gouvernement insiste sur les droits nucléaires conformes aux règles internationales. Nous ne céderons pas sur les droits de notre nation mais nous sommes partisans de dialogue et d’entente », a déclaré le président au cours de sa conférence de presse, précisant que les discussions entre l’Iran et le groupe des 5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) devaient se faire « sans perte de temps ».

Hassan Rohani s’est finalement dit « certain que si l’autre partie est prête, les inquiétudes [des Occidentaux, NDLR] seront levées rapidement ».

Quel est le vrai pouvoir d’Hassan Rohani ?

Au lendemain de cette conférence de presse, les regards sont alors tournés vers les Etats-Unis et la communauté internationale en général. La balle est désormais dans leur camp et de l’entente des deux parties dépend la reprise des négociations autour du dossier du nucléaire iranien.

Depuis l’élection d’Hassan Rohani à la présidence de la République islamique, si le monde a salué l’arrivée de ce « modéré » au pouvoir, élu dès le premier tour face à quatre conservateurs issus des rangs de l’ayatollah Khamenei et propulsés par ce dernier dans le scrutin, la communauté internationale s’est également montrée sceptique quant à la capacité du président de mener une politique réellement différente de celle de son prédécesseur.

En effet, la présidence iranienne est un pouvoir très théorique puisqu’en Iran, le pouvoir est issu de l’ayatollah Khamenei et revient à l’ayatollah Khamenei. Le président, sur de nombreux dossiers, est pieds et mains liés. Si sa personnalité peut changer le mode de fonctionnement des relations diplomatiques de l’Iran, les desseins de la République islamique restent les mêmes.

L’Occident ne doit pas faire d’erreur

Pourtant, pour de nombreux experts de la question iranienne, la communauté internationale ne doit pas laisser échapper cette occasion rêvée de renouer avec l’Iran.

Pour Ardavan Amir-Aslani, avocat et essayiste spécialisé en droit international, ne pas tendre la main à l’Iran serait même une grave erreur.

« Il serait tragique pour l’Occident de rater cette nouvelle opportunité de dialogue avec ce pays qui se trouve au ban de la communauté internationale depuis plus de trois décennies », a écrit ce spécialiste dans un article pour La Tribune.

« Incontestablement, le mandat donné par les urnes est celui d’un changement tant dans l’orientation belliqueuse de la question nucléaire que dans l’asphyxie de l’économie du pays du fait des sanctions et des erreurs de gestion ».

« Les iraniens veulent le changement. C’est ce qui ressort des urnes », ajoute encore Ardavan Amir-Aslani.

L’Iran montre de nombreux signes positifs

D’abord les urnes et cette volonté manifeste des Iraniens de sortir de l’ombre de la communauté internationale, mais également l’appel lancé par le président Hassan Rohani.

« Tous les signes en provenance de Téhéran indiquent une sincère volonté de sortir de la crise nucléaire qui a décimé l’économie du pays, entrainant son lot de chômage, d’inflations astronomiques et de dévaluation », estime Ardavan Amir-Aslani. Les Iraniens sont fatigués de cette situation qui dure depuis des décennies.

Interrogé pour BFM TV, Thierry Coville, spécialiste de l’Iran et chercheur pour l’Institut des relations internationales et stratégiques, estime également que cette volonté iranienne de renégocier doit être entendue par la communauté internationale. «  Rohani veut vraiment négocier. Cela correspond aux attentes de sa population, les journaux iraniens parlent même de l’équipe de négociation qu’il a mis en place pour cela ».

« Je pense qu’il a une approche différente de celle de ses prédécesseurs, il cherche à nouer des relations plus constructives avec le reste du monde, sur le nucléaire et sur d’autres sujets », explique encore le chercheur.

« Ils doivent saisir l’importance du moment »

Pourtant, le dossier du nucléaire iranien ne se règlera pas qu’avec la bonne volonté et les signes encourageants envoyés par le nouveau président.

« 35 années de méfiance réciproque ne sauraient être balayées d’un coup de revers de la main », estime Ardavan Amir-Aslani. « Les Etats-Unis devront d’abord arrêter la mise en place de nouvelles sanctions à l’encontre de l’Iran. Ici, il appartiendra au Président Obama de retenir le Congrès trop prompt à céder à l’hystérie sécuritaire du premier ministre israélien ».

«  Ils doivent saisir l’importance du moment », estime pour sa part Thierry Coville. « S’ils ne le font pas, des forces en Iran en profiteront pour dire que l’Occident ne comprend que les mesures fortes. Rohani aura par la suite du mal à s’imposer en interne ».

« La marche semble déjà engagée avec la décision du Trésor américain d’autoriser la vente libre de certains équipements médicaux. Certes, il s’agit d’un geste symbolique, mais il s’agit tout de même d’une relâche du régime draconien », ajoute Ardavan Amir-Aslani pour La Tribune.

L’Iran a le droit d’enrichir de l’uranium

La bonne volonté iranienne ne doit pas également s’arrêter aux paroles et devront, pour le spécialiste, s’engager concrètement « en fermant les installations de Fordow et en arrêtant l’enrichissement de l’uranium à 20% ».

« In fine, la communauté internationale devra reconnaitre le droit de l’Iran à enrichir l’uranium à des fins civiles, faculté qui est d’ores et déjà directement prévue par le Traité de Non-Prolifération », ajoute-t-il encore.

Car enrichir de l’uranium restera toujours un droit de l’Iran et une volonté non négociable de la République islamique. « C’est la ligne rouge à ne pas franchir, cela l’a toujours été », explique Thierry Coville. « L’Iran veut que son programme soit reconnu, l’approche de Rohani est juste moins agressive ».

Le cas de la Birmanie

Des solutions sont alors envisageables et des plans d’ores et déjà imaginables pour que cette occasion de renouer avec l’Iran demeure un succès.

« Il pourrait être mis en place des ‘crans de sureté’, comme un niveau maximum d’enrichissement de l’uranium ou l’acceptation par Téhéran de visites de sites sensibles par l’Agence internationale de l’énergie atomique », explique Thierry Coville pour BFM TV.

Après tant d’années d’une guerre froide entre la République islamique et l’Occident, tous les espoirs sont permis.

« Une feuille de route similaire a déjà été transposée avec succès », rappelle Ardavan Amir-Aslani. « Il s’agit du cas Birman, où un régime honni et banni par la communauté internationale a tronqué son statut d’Etat paria en pays fréquentable en un laps de temps record de dix-huit mois ».

« Ce n’est qu’ainsi, à travers une évolution graduelle, qu’un réel « reset » pourra s’opérer. Le temps des sanctions doit maintenant céder la place à celui du dialogue, les sanctions ayant déjà eu l’effet escompté en amenant l’espoir que l’inauguration de Rohani représente ».

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