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Gouverner, c’est choisir mais c’est aussi convaincre, et François Hollande ne convainc pas

Pédagogue, ferme, droit dans ses bottes… Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier, analyser la prestation télévisée de François Hollande dimanche 15 septembre. Au-delà du ton résolument rassurant et volontariste, se profile pourtant un coup politique des plus hasardeux.

Bien sûr, on peine encore à comprendre l’obstination des conseillers présidentiels à envisager de telles sorties dominicales – si l’audience est plutôt au rendez-vous du JT le plus regardé de la semaine, il n’est pas certain qu’elle soit aussi captive et aussi bienveillante, cette audience, qu’un jour de semaine car, pour bien finir un week-end, on peut rêver mieux…

Bien sûr, on sourit au choix du décor suranné de l’Hôtel de Marigny – pas à l’Elysée, mais juste, tout juste, à côté, dans le palais où sont logés les amis, les amis comme Kadhafi… Certes, François Hollande avait promis que « lui, président » il ne recevrait pas les journalistes à l’Elysée mais cette promesse aussi est, de longue date, périmée.

Et puis, bien sûr, comme trop souvent, l’on regrette que la première chaîne de télévision privée n’ait personne d’autre que la « reine Claire » à opposer au président de la République. L’experte des « entretiens scénarisés » n’est jamais aussi horripilante que lorsqu’elle feint de titiller, de prendre au mot, de faire son métier…

Bien-pensance

Dont acte. Pour le reste, François Hollande a donné l’impression de plutôt bien se sortir de ce énième exercice de pédagogie médiatique. Incontestablement, celui-ci a gagné en assurance. De pédagogue, son ton est devenu professoral et il assène des vérités, assène ses vérités… des vérités souvent bien hasardeuses.

Sur la Syrie, au-delà du fait qu’il place la France au cœur des négociations bilatérales américano-russes de Genève auxquelles elle n’était pas conviée, un certain nombre d’incohérences pointent dans le discours de François Hollande… Renvoyer dos à dos les djihadistes – « les mêmes que nous avons combattus au Mali » – et le régime Bachar al-Assad et en appeler à la Syrie démocratique est une stratégie profondément angélique, qui ne serait louable que si elle n’était in fine assurément mortifère. Tant de « bien-pensance » germanopratine est le signe de l’approximation – et de l’impuissance – diplomatique française.  

Obstination  

Sur le chômage et la reprise préalable à une sortie de la crise, il faut reconnaître au président de la République une certaine recherche de cohérence, une cohérence qui pousse à l’admiration… Les signes sont-ils là, suffisants pour justifier un relatif optimisme ? Au-delà des postures partisanes, du jeu politique, il faut admettre que les avis divergent et, pourtant, François Hollande s’obstine, s’entête… Ce dimanche 15 septembre, un an après avoir annoncé une inversion de la courbe du chômage, il ne se défile pas et rappelle qu’il a demandé à être jugé fin 2013 et qu’il lui reste encore quelques mois… Mieux (ou pire) encore, comme un banco, il explique qu’il ne saurait se satisfaire d’une inversion conjoncturelle, portée par des manipulations de statistiques et quelques dispositifs plus ou moins artificiels. Non, il attend, annonce, veut une inversion durable, pérenne des chiffres du chômage et entend être jugé là-dessus, et seulement là-dessus…

Un double ou quitte hasardeux…

« C’est ma conviction que les principaux problèmes français doivent être considérés comme un tout, que leur solution est une. Il n’y a pas une maladie de nos finances, et une autre de notre économie, une faiblesse de notre diplomatie et une crise de l’Union Française, appelant chacune des remèdes distincts. Les causes sont les mêmes, les mesures à prendre forment un tout indivisible. »

En substance, c’est le message qu’a délivré François Hollande, de la Syrie à la conjoncture économique, et jusqu’à la défense des valeurs républicaines. Ces mots, pourtant, ne sont pas les siens mais ceux de Pierre Mendès-France le 3 juin 1953. Elle n’est sans doute pas fortuite cette ressemblance idéologique – et physique – avec l’ancien président du Conseil radical-socialiste de la IVème République, l’icône de la gauche gestionnaire et pragmatique. Mais, l’expérience – malheureusement – avortée de PMF, il y a 60 ans, montre qu’en politique les bonnes intentions ne suffisent pas.

Gouverner, c’est choisir mais c’est aussi expliquer, convaincre, entraîner et susciter la confiance… Que François Hollande réussisse son pari et même les plus critiques lui reconnaîtront quelques vertus, qu’il échoue et, devant l’Histoire, il aura, par un pari inconsidéré nourri d’un optimisme béat, plongé la France et les Français dans l’aventure, une aventure dont, à regarder du côté de Marseille – et de la Sarthe – ce week-end, on devine déjà le sombre scénario… 

par Franck Guillory

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