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Hassan Rohani se rapproche d’Israël, mais le chemin est encore long

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A la tribune des Nations Unies, alors qu’il prononçait son premier discours sur la scène internationale, mardi 24 septembre, le nouveau président Hassan Rohani s’est montré ouvert envers la communauté internationale et prêt à faire certaines concessions afin de renouer le dialogue, notamment sur le dossier du nucléaire.

Ce même jour, interrogé par la chaîne américaine CNN, Hassan Rohani faisait un pas de plus vers Israël en reconnaissant l’existence de l’Holocauste. Une déclaration inédite puisqu’il y a quelques mois encore, Mahmoud Ahmadinejad, précédent président de la République islamique, niait fermement l’existence de la Shoah. Cependant, en Israël, les réactions restent mitigées. À l’instar de leur Premier ministre Benjamin Netanyahu, les Israéliens estiment qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Explications avec Jean-Pierre Allali, universitaire et écrivain, spécialiste de la question.

La dénonciation par le président iranien de l’Holocauste a-t-elle été une surprise pour l’État hébreu ?
 

Jean-Pierre Allali : Il faut tout d’abord rappeler quelques éléments souvent méconnus concernant la relation des Juifs et d’Israël à l’Iran.

Les Juifs ont une relation mémorielle très forte à l’égard de l’Iran. C’est en Perse, devenue depuis l’Iran, que s’est déroulée, il y a bien longtemps la merveilleuse histoire de la reine Esther et de son parent Mardochée qui sauvèrent le peuple juif d’un massacre annoncé et dont l’on fête toujours les exploits lors du carnaval de Pourim. Ils sont tous deux, dit-on, enterrés à Hamadan, en Iran. Tout comme les prophètes Daniel et Ezra. C’est, par ailleurs, le roi de Perse, Cyrus II le Grand qui, en conquérant Babylone en 538 avant J.-C., permit aux Juifs en exil qui le désiraient de retourner  en Terre Sainte pour rebâtir le Temple de Jérusalem. Enfin, plus près de nous, il y avait, à la fin des années 1970, cent mille Juifs en Iran. Sous le règne de la dynastie des Pahlavi, l’Iran entretenait d’excellentes relations avec Israël, relations qui ont été rompues en 1980 avec l’avènement du khomeynisme.<!–jolstore–>

Hassan Rohani semble véritablement trancher avec la tradition du khomeynisme…
 

Jean-Pierre Allali : Rompant avec le discours hargneux et débridé de Mahmoud Ahmadinejad, le nouveau président Hassan Rohani se présente comme un homme plus pondéré, plus sage et, partant, plus fréquentable. Les raisons de son attitude sont multiples : son pays, du fait des sanctions internationales, est exsangue, au bord de l’asphyxie économique, les menaces israéliennes se font de plus en plus sérieuses avec une « ligne rouge » d’un délai de six mois donné par les autorités israéliennes, le conflit syrien avec l’affaiblissement de Bachar al-Assad, allié de Téhéran…

En fin diplomate, Hassan Rohani, à peu de frais, tente de redonner une image présentable de son pays et du régime des ayatollahs. Sa déclaration sur la Shoah est une surprise mais une hirondelle n’a jamais fait le printemps.

Comment les Israéliens ont-ils interprété cette déclaration ?
 

Jean-Pierre Allali : La réaction du Premier ministre Benjamin Netanyahu résume bien le sentiment des Israéliens : « Reconnaître la Shoah n’est pas un exploit. » D’autant plus que le président iranien s’est empressé de compléter sa déclaration faite sur CNN par une attaque en règle du sionisme et d’Israël : « Cela ne veut pas dire que, puisque les nazis ont commis des crimes contre un groupe, ce groupe doit confisquer la terre d’un autre groupe et l’occuper. »

Avec Hassan Rohani, un assouplissement des relations entre l’Iran et Israël vous paraît-il envisageable ?
 

Jean-Pierre Allali : Il ne faut jamais jurer de rien ni insulter l’avenir. L’assouplissement ne viendra qu’avec une reconnaissance préalable de la légitimité de l’État juif par l’Iran, le rétablissement de relations diplomatiques et l’arrêt du programme nucléaire militaire agressif de l’Iran. On en est très loin.

Peut-on considérer que ce premier pas fait par l’Iran en amènera d’autres ou n’est-ce qu’une déclaration « de façade » qui ne peut qu’être contredite par les propos tenus par les responsables religieux iraniens, dans la lignée de l’ayatollah Khamenei ?
 

Jean-Pierre Allali : Vous touchez du doigt un élément essentiel : à savoir que le vrai pouvoir en Iran demeure entre les mains des ayatollahs. Ce que vous appelez « premier pas » n’est qu’un sautillement sur place. Il convient d’attendre, d’être vigilant et d’espérer sans être dupe. Israël et le peuple juif ne veulent pas la guerre. Puissent-ils être entendus.

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