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Ukraine: Moscou défend son pré carré

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Devant le rapprochement, très progressif, mais néanmoins tangible, de l’Ukraine avec l’Union européenne, la Russie a fortement réagi. Voyant son voisin occidental préciser sa préférence pour l’Europe plutôt que pour l’Union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, Moscou a décidé de mesures de représailles. Cela a pris la forme d’un renforcement drastique des contrôles douaniers à l’encontre des ressortissants et des entreprises ukrainiens.

Un début de guerre commerciale

Roshen, une entreprise fabricant de chocolat dirigée par Petro Poroshenko, est l’un des grands perdants de ce début de guerre commerciale. Considérant les opinions de M. Poroshenko trop européennes, la Russie a interdit à ses produits de traverser les frontières, sous couvert de raisons sanitaires. De plus, le Kremlin a demandé à la Biélorussie et au Kazakshtan de procéder également à des interdictions. Les pertes pour l’entreprise ukrainienne sont estimées à 200 millions de dollars, tandis que cette manœuvre a naturellement été considérée comme politique par les observateurs.

Par ailleurs, un document circule et indique qu’une adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière avec ses voisins russe, biélorusse et kazakh lui serait nettement plus profitable qu’une association avec l’Union européenne. D’après les chiffres avancés par le document, l’Ukraine aurait 9 milliards de dollars à gagner avec l’Union douanière alors que le rapprochement avec l’Europe viendrait au contraire lui faire perdre 1,5 milliard de dollars. Tout porte à croire qu’un tel rapport a été élaboré par Moscou, d’autant que Serguei Glyazev, conseiller de Vladimir Poutine, a personnellement déclaré que la signature d’un accord de libre-échange avec Bruxelles serait « suicidaire » pour l’Ukraine.

Des menaces qui pourraient alimenter l’engagement européen de l’Ukraine

Naturellement, ces mesures ont été fraichement reçues par les responsables politiques ukrainiens, et notamment par l’opposition pro-européenne. Arseni Iatseniouk, chef de file de Patrie, le parti de Ioulia Timochenko, toujours emprisonnée, ou encore Vitali Klitschko, ancien boxeur et désormais dirigeant de Oudar, ont ainsi pris fait et cause contre Moscou. « Le mur de Berlin est tombé il y a plus de 20 ans et il n’est pas nécessaire d’en construire un nouveau. Mais Moscou veut le construire à la frontière entre l’Ukraine et l’UE », a déclaré M. Iatseniouk à l’occasion d’une conférence de presse commune avec Stefan Füle, commissaire européen en charge de l’Elargissement et de la Politique de voisinage.

Dans l’immédiat, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch est resté plutôt discret sur ce sujet, se contentant de rappeler son engagement pour un rapprochement avec l’Union européenne . Toutefois, cette stratégie de l’apaisement pourrait ne pas durer, surtout si Vladimir Poutine devait continuer de soutenir publiquement Viktor Medvedchuk, homme politique prorusse, dans l’optique de l’élection présidentielle ukrainienne de 2015. Lors de sa visite pour les célébrations relatives au 1 025e anniversaire de l’introduction du christianisme dans la Russie kiévienne, le président russe n’avait en effet consacré que 15 minutes à son homologue ukrainien et s’était officiellement entretenu avec M. Medvedchuk.

L’Union européenne pourrait tendre la main à l’Ukraine

Au fond, la guerre commerciale initiée par Moscou pourrait avoir pour effet de conforter l’Ukraine dans sa volonté de signer un accord d’association avec l’Europe, et d’inciter les autorités bruxelloises à assouplir ses exigences. A cet égard, de nombreux députés européens ont dénoncé les restrictions russes, les considérant comme « un acte d’intimidation dans le but de décourager l’Ukraine de conclure l’accord d’association avec l’UE ». Quant à Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, il a rappelé que « l’avenir de l’Ukraine, qu’elle choisisse de s’allier à la Russie ou à l’UE dans ses relations commerciales et politiques, devait être décidé à Kiev, et non à Moscou ou à Bruxelles ».

D’ici au 28 novembre, date à laquelle doit commencer le sommet de Vilnius, le temps pourrait paraître long à l’Ukraine, pays pris entre deux feux. Pour Viktor Ianoukovitch, « les conditions posées par la Commission européenne sont remplies ». Si ses efforts pour se plier aux conditions bruxelloises sont incontestables, il n’est pas encore certain que l’Union européenne soit encore en parfait accord avec cette vision des choses. Mais pour que l’Ukraine ne tombe pas définitivement dans le giron russe – ce qui serait contraire aux intérêts européens – il est probable qu’un compromis doive être trouvé entre les deux parties. 

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