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Une Pussy Riot dénonce des conditions de détention extrêmes

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« A partir de lundi 23 septembre, je commence une grève de la faim. C’est une méthode extrême, mais je suis convaincue que c’est actuellement la seule solution ». Nadjeda Tollonnikova, 23 ans, n’est pas la première à entamer une grève de la faim, mais elle est la première à raconter les conditions de sa détention dans un camp de travail pour femmes en Mordovie, situé à six cents kilomètres à l’est de Moscou en Russie, dans une lettre ouverte publiée par le Guardian.

Etudiante en philosophie et activiste du groupe russe punk et féministe Pussy Riot, elle est emprisonnée depuis mars 2012, avec deux autres membres du groupe, après avoir chanté une « prière punk » dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou souhaitant « chasser Poutine » à deux semaines des élections où il a été réélu président. Elles ont été condamnées à deux ans de prison pour « hooliganisme » et « incitation à la haine religieuse » en août 2012. L’une d’entre elles a été libérée en octobre 2012.

Réduites à l’esclavage

Son récit n’est pas sans rappeler les terribles témoignages sur le Goulag soviétique. Selon elle, les femmes sont réduites à l’état « d’esclaves », torturées par les geôliers ou les prisonnières elles-mêmes, forcées de travailler seize ou dix-sept heures par jour, et privées de sommeil « au mieux nous dormons quatre heures par nuit. Nous avons une journée de repos tous les mois et demi » traduit le journal Le Monde.

Elle ajoute également que tout relâchement est puni de sanctions et d’humiliations, comme la peine de la « perte des privilèges hygiéniques », qui consiste en l’interdiction de se laver et d’aller aux toilettes, ou l’interdiction de rentrer au baraquement, été comme hiver. Selon elle, une des détenues a dû même se faire amputer des orteils, gelés par le froid.

Elle souligne par ailleurs le manque d’hygiène provoqué par les geôliers. « Les conditions d’hygiène au sein du camp sont pensées pour faire sentir à chaque prisonnière qu’elle est un animal sale et dégoutant, privé de tout droit ».Elle dénonce aussi l’insalubrité des campements : problèmes de plomberie, laverie quasi-inexistante, des salles d’hygiènes trop petites pour 800 détenues. Au menu, elles ont le droit au « pain rassi, au lait coupé à l’eau, à de la semoule abîmée et  à des pommes de terre pourries », affirme-t-elle.

Réduites au silence

Les détenues sont réduites au silence. « Les plaintes ne sortent pas de prison. La seule chance de voir une incrimination aboutir est de se plaindre via un proche ou à un avocat. L’administration, mesquine et vengeresse, utilisera entre temps tous les mécanismes possibles pour mettre la pression sur la prisonnière, dont la plainte ne fera qu’empirer les choses » explique-t-elle.

Nadjeda Tollonnikova qui a cherché à dénoncer ces conditions terribles de détention, s’est vue menacer de mort par le directeur adjoint de la prison. C’est pourquoi elle a décidé d’entamer une grève de la faim « je continuerai jusqu’à ce que l’administration commence à respecter la loi et cesse de traiter les femmes comme du bétail ».

D’après Le Monde, l’administration du camp a réfuté toutes ces accusations en affirmant qu’il s’agissait d’un « chantage » de la part de l’activiste qui souhaite simplement moins travailler. Un ancien responsable des services pénitentiaires et président d’une commission régionale, Guennadi Morozov, a même déclaré que le camp de travail dans lequel elle est incarcérée, est un camp « modèle » à l’antenne de la radio Echo de Moscou.

Violation des droits de l’homme par la Russie

Plusieurs voix de la communauté internationale n’ont pas manqué de soulever son récit. A commencer par l’association Russie-Libertés qui dénonce « une violation grave et préoccupante de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe et de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », si les faits sont avérés. La Russie étant Etat partie aux deux conventions, se doit de les respecter.

Elle a alors demandé, au Secrétariat du Comité européen pour la prévention de la torture, d’aller visiter, dans les plus brefs délais, le camp en question pour établir un rapport sur les conditions de détention, par le biais d’une lettre adressée au Conseil de l’Europe à Strasbourg.

Pussy Riot « Katia, Nadia et Macha » par Amnesty_France

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