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Égypte: le général al-Sissi, homme du coup d’Etat, appelé à être président

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La date de l’élection présidentielle égyptienne n’est toujours pas fixée. Tout au plus sait-on qu’elle se déroulera au premier semestre de l’année 2014. Pourtant, dans les rues du Caire, une campagne électorale informelle bat déjà son plein.

Le chef de l’armée deviendra-t-il président ?

C’est en faveur du général al-Sissi que les Egyptiens semblent se mobiliser. Des affiches au portrait du général qui a mis en œuvre le coup d’Etat du 3 juillet dernier, destituant ainsi le président Mohamed Morsi au pouvoir et mettant fin à un an de règne des Frères musulmans, sont placardées dans les rues et circulent de mains en mains, comme un appel lancé à celui qui dirige déjà l’Egypte dans l’ombre.

Une campagne informelle, mais pas tant que ça semble-t-il. En effet, derrière ce mouvement de foule, le gouvernement ne serait pas totalement innocent et aurait même orchestré depuis le début cette vaste campagne de communication autour de la personnalité du chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA).

Très populaire parmi les Egyptiens qui ont souhaité la chute du président Mohamed Morsi, Abdel Fattah al-Sissi se forge une image d’homme de la situation, dans une Egypte qui peine à se trouver des représentants.

Campagne présidentielle avant l’heure

D’affiches en clips télévisés ou encore en vaste mobilisation sur les réseaux sociaux, le général al-Sissi est sur les langues de tous les Egyptiens qui ont fait partie de l’opposition durant l’année écoulée. Ces derniers, qui viennent de tous horizons politiques, ont peut-être trouvé la personne qui les réunira tous.

« Des talk-shows et des éditoriaux plaident, depuis un mois, en faveur d’une candidature du général à la présidentielle afin de combattre la menace terroriste, à laquelle, selon eux, fait face le pays », écrivait ainsi le quotidien égyptien Al-Ahram, dans un article titré « Le chef de l’armée égyptienne poussé vers la présidentielle ».

Et pourtant, ce dernier a toujours affirmé qu’il ne tenterait pas de briguer la magistrature suprême. Mais en Egypte, il n’est pas rare de tenir ce genre de discours avant de changer d’avis. Les Frères musulmans étaient les premiers à affirmer qu’ils ne se présenteraient pas, avant de finalement s’engager dans la dernière campagne présidentielle et de placer Mohamed Morsi à la présidence.

Une popularité incontestable

Une quantité de mouvements civils sont nés depuis quelques semaines, tous avec pour objectif de convaincre le général de devenir président. Une mobilisation qui laisse certains observateurs perplexes.

« Il est clair et certain que ces mouvements sont savamment, au moins partiellement, orchestrés par le pouvoir, à l’instar de la campagne menée par les médias officiels et les personnalités politiques proches des militaires en faveur d’une candidature d’al-Sissi », explique ainsi Masri Feki, chercheur en géopolitique à France 24.

Toutefois, la popularité « naturelle » de ce chef militaire est un avantage que le gouvernement n’a pas besoin de mettre en avant pour convaincre le peuple égyptien qui entamera bientôt une quatrième année d’instabilité politique.

« Il est populaire c’est incontestable même s’il est difficile de mesurer cette popularité en dehors d’une élection. N’oublions pas qu’au Moyen-Orient, dans les pays qui apprennent la démocratie, le peuple aime voir au pouvoir un chef viril, un homme providentiel qui prend des décisions tranchantes », explique encore Masri Feki.

Un chef unique pour l’opposition

Et puisque dirigeants politiques qui ambitionnent le pouvoir ont souvent besoin de l’appui des grands de ce monde pour assoir leur légitimité, le pouvoir semble déterminé à faire d’Abdel Fatah al-Sissi l’héritier de l’ancien président Gamal Abdel Nasser.

« Les deux hommes partagent notamment le fait d’avoir lutté contre la confrérie des Frères musulmans, ce qui fait d’al-Sissi le favori du courant nassérien qui voit en lui le successeur de Nasser », explique Masri Feki à France 24.

Il reste encore un peu de temps au chef de l’armée égyptienne pour officialiser cette candidature, s’il le souhaite vraiment. Mais une chose est sûre, dans la configuration actuelle de la vie politique égyptienne, il y a fort à parier que les Egyptiens se mobiliseront en masse pour ce héros de guerre.

En effet, les Frères musulmans se sont éteints à la suite du coup d’Etat de juillet dernier, et pour une durée indéterminée, tant les multiples chefs de la confrérie ne sont pas épargnés par la justice et mettront un certain temps à se relever.

Quant à l’opposition, elle ne pourra exister en politique que si elle trouve un leader unique. Ils sont peu nombreux à avoir essayé tant la tâche est difficile et aucun n’y est parvenu, même le solide Mohammed El-Baradei, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique et prix Nobel de la paix. Les Egyptiens seraient-ils prêts à confier officiellement leur pays à l’armée ? Réponse dans quelques mois. 

Par Sybille de Larocque

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