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En Russie, le nationalisme a la voie libre

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Ils étaient plusieurs milliers dans les rues de Moscou, dimanche 13 octobre, pour participer à une manifestation de protestation contre le meurtre d’un citoyen russe, par un homme qui n’a pas encore été retrouvé mais dont on sait qu’il est d’origine « non slave ».

Violentes émeutes dans le sud de Moscou

« La Russie aux Russes ». C’est derrière cette bannière que se sont réunis les manifestants. Une manifestation qui s’est rapidement transformée en émeutes puisqu’au terme de ce rassemblement, quelques 380 personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre.

Pour la plupart jeunes, souvent nationalistes radicaux, sans doute membre d’un des 150 groupes nationalistes que compte la Russie selon les chiffres officiels. Moscou est devenue le terrain de guerre de ces groupuscules qui n’hésitent plus à afficher leur colère contre une immigration qu’ils accusent d’être responsable de nombreux maux de la société russe et notamment du taux de criminalité très élevé dans ce secteur de la capitale.

Durant cette émeute, particulièrement massive, les manifestants se sont attaqués au centre commercial Biriouza, dans le quartier de Bririouliovo, au sud de la capitale. Des vitrines et des devantures ont été brisées, des agents de sécurité ont été agressés. Les émeutiers seraient même allés jusqu’à tenter d’incendier le bâtiment, selon une information révélée par la radio Echo de Moscou.

Finalement, c’est vers un entrepôt de légumes, dans lequel travaillent de nombreux immigrés, que la foule s’est ensuite dirigée avant d’en enfoncer les portes. Durant les affrontements avec les forces de l’ordre qui ont suivi, cinq policiers auraient été blessés, a indiqué le porte-parole de la police, cité par l’agence de presse Ria Novosti.

Un remake de 1917 ?

A l’origine de cette mobilisation populaire : le meurtre d’un jeune Russe, dans la nuit de jeudi 10 à vendredi 11 octobre. Il rentrait chez lui, accompagnée de sa petite amie, lorsque le couple aurait été attaqué par un homme « originaire du Caucase », selon la description qu’en a faite par la suite la jeune fille. « Originaire du Caucase », traduire « bronzé » ou encore « immigré d’Asie centrale ».

Pour preuve, une photo du suspect a été diffusée par Internet – de quoi attiser encore la colère populaire.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame se déroule et pourtant, cette manifestation du 13 octobre 2013 prend déjà des airs de 1917 dans les rues de Russie comme sur Internet.

« En 1917, on prenait les postes et les ponts, en 2013, on prend les centres commerciaux et les entrepôts de légumes », écrit un utilisateur de Twitter, cité par Mediapart.

Peu de temps après la fin des émeutes, les politiques russes n’ont pas attendu pour s’emparer du sujet.

« Boris Nemtsov affirme que « Biriouliovo sauvera la Russie », Vladimir Milov, leader d’un parti libéral-démocrate (le « Choix démocratique de la Russie »), salue « les ‘tolérastes’, les opposants à la ‘xénophobie’ et les ‘moscoupourtoussiens’. Voilà où ça nous mène » ; Vladimir Jirinovski explique les violences par la frustration sexuelle des immigrés, due, selon lui, à l’absence de maisons closes, et par ‘la surabondance d’élections en Russie’ », peut-on lire sur Mediapart.

Tous les Russes sont nationalistes

Les politiques russes n’ont pas attendu ces émeutes pour faire du nationalisme un de leurs armes de campagne. Qu’ils soient communistes ou conservateurs, admirateurs de Vladimir Poutine ou de ses pires ennemis, tous ont une ligne de conduite nationaliste.

Les dernières élections législatives de 2011 avaient fait apparaître cette – pas si nouvelle – tendance de la vie politique russe.

Durant sa campagne électorale, le leader du parti communiste Guennadi Ziouganov avait par exemple défendu une forme de « socialisme russe » qui « ne permettra à personne de s’approprier la question russe ».

Le parti présidentiel, Russie Unie, lançait également à l’occasion de cette campagne un site officiel nommé « Projet russe ». Parmi les sources citées par cette plateforme, un journal qualifié d’antisémite et un parti dont certains candidats prêtent également à confusion.

Grand retour des Cosaques

Cette tendance au nationalisme pré-électoral, Vladimir Poutine l’a bien comprise. Au pouvoir pour un troisième mandat, le président russe n’a pas hésité à donner un angle patriotique à sa politique. C’est ainsi que les historiques Cosaques ont fait leur retour dans les rues des grandes villes.

« En 2014, la Russie doit accueillir les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi. La solution trouvée pour redorer l’image du pays ? Les Cosaques bien sûr ! Rien de mieux que de réhabiliter des mercenaires du 15e siècle pour nettoyer les villes des clandestins, SDF et autres voitures mal garées », indique ainsi Le Journal International.

« À Krasnodar, près de Sotchi, les nouveaux cosaques patrouillent aux côtés de la police. Les contrôles d’identité au faciès fusent. Armés de leurs uniformes et de leurs toques de fourrure hautes de 20 cm, les militaires de la steppe sont chargés de surveiller les ‘non-Russes’ », explique encore le site.

L’immigration, accusée de tous les maux

Avant les dernières élections municipales, début septembre, les clandestins de Moscou avaient fait l’objet d’une véritable chasse, comme pour illustrer les discours de campagne largement axés sur la sécurité, dans une ville où l’immigration clandestine est très fréquente.

Arrêtés en masse, notamment sur les marchés où ils travaillent la plupart du temps, ces étrangers en situation illégale ont ensuite été dirigés vers des camps de rétention, dans l’attente de leur expulsion.

Selon de récents chiffres officialisés par le Service fédéral des migrations (FMS), le nombre d’immigrés clandestins résidant en Russie s’élèverait à plus de 3 millions de personnes. Tous ces migrants, selon les autorités, sont entrés en Russie de façon légale et ne sont pas repartis à la suite du délai de 90 jours autorisés par la Russie.

La Russie recense, au total, 5 millions d’immigrés du travail, et parmi eux, des immigrés clandestins.

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