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En Russie, le nationalisme est une aubaine pour les partis politiques

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Dimanche 13 octobre, le sud de Moscou a été le théâtre de violentes manifestations visant à dénoncer le meurtre d’un jeune Russe par un homme d’origine étrangère. Qui étaient ces manifestants, les membres de groupes ultra-nationalistes ?

Xavier Moreau : Au départ, les premiers manifestants étaient de simples habitants du quartier excédés par ce meurtre, et par des années de délinquance liée à l’immigration pour la plupart illégale.

C’est au cours de la soirée que ces riverains ont été rejoints par 2 000 nationalistes.

Cette manifestation s’est rapidement transformée en émeute et a témoigné de la virulence d’une forme de sentiment nationaliste. Peut-on dire que ce sentiment se développe de plus en plus parmi la population russe ?

Xavier Moreau : L’origine de cette émeute vient avant tout l’insécurité qui règne. Le quartier de Bioulevo est situé au sud de la capitale, dans le rayon de Chertanovo qui est depuis longtemps considéré comme l’un des quartiers les plus criminogènes de Moscou, avec le quartier de Golyanovo, au nord-est.

C’est là l’héritage de l’ancien maire de Moscou, Youri Loujkov, qui a laissé de véritables mafias ethniques prendre le contrôle de certains quartiers. La corruption aidant, les plaintes des habitants sont restées sans suite. <!–jolstore–>

Ces émeutes ont largement été qualifiées de « xénophobes » par la presse. Sont-elles dans ce cas représentatives de la société russe ?

Xavier Moreau : La société russe a une conception paradoxale de l’immigration. D’un côté, elle a conscience d’être un empire composé de plusieurs peuples, et de l’autre elle redoute la poussée démographique des peuples caucasiens ou centre-asiatiques.

Il faut savoir également que les Russes ont été violemment chassés de certaines anciennes républiques soviétiques au début des années 90. Ce fut le cas en Azerbaïdjan, en Kirghizie ou en Ouzbékistan. Les Russes ont du mal à admettre que ces peuples viennent désormais s’installer dans les grandes villes avec l’insécurité qui y est liée.

Tous les partis politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite, semblent également adopter un discours très nationaliste, notamment en période de campagne électorale. Pourquoi les Russes sont-ils séduits par cette rhétorique ? L’immigration est-elle un véritable fléau en Russie ?

Xavier Moreau : C’est évidemment une aubaine pour les mouvements nationalistes. L’opposant Alexei Navalny s’est immédiatement engouffré dans la brèche, plus par opportunisme d’ailleurs, que par conviction.

Le nationalisme est en effet le seul mouvement susceptible de soulever les foules en Russie, y compris contre le Kremlin, jugé trop complaisant avec les populations non slaves.

Les antifas russes ont d’ailleurs envahi le quartier général de campagne d’Alexei Navalny pendant la campagne de l’élection du maire de Moscou, afin de protester contre ses propos xénophobes. Nous avons donc un candidat paradoxal, qui se dit pro-occidental, « gay friendly », soutenu par Noël Mamère, mais qui tient un des discours xénophobes les plus radicaux en Russie. 
La Russie a cependant une tradition de cohabitation entre les différents groupes ethniques ou religieux. Le gouvernement russe prend désormais des mesures radicales contre l’immigration illégale et l’insécurité, et l’on peut raisonnablement espérer que le calme revienne.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les manipulations extérieures, notamment par les mouvements islamistes liés à l’Arabie saoudite et aux Etats-Unis, qui tentent de faire pression sur la Russie, en raison de son soutien à Bachar El Assad.

Quelles sont les conséquences de cette pression sur la politique migratoire de la Russie ?
 

Xavier Moreau : La Russie va sans doute rendre ses frontière plus hermétiques. Elle ne peut cependant pas se fermer complètement vis-à-vis de pays pauvres d’Asie Centrale. Le fait qu’une partie des revenus des citoyens de ces pays viennent des immigrés en Russie est aussi un moyen d’influence. En outre la Russie a besoin de main d’oeuvre. La Russie pourrait prendre des mesures plus radicales vis-à-vis de l’Azerbaïdjan qui est désormais un pays hostile et dont les ressortissants constituent une des ethnies les plus agressive en Russie contre les Russes.

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