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Erdogan veut apaiser les Kurdes, qui restent perplexes

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Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a dévoilé toute une série de réformes qui entrent dans le cadre d’un « plan de démocratisation » qui était très attendu, notamment par les Kurdes de Turquie, qui représentent 20% de la population, et à qui ce plan bénéficie tout particulièrement.

Les Kurdes feront-ils leur entrée au Parlement

C’est lundi 30 septembre que Recep Tayyip Erdogan a décidé de rendre ce plan public dans un discours de politique générale auquel avaient été conviés la presse et la totalité des membres du gouvernement.

Et parmi les multiples réformes annoncées par le Premier ministre turc, les mesures annoncées en faveur d’une plus grande intégration des minorités et notamment de la population kurde devaient faire un certain effet, car annoncées alors que le gouvernement est en pleine négociation avec cette minorité dont le parti représentatif, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est en guerre avec l’Etat central turc depuis 1984. Ce conflit a déjà fait 40 000 morts.

Désormais, et selon l’annonce de Recep Tayyip Erdogan, les Kurdes pourraient avoir droit de cité au Parlement. Actuellement, aucun parti ne peut siéger à l’Assemblée s’il ne réunit pas au moins 10% des voix au niveau national lors des élections législatives. Désormais, ce taux pourrait être rabaissé à 5%, voire éliminé, ce qui irait dans le sens du PKK qui réalise de très bons scores dans les régions à majorité kurde, notamment dans le sud-est du pays, mais jamais assez pour atteindre 10% au niveau national.

Des mesures jugées historiques

D’autre part, les Kurdes devraient bénéficier d’une plus grande liberté d’enseignement. Ainsi, dans les écoles turques, les professeurs des écoles privées pourront désormais enseigner d’autres langues, hors le turc.

Puis, pour achever ce plan qualifié « d’historique » par le Premier ministre lui-même, le gouvernement devrait également autoriser à certaines localités kurdes, qui ont dû changer de nom après le coup d’Etat de 1980, de reprendre leur nom kurde initial.

Enfin, certaines lettres devraient faire leur apparition dans l’alphabet. Il s’agit du Q, du W et du X. Longtemps interdites car ne figurant pas dans l’alphabet turc, ces lettres sont utilisées en kurde.

Les Kurdes soulignent les lacunes du plan d’Erdogan

Le plan du Premier ministre turc, s’il engage de multiples réformes, n’a pourtant pas semblé satisfaire la minorité kurde qui a immédiatement pointé du doigt les véritables problèmes qui séparent aujourd’hui l’Etat central turc et la minorité.

« Ce plan n’est pas en mesure de surmonter le blocage actuel du processus », a ainsi déclaré la coprésidente du Parti kurde pour la paix et la démocratie (BDP), Gülten Kisanak. « Ce n’est pas une série de réformes pour la démocratisation, c’est une série de réformes pour les élections », a-t-elle ajouté.

C’est également ce qu’a déploré la presse turque, aux lendemains du discours de Recep Tayyip Erdogan. Pour beaucoup d’observateurs, le Premier ministre serait en fait plus préoccupé par les prochaines élections qu’inspiré d’un nouvel élan démocratique.

Pour le quotidien prokurde Özgür Gündem, cité par Courrier International, le « plan de démocratisation » du Premier ministre n’a d’autre objectif que de « distraire la galerie ».

C’est notamment l’enseignement du kurde qui ne plaît pas à ce journal, proche du Parti pour la paix et la démocratie, lui-même affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan.

Pour les journalistes d’Özgür Gündem, le kurde a été « renvoyé dans le privé » et n’aura pas de place dans l’enseignement public. D’autre part, certaines mesures telles que la décentralisation des pouvoirs, la suppression des « protecteurs de villages » constitués kurdes à la solde de l’Etat, chargés de faire régner l’ordre et dont les exactions ne sont plus à prouver. Nulle trace non plus de libération de prisonniers politiques.

De grandes contradictions

Le quotidien Radikal estime également que le plan de Recep Tayyip Erdogan est incomplet. « Rien ne figure dans ce paquet concernant les graves atteintes aux droits fondamentaux résultant d’une conception très large de la notion de terrorisme dont ont été victimes de nombreux militants kurdes », écrit Ahmet Insel avant de s’insurger contre les contradictions de ce plan.

« Le gouvernement s’est contenté d’autoriser l’enseignement du kurde dans les établissements privés, de permettre le retour des noms de lieux en kurde et l’usage de cette langue pour faire de la propagande électorale. Si ces développements sont positifs – la possibilité d’enseigner désormais en deux langues dès le primaire dans le privé donne à la langue kurde une légitimité sur laquelle il ne sera plus possible de revenir –, nous sommes néanmoins en présence d’un statut octroyé qui rappelle celui des minorités. […]Et c’est bien là la contradiction principale de cette annonce dès lors que les Kurdes de Turquie, contrairement à leur volonté d’être acceptés comme des citoyens à part entière, sont donc orientés vers un statut de minorité reconnue, ce qui n’est pas la même chose ».

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