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Pour faire confiance à l’Iran, il faut le replacer sur la scène internationale

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La réunion de Genève est terminée et l’Iran a annoncé avoir accepté que l’Agence internationale de l’énergie atomique mène, à moyen terme, des visites surprises, sur ses sites nucléaires. Qu’est-ce que cela signifie ?
 

Bernard Hourcade : Je crois que c’est une étape très importante. Il faut savoir qu’en 2003, l’Iran avait signé le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP) qui permet des inspections inopinées sur n’importe quel endroit du territoire iranien. N’importe quelle entreprise peut être inspectée pour vérifier qu’il n’y a pas d’activités illégales et contraires au TNP.

Cela donne donc une garantie quasiment absolue de l’existence ou du développement d’un programme clandestin quel qu’il soit, lié au nucléaire. C’est une garantie majeure qui permet à l’Iran de continuer à mener ses activités sous entier contrôle des autorités internationales.

Mercredi, au deuxième jour de cette réunion, on a entendu que les Iraniens avaient fait une « proposition », restée confidentielle, pour relancer les négociations. Quelle peut-être cette proposition ?
 

Bernard Hourcade : Ce qui est important c’est que, des deux côtés, il y ait des avancées. Côté occidental, et côté iranien, tout le monde veut sortir de cette crise et tout le monde est décidé à trouver une solution.

Bien entendu, l’Iran a aujourd’hui une capacité à enrichir de l’uranium qu’il n’avait pas il y a dix ans. Les Etats-Unis ne sont plus ni en Irak, et presque plus en Afghanistan. Les rapports de force ont changé.

L’Iran a besoin de résultats. Le gouvernement d’Hassan Rohani est sous la pression des sanctions internationales et a le devoir de régler cette question sans quoi ce pourrait être considéré comme un échec en interne.

Les Iraniens veulent aller vite, sans pour autant se précipiter. Il faut se débarrasser rapidement des sanctions sans brusquer ceux qui, côté iranien comme américain – Israël compris-, sont réticents à faire trop de concessions.

Les Iraniens ont pu proposer une série d’étapes pour aboutir à une totale limpidité du programme iranien. Sur le principe, cela mettrait tout le monde d’accord.<!–jolstore–>

Durant ces négociations, tous les participants ont semblé confiants et déterminés à sortir de cette crise, sauf la France, malgré les signes de bonne volonté de l’Iran. Pourquoi autant de réticences chez les Français ?
 

Bernard Hourcade : C’est la grande question et c’est un fait. Malgré la poignée de main entre le président Hollande et le président Rohani, la France n‘a pas de stratégie de leader alors qu’en 2003, la France avec Dominique de Villepin était leader de l’accord sur le nucléaire.

La France ne l’est plus aujourd’hui, par choix politique et beaucoup de gens sont extrêmement réticents au fait que l’Iran revienne sur la scène internationale malgré l’évidence selon laquelle il est impossible aujourd’hui de maintenir un Etat de 80 millions d’habitants, seule république qui fonctionne plus ou moins au Moyen Orient, en dehors du circuit.

La bonne volonté de l’Iran est ouvertement affichée depuis l’élection d’Hassan Rohani en juin dernier. Or, le système politique iranien veut que le véritable décideur soit en réalité le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Dans ce contexte, doit-on croire les signes positifs envoyés par l’Iran ?
 

Bernard Hourcade : Lorsque Mahmoud Ahmadinejad était président, et lorsqu’il disait des choses inadmissibles, on le croyait sur parole. Maintenant que l’Iran donne des choses crédibles, on ne le croit plus. Ce n’est pas très logique.

Hassan Rohani est dans les rouages de l’appareil d’Etat depuis 35 ans, très proche du guide depuis toutes ces années et il a sa confiance – ce qui est très important, surtout en Iran – et ce même s’ils ne sont pas d’accord sur tout.

Après les émeutes de 2009, le guide a réussi à reprendre le pouvoir et à créer autour de lui un consensus national. Tous les réformateurs le savent, les réformes ne pourront pas venir du jour au lendemain.

Hassan Rohani s’est présenté comme le représentant de toutes les forces, des Gardiens de la révolution jusqu’aux libéraux et au clergé. Il n’est pas opposé au guide, il n’est pas un électron libre autour du guide, il est le guide.

Depuis qu’il a été élu en juin dernier, Hassan Rohani a régulièrement assuré que l’Iran n’était pas un danger pour la communauté internationale et que ses projets nucléaires étaient purement civils. Peut-on lui faire confiance ?
 

Bernard Hourcade : Il ne faut croire personne. Ce qui compte, ce sont les rapports de force et les faits.

Il y a dans la culture fondamentale de la politique iranienne, une volonté de défendre le territoire iranien. Le nationalisme iranien n’est pas expansionniste, c’est un nationalisme de territoire pour défendre le cœur du système.

Il faut également des garanties. Elles ne peuvent être que dans la négociation, dans la discussion afin de faire de l’Iran – un pays important qui deviendra un pays encore plus important – une puissance régionale.

Nous aurons les garanties que nous voulons lorsque l’Iran sera vraiment cette puissance régionale face à l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Pakistan. C’est en multipliant les relations culturelles, politiques, économiques, militaires avec l’Iran, en cessant cette historique confrontation avec l’Occident, que nous serons autorisés non pas à faire confiance mais avoir un rapport de force équitable.

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