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Turquie: Amnesty dénonce l’impunité des violences policières

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Son nom ne vous dit sûrement rien, mais sa silhouette doit vous rappeler quelque chose.  « La femme en rouge », c’est ainsi qu’on l’a surnommée, est devenue l’icône de la contestation turque en juin dernier. La photo de cette jeune femme vêtue d’une robe rouge, les cheveux soulevés par le souffle du gaz lacrymogène projeté par le policier qui lui faisait face, a fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Refusant de s’exprimer publiquement, la jeune femme, avait simplement déclaré ne pas avoir été la seule victime de la répression policière à Istanbul. Comme elle, des centaines de manifestants ont été témoins de la brutalité des forces de l’ordre en Turquie. 

«Des violations des droits humains à très grande échelle»

C’est ce que révèle l’ONG Amnesty International dans un rapport rendu public mercredi 2 octobre, dans lequel elle accuse les autorités turques d’avoir commis de graves violations des droits humains lors des manifestations du parc Gezi.  « La répression du mouvement de protestation du parc Gezi a donné lieu à des violations des droits humains à très grande échelle. Le droit de se réunir pacifiquement a été systématiquement bafoué et les violations du droit à la vie, à la liberté et à ne pas être torturé et maltraité ont été nombreuses » a expliqué Andrew Gardner, spécialiste de la Turquie à Amnesty International. 

La force, réponse du gouvernement d’Erdogan

A l’origine du mouvement contestataire, en mai dernier,  le projet de construction d’une mosquée sur la place Taksim et du Parc Gezi. Mais au-delà de ce projet d’urbanisme, c’est la politique conservatrice du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, en fonction depuis 2003, qui est dénoncée. Les manifestants l’accusent de vouloir « islamiser » la société et de mener une politique de plus en plus autoritaire en Turquie.

Face à l’ampleur de la mobilisation, le gouvernement islamo-conservateur (AKP)  réagi par la force. De violents affrontements ont eu lieu entre l’opposition et la police turque. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, inflexible, a défendu l’action des forces de l’ordre, qualifiant les manifestants de «terroristes» rappelle la BBC.  Sa fermeté a divisé au sein de son parti : le vice Premier Ministre, Bulent Arinc, avait ainsi présenté ses excuses aux manifestants blessés, en juin dernier, reconnaissant la répression policière excessive.

Un «programme de démocratisation» en Turquie

Le 30 septembre dernier, Recep Tayyip Erdogan a annoncé des mesures pour renforcer la démocratie en Turquie. Mais pour Amnesty International, ce « programme de démocratisation » ne règle en aucun cas la question de ces violations et ne « propose aucune mesure sérieuse pour éviter qu’elles ne se reproduisent à l’avenir »

Dans son rapport, l’ONG déclare que les actes brutaux de la police n’ont pas été punis contrairement aux manifestants, qui ont eux été harcelés et arrêtés.

Interrogé en juin dernier par JOL Press, Pinar Selek,  sociologue turque réfugiée en France, ne s’étonnait guère de la grande fermeté de la police turque : « Depuis très longtemps, dès qu’il y a une contestation, le gouvernement turc répond au peuple avec la répression policière » déclarait-elle.

Impunité des violences policières 

Les chiffres dévoilés par Amnesty International parle d’eux-mêmes : 130 000 bombes de gaz lacrymogène lancées, 5000 détenus et 8000 personnes blessées depuis le début de la contestation. Dans une vidéo, l’ONG récolte les témoignages de plusieurs blessés par des canons à eau, ou grenade de gaz lacrymogène.  « Je les hais, comment ont-ils pu me faire cela ? » lance un homme dévisagé, face caméra, qui rentrait chez lui lorsque cinq policiers anti-émeute et un officier en civil  l’ont frappé jusqu’à lui crever un œil. « Je veux que ceux qui m’ont fait cela soient pris et reçoivent le plus fort châtiment possible » poursuit-il. 

Dans son rapport, Amnesty dénonce également le recours fréquent par la police à des tirs de balles en caoutchouc visant la tête ou le haut du corps, des tirs de grenades lacrymogènes, la présence d’irritants chimiques, ajoutés aux réservoirs des canons à eau. Le rapport pointe également les violences sexuelles infligées par des forces de l’ordre à des manifestantes.

 

 

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