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Égypte: l’interdiction des Frères musulmans leur sera-t-elle fatale?

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A eine quelques années de légalisation, quelques mois au pouvoir et les Frères musulmans égyptiens regagnent la clandestinité. La confrérie islamiste, dont est issu l’ancien président Mohamed Morsi, a été classée sur la liste des « organisations terroristes » par les nouvelles autorités au pouvoir depuis le coup d’Etat de juillet dernier.

Les liaisons dangereuses des Frères musulmans et des djihadistes

Désormais, les Frères musulmans, objet d’une vaste répression qui aurait déjà fait 1 000 morts dans le pays, ne pourront plus manifester. « Toutes les activités » des Frères sont désormais interdites, a ainsi déclaré le ministre de la Solidarité sociale, Ahmad El-Boraie tandis que le vice-Premier ministre Hossam Eissa a annoncé que le gouvernement punirait « conformément à la loi quiconque appartiendrait à ce groupe ».

Cette annonce a sans doute été motivée par le récent attentat survenu mardi 24 décembre dans un bâtiment de police au nord du pays. Cet attentat, le plus important depuis la chute de Mohamed Morsi, a fait 15 morts et a été revendiqué par des djihadistes du Sinaï se disant proches d’Al-Qaïda. Les Frères musulmans sont en outre accusés de proximité avec ces groupes terroristes.

Vaste opération du nouveau régime contre la confrérie

Depuis la destitution de Mohamed Morsi, en juillet dernier, les autorités mènent une véritable chasse aux sorcières à l’encontre de cette confrérie et de ses membres.

De nombreux dignitaires de l’organisation ont été arrêtés et présentés devant la justice tandis que leurs avoirs ont été gelés. Les manifestations, fréquentes depuis ces derniers mois, sont violemment réprimées par l’armée si bien que les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé de nombreuses exactions commises à l’encontre des militants des Frères musulmans.

Ces derniers, qui réclament le retour du président Morsi au pouvoir, ne semblent pas prêts à baisser la garde. Dans une déclaration émise mercredi 25 janvier, un dirigeant de la confrérie, en exil à Londres, a appelé ses partisans à poursuivre la mobilisation. « Les manifestations vont continuer, c’est certain », a estimé Ibrahim Mounir, qualifiant la décision du gouvernement égyptien d’« invalide ».

Bientôt 90 ans d’exclusion de la vie politique égyptienne

Pour la confrérie, être interdits d’existence en Egypte est loin d’être nouveau. Fondés en 1928 par un citoyen égyptien du nom d’Hassan el-Barra, les Frères musulmans ont été fondés à l’époque où la France et le Royaume-Uni étaient très présents en Egypte, notamment autour du Canal de Suez. C’est dans cette région que la confrérie va prendre forme, afin de proposer une alternative au modèle occidental imposé par les puissances coloniales. Au départ, les frères se veulent une association de bienfaisance et ce n’est qu’un peu plus tard que l’aspect politique entre en compte.

Mais, très vite, ils deviennent la bête noire du gouvernement égyptien qui interdit la confrérie et condamne de nombreux membres. Cette obsession apparaît dans les années 40 et se manifeste jusqu’à la destitution d’Hosni Moubarak.

La consécration et l’aboutissement de nombreuses années de combat des Frères musulmans sont les élections législatives de l’hiver 2011-2012. Les Frères musulmans, autorisés à se présenter, créent une véritable surprise, et fort de leur engagement social auprès de nombreux Egyptiens, remportent 40% des sièges au Parlement et deviennent ainsi le premier parti de l’Assemblée nationale.

Quelques mois plus tard, ils retentent l’expérience lors de l’élection présidentielle. La victoire n’est alors pas été aussi belle que prévue mais Mohamed Morsi est élu, le 17 juin 2012, avec 51,73% des voix. Un score qui lui permet de s’assurer une incontestable légitimité démocratique qu’il ne cessera par la suite de proclamer pour justifier sa présence à la tête de l’Etat.

Cependant, la légitimité des urnes ne fait pas tout. Revenus de longues années d’exil, les Frères musulmans ont trop voulu et trop vite. Accusés de vouloir islamiser le pays, de mettre à mal les libertés fondamentales des citoyens, il ne leur a fallu que quelques semaines pour se mettre à dos la foule égyptienne. Une mobilisation qui s’achèvera le 3 juillet lorsque au terme d’un ultimatum de 48 heures, l’armée destituera le président pour placer un gouvernement de transition à la tête du pays.

Les Frères musulmans doivent-ils vraiment disparaître ?

Cependant, si ces manifestations à l’encontre des Frères musulmans ont largement fait parler d’elles dans l’actualité mondiale, si même les organisations de défense de la démocratie et des droits de l’hommes ont, elles aussi, condamné maintes fois le régime islamiste de Mohamed Morsi, il reste qu’une grande partie de l’Egypte, principalement les zones rurales, reste très attachée à la confrérie. Et s’ils avaient été autorisés à se présenter lors des prochaines élections, nul doute qu’ils auraient encore réalisé un très bon score. D’une part grâce à leur engagement social dans les campagnes mais également parce que la confrérie reste de loin le parti politique le plus organisé d’Egypte, dans un pays qui peine à organiser sa vie institutionnelle.

Les Frères musulmans peuvent-ils alors vraiment être « éradiqués » ? Si les régimes politiques successifs en Égypte n’y sont pas parvenus depuis 1928, année de création de la confrérie, il est fort peu probable qu’ils y parviennent aujourd’hui.

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