Site icon La Revue Internationale

Égypte: Qu’y a-t-il dans le projet de Constitution de l’armée?

armee-constitution-egypte.jpgarmee-constitution-egypte.jpg

[image:1,l]

Ce projet de constitution aura été écrit en un temps record. La nouvelle loi fondamentale égyptienne devra être soumise à référendum pour être adoptée officiellement mais déjà certains articles attirent l’attention des électeurs égyptiens, dont certains sont déjà descendus dans la rue pour dénoncer une constitution qu’ils estiment écrite par l’armée et pour l’armée.

La Défense toute puissante

En effet, à la lecture des articles de ce projet de loi fondamentale, l’armée ressort forte de nombreux pouvoirs et prérogatives.

Si cette constitution était approuvée par le président par intérim Adly Mansour, auquel le texte sera porté à la connaissance, puis voté par le peuple, l’armée aurait notamment le pouvoir de juger des civils accusés d’affronts contre l’institution militaire, comme c’était le cas sous Hosni Moubarak.

Le texte prévoit également que ni le Parlement, ni le gouvernement ne pourront avoir de droit de regard sur le budget de l’armée, poursuivant ainsi une longue tradition militaire puisque l’armée a les mains libres en Egypte depuis quarante ans.

Le ministre de la Défense sera également un cas particulier des futurs gouvernements égyptiens puisque celui-ci devra être nommé avec l’accord du Conseil suprême des forces armées (CSFA), au moins pour les huit prochaines années.

Les partis politiques religieux seront interdits

Tout n’est pas nouveau. En effet, cette nouvelle constitution s’est largement inspirée de la précédente, écrite par l’Assemblée constituante élue alors que Mohamed Morsi était encore au pouvoir. Cette loi fondamentale, adoptée il y a presque un an lors d’un référendum, avait suscité une vive polémique en Egypte tant nombreux de ses articles pouvaient ouvrir la voie à une interprétation rigoriste de l’islam.

Ce sont d’ailleurs ces articles qui ont subi de grandes modifications lors de leur étude par la nouvelle assemblée constituante. Ainsi, la liberté de religion y est définie comme un principe absolu, tout comme l’égalité hommes/femmes au contraire d’un principe de non-discrimination précédemment inscrit.

La charia demeure la principale source de législation en Egypte, selon l’article 2 du texte. Cependant, la définition de ses principes a été supprimée. Finalement, comme durant la présidence d’Hosni Moubarak, les partis politiques fondés à partir d’une base religieuse seront interdits.

Que dira le peuple égyptien de cette constitution ?

Cinq mois après le coup d’Etat mené par l’armée contre le président islamiste Mohamed Morsi, le gouvernement de transition veut montrer qu’il respecte ses promesses et s’active pour que cette transition soit la plus courte possible.

Néanmoins, rien ne garantit la survie de ce texte à l’épreuve du référendum. En effet, si les laïcs et les libéraux peuvent se satisfaire d’un assouplissement des articles concernant les religions, ils pourront craindre les conséquences de la liberté que s’accorde l’armée.

Ces articles « alimenteront le débat parmi les laïcs », confirme Hassan Nafaa, enseignant en sciences politiques à l’Université du Caire, interrogé par Le Nouvel Observateur, car cette constitution ne donne « aucune garantie contre la militarisation de l’Etat », indique encore Ahmed Abd Rabbo, également enseignant dans la même université.

Demeure ensuite la question de la représentativité de ce projet de constitution. En effet, le Comité des 50, qui a rédigé le texte, n’est composé que de deux islamistes, alors même que ces derniers étaient largement majoritaires au sein de la précédente assemblée constitutionnelle.

« On reprochait à raison aux Frères musulmans de ne pas être inclusifs, mais le présent comité est caractérisé par une représentation très forte du Front de salut national. Il est difficile pour les constituants de présenter le document comme une émanation de la volonté populaire alors que le texte a été rédigé en soixante jours seulement. Les constituants n’ont pas eu le temps de recueillir l’avis des Egyptiens », explique ainsi le chercheur Alexis Blouet, interrogé pour Le Monde.

Quitter la version mobile