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«L’application des droits de l’Homme prendra du temps en Iran»

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JOL Press : Selon vous, quel a été l’impact de l’élection d’Hassan Rohani sur la vie des Iraniens ? 
 

Kianoush Ramezani: Lors de l’élection d’Hassan Rohani, les Iraniens ont laissé explosé leur joie et leur espoir; deux émotions qu’ils n’avaient pas ressenties depuis huit ans. La population a énormément souffert pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad et c’est pour cette raison que l’élection d’Hassan Rohani constituait pour eux une victoire et qu’ils sont descendus dans la rue. Mais la réalité ne dépasse jamais le vote en Iran. Ici, le pouvoir du changement appartient au guide suprême. Malheureusement, le seul changement réside dans cette joie et cet espoir éphémères suscités par les nombreuses promesses d’Hassan Rohani. Mais dans les faits, il n’a pas pu libérer les deux candidats à l’election qui ont été emprisonnés. Certains journaux doivent encore faire face à la censure. Les journalistes et activistes continuent d’être victimes d’arrestations et d’exécutions… 

JOL Press : Quelles sont les préoccupations premières des Iraniens ?
 

Kianoush Ramezani : La plupart des gens aimerait avoir davantage accès à Internet. Et puis, il y a bien sûr la question de l’emploi : en Iran, des milliers de jeunes diplômés ne trouvent pas de travail, sans parler du désir de la population de voir une économie stable dans le pays. <!–jolstore–>

JOL Press : Hassan Rohani a récemment fait part de sa volonté « d’accéder aux réseaux sociaux », censurés depuis 2009 en Iran. Qu’en est-il ?
 

Kianoush Ramezani : Je ne suis pas sûr qu’il veuille réellement cela pour les Iraniens… Il appartient au système et obéit au guide suprême. Même s’il le voulait vraiment, cela ne changerait rien, car celui qui a le dernier mot, c’est Ali Khamenei. J’ai abordé la question d’un Internet libre dans plusieurs de mes dessins, où je représente Ali Khamenei utilisant Internet, avec au-dessus de lui le symbole du wifi emprisonné comme un oiseau en cage. Une manière de critiquer cette situation paradoxale où le président, le ministre des Affaires étrangères et Ali Khamenei possèdent chacun un compte sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook alors que toutes ces plateformes sont filtrées et censurées en Iran. Les utiliser constitue même un crime… 

Dans une autre dessin, j’ai representé Ali Khamenei debout sur un baril de pétrole avec la même pose de la statue de la liberté.  Et sous le barril, j’ai dessiné la main d’un manifestant et le sang. En le comparant avec le symbole de la liberté, j’ai voulu critiquer le fait qu’il avait récemment qualifié l’Iran du pays le plus démocratique du monde.

Tout ça pour montrer que l’application des droits de l’Homme prendra du temps en Iran. 

JOL Press: Le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Iran, Ahmed Shaheed, a déclaré en octobre que la « situation des droits de l’homme restait préoccupante et ne montrait aucun signe d’amélioration ». L’évolution pour l’application des droits de l’Homme prendra-t-elle du temps ?
 

Kianoush Ramezani : Je pense que le mouvement qui a commencé en 2009, pendant la révolution verte est toujours prégnant dans la société iranienne. Mais pour évoluer, les Iraniens ont besoin d’un Internet libre et indépendant. Si la jeune génération iranienne avait un jour librement accès à Internet, le guide suprême Ali Khamenei serait obligé de changer sa position. 

JOL Press : Comment est perçu Hassan Rohani en Iran ?
 

Kianoush Ramezani : Aujourd’hui, la majorité des gens qui ont voté pour lui sont optimistes. Il a le soutien de l’opinion depuis qu’il a été élu, mais ce soutien ne durera pas longtemps si les gens ne voient aucun changement. 

JOL Press : Quels sont les principaux chantiers qui attendent Hassan Rohani ?
 

Kianoush Ramezani : Il devra d’abord réaliser toutes ses promesses de campagne. Il ne peut pas rester neutre sur la détention des journalistes Hossein Mousavi et Mehdi Karroubi, tous deux candidats à l’élection présidentielle, mais aussi sur les issues pour sortir de la crise économique, un héritage des huit années de présidence d’Ahmadinejad. Sans oublier, bien sûr, la question cruciale des droits humains. 

JOL Press : Selon vous, est-ce un peu précipité pour tirer des conclusions finales sur l’accord nucléaire ?
 

Kianoush Ramezani : Je pense que ce cirque durera plus longtemps que prévu. Tous les pays concernés ont des avantages en Iran, et cet accord nucléaire est un prétexte pour chacun d’entre eux de négocier avec l’Iran sur ce qu’il faut faire. L’Iran n’a pas d’autres choix que d’accepter et de faire en sorte que cet accord se fasse. Les conclusions finales auront bien lieu, mais pas de sitôt. 

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