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Turquie: Recep Tayyip Erdogan tente de sauver sa carrière

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Après huit jours d’un scandale financier sans précédent, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a procédé à un vaste remaniement ministériel. Mercredi 25 décembre au soir, à la suite d’une réunion d’urgence organisée en raison de la démission de trois ministres accusés de corruption, le Premier ministre a présenté sa nouvelle équipe à la presse.

Vaste remaniement ministériel

Pas moins de dix ministres ont été mis à la porte, volontairement ou contre leur gré, en une soirée. Parmi eux, le ministre des Affaires européennes Egemen Bagis, mais également ceux de la Justice, des Transports, de la Famille.

C’est sans doute l’affaire la plus grave à laquelle doit faire face le Premier ministre depuis qu’il est arrivé au pouvoir il y a dix ans. Il y a une semaine, la justice turque a inculpé et placé en détention plusieurs hommes d’affaires, élus et les deux fils de deux ministres qui ont été mis en cause dans une vaste affaire de corruption.

Derrière ces hommes, c’est le parti au pouvoir qui est directement accusé de ce scandale financier et même dans son propre camp, le Premier ministre commence à voir partir ses alliés.

Parmi eux, la confrérie dirigée par le prédicateur musulman Fetullah Gülen. Ce dernier, pourtant fidèle ami de l’AKP depuis 2002, est furieux du projet gouvernemental de supprimer les établissements de soutiens scolaires privés, une des principales ressources de l’organisation. Le Premier ministre accuse cet homme d’avoir entièrement mis en place ce complot afin de nuire à sa personne.

Vaste opération de communication gouvernementale

C’est justement de ce complot que le Premier ministre tente désormais de se défendre. Recep Tayyip Erdogan a lancé une vaste opération de communication pour sauver sa place au milieu de ce marasme politique, comme il l’avait fait lors d’une précédente crise, il y a quelques mois.

Malgré les appels à la démission qu’il a feint d’ignorer, le Premier ministre a affirmé que la lutte contre la corruption restait une de ses priorités. Devant les cadres de son parti, le chef du gouvernement a dénoncé une « conspiration à grande échelle » menée contre son gouvernement. « C’est une affaire présentée sous la forme d’une opération judiciaire qui vise en fait à porter atteinte à l’avenir de la Turquie », a-t-il déclaré.

Le Premier ministre a été clair, il ne cèdera pas à un complot mis en œuvre par un « Etat dans l’Etat » – tel qu’il qualifie les islamistes de Fetullah Gülen –  afin de « salir » et « détruire » les progrès que ce dernier a permis à la Turquie de faire depuis plusieurs années.

Quelles conséquences sur les scrutins à venir ?

Il faut dire que pour Recep Tayyip Erdogan, les enjeux sont importants. En 2015, et selon les termes de la constitution en vigueur, il sera prié de quitter la tête du gouvernement. Sa carrière politique pourrait alors se terminer après plus d’une décennie au pouvoir.

Or en 2014, et pour la première fois, les Turcs éliront leur président au suffrage universel direct. L’occasion est rêvée et l’actuel Premier ministre ne laisse plus planer le doute quant à son intention de se présenter devant les électeurs.

Mais avant cela, les Turcs seront amenés à élire leurs représentants municipaux, le 30 mars prochain. Un scrutin important pour les conservateurs de l’AKP qui comptent bien prouver une nouvelle fois qu’ils sont le premier parti de Turquie. C’est notamment à Istanbul que le combat sera le plus féroce. La deuxième ville de Turquie est un enjeu crucial tant elle a toujours été au cœur d’une compétition entre le parti au pouvoir et l’opposition de gauche. Or parmi les ministres démissionnaires, trois étaient candidats à ces mêmes élections municipales.

Il y a quelques mois déjà, le pouvoir avait été ébranlé par une grande vague de manifestations populaires appelant à la démission du gouvernement. Pendant plusieurs jours, réunis sur la place Taksim, ces manifestants ont appelé au Printemps turc, dénonçant la politique de Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier avait alors réussi à calmer les esprits et était sorti presque indemne de cette crise. Malgré tout, deux crises successives et d’une telle ampleur risquent bien d’atteindre le Premier ministre de plein fouet. Les conséquences devraient se vérifier dans les urnes.

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