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Ukraine: les pro-Europe ne lâcheront rien

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En quelques jours à peine, la mobilisation ukrainienne est passée du stade de la simple manifestation à une marche pour la révolution. Ce qui n’était au départ qu’une réclamation pour forcer le gouvernement à reconsidérer sa décision de mettre un terme aux négociations de partenariat avec l’Union européenne est désormais devenue un enjeu de politique interne.

« Nous ne voulons pas de la Russie »

Le sommet européen de Vilnius aurait pu calmer la foule, si l’Ukraine avait fait un nouveau pas vers Bruxelles, mais tel n’en fut pas le cas et aujourd’hui, c’est devant les centres de pouvoir de Kiev que les manifestants sont réunis.

Lundi 2 décembre, plus de 2 000 manifestants d’opposition bloquaient les accès au gouvernement ukrainien, dans le centre de la capitale. La veille, plusieurs d’entre eux avaient passé la nuit sur la place de l’Indépendance, à l’appel de l’opposition.

Dans les rangs de cette manifestation, le partenariat économique contrarié entre l’Ukraine et l’Union européenne n’est pas le seul motif de protestation. « Nous en avons assez de ce gouvernement de gangsters, de bandits. Tout est corrompu », explique ainsi Ivan Filipovitch, un manifestant, selon des propos retranscris par Le Figaro. « Nous voulons nous rapprocher des pays normaux, pas de la Russie », dit-il encore.

La veille, les manifestants avaient pris le contrôle de la mairie de Kiev. Près de 100 000 personnes étaient alors réunies pour demander la démission du gouvernement, des élections anticipées et la reprise des négociations avec l’Union européenne. Cette dernière manifestation a été réprimée par les forces de l’ordre et les affrontements auraient fait trois blessés parmi les manifestants.

D’est en ouest, les Ukrainiens n’ont pas les mêmes ambitions

Cette mobilisation – la plus forte depuis la Révolution orange de 2004 – divise plus que jamais la communauté ukrainienne en deux camps.

Globalement, les Ukrainiens de l’est ont toujours été plutôt favorables à un rapprochement avec la Russie. Certains d’entre eux ne parlent que le russe et suivent alors le gouvernement dans sa démarche.

De l’autre côté, les Ukrainiens de l’ouest. Naturellement tournés vers le vieux continent, ils sont désormais dans l’opposition et exigent une rupture avec Moscou qui susciterait une occidentalisation de la société, de l’économie et de la politique ukrainiennes. Comme chef de file absente de ce vaste mouvement d’opposition, l’ancienne Premier ministre Ioulia Timochenko profite de ces derniers événements pour revenir, malgré son emprisonnement, sur le devant de la scène.

Dans des discours retransmis par sa propre fille, très active dans les manifestations, Ioulia Timochenko engage les manifestants à ne pas céder à la pression du gouvernement, à poursuivre le combat et à « ne pas quitter la rue tant que le régime ne sera pas renversé ».

Conflits de culture chez les Ukrainiens

Une chose est sûre, les récents événements ukrainiens ne sont pas le simple reflet d’un mécontentement populaire face à une décision du gouvernement en place. Derrière cet accord de coopération, dont les Ukrainiens savent bien qu’il n’aurait pas été si avantageux pour la croissance de leur pays, c’est pour un véritable changement de civilisation que s’engagent les manifestants.

Encore une fois, les Ukrainiens se font l’illustration de leurs divisions qui ne sont pas politiques – pas question de droite et de gauche ici – mais culturelles. L’est et l’ouest se confrontent dans une sorte de Guerre froide à petite échelle.

« L’Ukraine est un pays historiquement partagé », explique ainsi Pierre Lorrain, journaliste et écrivain, spécialiste de l’URSS.

« Après l’effondrement de l’Union soviétique, les républiques ont pensé qu’elles avaient plus de chance de se débrouiller sans la Russie, c’est ce qui a poussé les Ukrainiens à l’indépendance », explique cet expert de la question.

A l’époque, l’Ukraine représentait 25% du potentiel économique de l’Union soviétique. « Le président de l’époque, Leonid Kravtchouk était persuadé qu’avec son potentiel, l’Ukraine avait une place extraordinaire à occuper en Europe », note Pierre Lorrain.

Cette ambition semble aujourd’hui motiver les foules à l’ouest. Les pro-Europe estiment que l’Ukraine a toute sa place en Europe et en Occident. Tandis qu’à l’ouest, on estime peut-être que la place des Ukrainiens ne sera jamais aussi confortable que dans le giron de la mère Russie.

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