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Écartelée, l’Ukraine est dans l’impasse

Le Flop du sommet de Vilnius appelle des questions. Pourquoi un pays ayant ferraillé dur pour se conformer aux standards européens s’est-il, in extremis, détourné de la voie qu’il s’était lui-même tracée ? Pourquoi est-il sciemment retombé dans l’orbite russe ? Passées les premières réactions d’orgueil, l’Union européenne doit bien se rendre à l’évidence : l’accord proposé à l’Ukraine n’avait rien de particulièrement alléchant.
 
Vieille duchesse désargentée, l’UE se comporte comme si la simple évocation de son nom suffisait encore à attirer les foules à sa table. Mais le lustre n’est plus, et il en faut un peu plus qu’un prestige écorné pour convaincre un pays de se détourner d’un de ses partenaires principaux. D’autant que l’invite de l’Union avait tout d’une proposition au rabais.
 
L’Ukraine n’a pas signé l’accord d’association. Pas dupe, elle a compris qu’il ne s’agissait là que d’une offre discount, moyen pour l’UE de s’allier à l’ancien « grenier à blé » de la Russie à moindres frais, sans lui proposer l’accession. Mais alors, pourquoi les manifestants du Maïdan (place de l’indépendance, à Kiev) se montrent-ils si déterminés ? Trois raisons, connexes, l’expliquent.
 

L’UE veut signer un accord avec l’Ukraine sans l’intercession de la Russie

 
La première, c’est qu’ils tiennent à s’affranchir de la Russie, perçue comme le lieu de toutes les enfreintes à la démocratie, dont le nom suffit à convoquer les spectres du passé. Ukraine et Russie ont une longue histoire commune, jalonnée notamment par les coups de sang de Staline. Le Petit père des peuples est soupçonné d’avoir provoqué la série de famines ayant frappé l’Ukraine entre 1931 et 1933, afin de liquider le nationalisme du pays, d’origine essentiellement paysanne. Entre 2,6 et 5 millions de personnes perdirent la vie. Cette période a été nantie d’un qui donne froid dans le dos :  l’Holodomor, ou « l’extermination par la faim ». Une purge, ni plus ni moins, reconnue en 2008 comme « un crime contre l’humanité » par… le Parlement européen.
 
Deuxième raison, par contraste avec cette Russie vénéneuse, l’Union européenne est toujours perçue par une majorité d’Ukrainiens comme une terre de libertés et d’opportunités, avec laquelle un rapprochement sur la basse d’un accord d’association ouvrirait des portes, géographiques comme économiques. Un comble, quand on sait que l’UE ne propose même pas aux Ukrainiens de facilités de voyage sans Visa. Et qu’elle est par ailleurs incapable, pour le moment, de subvenir aux besoins du peuple ukrainien – besoins qui ne feraient que croître en cas d’accord, la Russie ayant annoncé des sanctions économiques à l’égard de l’Ukraine dans cette hypothèse.
 
On en vient au troisième point. L’Europe, dans cette affaire, joue des coudes depuis le début avec la Russie, refusant d’inviter Moscou à la table des négociations. Ce faisant, son message est clair : la signature d’un accord UE/Ukraine se fera sans l’intercession du pays de Poutine, l’Ukraine doit trancher dans le vif, choisir de se tourner vers l’un ou l’autre des bords. Simpliste. Irréaliste ? Oui, quand on connait le poids des exportations ukrainiennes vers la Russie dans la balance commerciale du pays de Ianoukovitch.
 
En refusant de prendre en compte les liens économiques historiques mais aussi culturels qui unissent Ukraine et Russie, l’UE a commis une erreur stratégique de taille. Plus grave, en voulant s’imposer par le chantage face à Moscou, Bruxelles a repris à son compte les procédés douteux dont elle reproche à Poutine d’abuser, et qui constituent précisément l’une des raisons principales pour lesquelles elle souhaite extirper l’Ukraine des « griffes » russes. Bref, une belle démonstration de grand n’importe quoi. 
 
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