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La nouvelle Constitution tunisienne annonce-t-elle une sortie de crise?

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Le 14 janvier au plus tard, la Tunisie devrait adopter une nouvelle Constitution et avoir un nouveau gouvernement. Trois ans après le départ de l’ancien président Ben Ali, renversé du pouvoir après un mois de révolte, la Tunisie pourrait enfin voir une issue à la crise politique qui secoue le pays depuis des mois.

Samedi 4 janvier, après une première journée de débats chaotiques entre les députés, l’Assemblée nationale constituante tunisienne (ANC), où le parti islamiste Ennahda est majoritaire, a adopté les premiers articles de sa nouvelle Constitution.

Rejet de la charia

Selon les deux premiers articles inscrits dans la Constitution de 1959, non amendables, la Tunisie reste un État « libre, indépendant, souverain », où « l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ». C’est un État à caractère « civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit ».

Alors que certains députés islamistes avaient déposé deux amendements dans le but de faire de l’islam ou du Coran et de la sunna – l’ensemble des paroles du prophète Mahomet, de ses actions et de ses jugements – la « source principale de la législation », ceux-ci ont été rejetés par l’Assemblée constituante. Il n’y aura donc pas d’application de la charia – la loi selon les préceptes islamiques – en Tunisie.

L’État, garant de la liberté de conscience

L’ANC, qui a approuvé une quinzaine d’articles samedi, a également approuvé l’article 6 faisant de l’État tunisien le « garant de la liberté de conscience » et permettant de ce fait aux Tunisiens de se dire sans religion.

Une liberté dénoncée par certains députés islamistes, qui ont estimé qu’elle permettrait « aux satanistes, à l’idolâtrie, d’organiser des manifestations publiques […] pour propager leurs croyances ».

L’article, qui garantit aussi les libertés de culte et la neutralité des mosquées de toute « instrumentalisation partisane », définit également l’État comme « protecteur du sacré » et « gardien de la religion ». Des formulations qui, selon certaines ONG, sont trop vagues et pourraient être sujettes à diverses interprétations.

Interdiction des accusations d’apostasie

Dimanche, après une heure de débats, la séance a dû être interrompue : un député de gauche a déclaré qu’il avait reçu des menaces de mort après qu’un élu du parti Ennahda l’a qualifié d’« ennemi de l’islam ».

Après des négociations houleuses entre les islamistes et l’opposition, un amendement à l’article 6 a finalement été adopté dimanche soir par 131 députés sur 182 votants, interdisant « les accusations d’apostasie [le fait de renier sa foi publiquement, ndlr] et l’incitation à la violence ». Une victoire pour l’opposition laïque, qui avait essuyé un premier rejet de cet article la veille.

Egalité entre citoyens et citoyennes

Après l’adoption des articles du premier chapitre de la Constitution, l’Assemblée constituante a entamé lundi l’examen du deuxième chapitre, concernant notamment les « droits et libertés » en Tunisie.

L’article 20 du projet a été approuvé lundi matin par 159 voix sur 169 votants, introduisant la notion d’égalité entre tous les citoyens et les citoyennes, qui disposent des « mêmes droits et des mêmes devoirs », et sont « égaux devant la loi sans discrimination aucune ».

L’Assemblée a également approuvé l’article 21 qui indique que « le droit à la vie est sacré. Nul ne peut lui porter atteinte sauf dans les cas extrêmes fixés par la loi ». Un article critiqué par certains défenseurs des droits puisqu’il ne permet toujours pas d’abolir la peine de mort.

La fin de l’impasse ?

La nouvelle Constitution et la création d’une Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), qui devraient permettre de voter une loi électorale, doivent être adoptées avant le 14 janvier, jour anniversaire de la chute de l’ancien président Ben Ali en 2011.

Trois ans après le début du Printemps arabe et quelques semaines après la nomination d’un nouveau Premier ministre, la Tunisie sort progressivement de l’impasse dans laquelle elle se trouvait embourbée depuis des mois.

L’année 2013 a été particulièrement tourmentée pour le pays qui a connu, en plus de la crise économique et de la recrudescence de la menace terroriste, une profonde crise politique entachée par des assassinats contre deux opposants, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, en février et juillet derniers, attribués à des groupes islamistes.

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