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Le procès Hariri pourrait-il faire exploser le Liban?

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Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) de La Haye s’est ouvert jeudi 16 janvier. Pendant plusieurs jours, les meurtriers présumés de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, tous membres du Hezbollah chiite libanais, seront jugés par contumace.

Le Hezbollah a toujours nié les faits

Le 14 février 2005, Rafic Hariri a été la cible d’un attentat à la voiture piégée survenu alors qu’il sortait d’un café du centre de Beyrouth, la capitale. Avec lui, 21 autres personnes ont été tuées au cours de l’attaque qui a immédiatement été imputée au Hezbollah ennemi du parti sunnite de Rafic Hariri.

C’est en 2011 que l’acte d’accusation a été formellement émis et quatre personnes ont fait objectivement l’objet des accusations de l’enquête menée par l’ONU. Moustafa Badreddine, Salim Ayyash, Hussein Anaissi et Assad Sabra sont aujourd’hui en fuite tandis que le Hezbollah a toujours nié son implication dans l’attentat et accuse par ailleurs le Tribunal spécial pour le Liban d’être politisé et « aux ordres des Etats-Unis et d’Israël », selon les termes employés par Hassan Nasrallah, chef du mouvement politico-militaire.

Pas de vengeance à La Haye

Au Liban, cet événement comme l’ouverture de ce procès attisent les tensions dans un pays multiconfessionnel où les rivalités entre chiites et sunnites sont quotidiennes à la tête de l’Etat.

Certains Libanais chiites craignent alors que ce procès tourne à la vengeance sunnite, malgré les déclarations rassurantes de certains hauts dignitaires sunnites. « Nous n’allons pas chercher une vengeance à La Haye, mais le fait que quatre cadres du Hezbollah soient accusés d’avoir participé à l’assassinat de Rafic Hariri et à d’autres meurtres demande des explications et des comptes », expliquait ainsi Marwan Hamadé, ancien ministre libanais, à France 24.

« Ce procès est plus que jamais de la dynamite à manier avec précaution », commente pour sa part Joseph Bahout, chercheur au Ceri et spécialiste du Liban, à L’Express. Une dynamite qui n’est pas prise à la légère par les autorités qui ont d’ores et déjà décidé de faire jouer leur cohésion alors qu’un nouveau gouvernement doit être formé. « Les deux camps qui sont à la fois sur le banc des accusés et sur celui des plaignants vont se retrouver dans le même gouvernement, pour parer à ce climat explosif », commente Joseph Bahout. « Soit le gouvernement absorbera les chocs du procès, soit il explosera ».

Un contexte explosif au Liban

Ce procès intervient également dans un contexte régional encore plus explosif. Depuis bientôt trois ans, le conflit syrien a largement dépassé ses frontières et le Liban s’est trouvé être une parfaite caisse de résonnance des rivalités qui opposent le gouvernement syrien aux rebelles.

Grossièrement, les chiites libanais ont plus facilement pris parti pour le gouvernement alaouite de Bachar al-Assad tandis que les sunnites libanais se sont rangés du côté des rebelles, sunnites également.

Or depuis plusieurs mois, ces prises de positions se sont transformées, à mesure que le Hezbollah s’est engagé dans le conflit syrien. Aujourd’hui, des hommes de l’organisation chiite combattent auprès des troupes de Bachar al-Assad et ont même représenté un renfort non négligeable lorsque le régime a peiné à reprendre ses positions à l’ouest du pays, non loin de la frontière libanaise.

Les rebelles syriens se vengent sur le Hezbollah

Depuis ces derniers mois, les membres du Hezbollah semblent faire l’objet de la vengeance des rebelles syriens après cet engagement sur le terrain. Lundi 16 janvier au matin, une voiture piégée a explosé à Hermel, une localité située au nord-est du Liban, non loin de la frontière syrienne.

Cette ville est connue pour être un fief du Hezbollah et si jamais un attentat n’avait été organisé ici, cette attaque est la cinquième à frapper une ville du Hezbollah depuis que l’organisation s’est engagée auprès de Bachar al-Assad.

C’est dans ce contexte que s’est alors ouvert le procès Hariri et pour Joseph Bahout, nul doute qu’il peut être à retentissement. « Il va remuer la vase politique actuelle », explique-t-il dans L’Express. « On ne sait pas ce que le tribunal a sous la main, mais il pourrait avoir des pièces très fortes. Dans ce cas, on peut s’attendre à des remous graves qui toucheraient la direction politique du Hezbollah, donc la direction politique en Iran ou en Syrie », ajoute-t-il encore. 

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