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Le référendum sur l’entrée de la Turquie dans l’UE, voué à l’échec?

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Les enquêtes d’opinion réalisées sur le sujet révèlent que les Français rejettent massivement la perspective d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne. (Crédit : Shutterstock)

C’est à l’occasion d’une visite de deux jours à Istanbul et Ankara que le président François Hollande a annoncé, lundi 27 janvier, que les Français seraient consultés, par référendum, sur la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE).

Rapprochement français vers la Turquie

Le débat avait été sensiblement enterré par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui avait d’ailleurs largement refroidi les relations diplomatiques entre Ankara et Paris, en 2011, alors qu’il se prononçait ouvertement contre cette adhésion à l’UE. François Hollande, parti de France avec la ferme intention de renouer avec cet acteur majeur du Moyen-Orient, a voulu changer la donne.

Lors d’une conférence de presse avec son homologue Abdullah Gül, le président français a alors annoncé : « Inutile d’ajouter quelle que peur que ce soit, le peuple français sera de toute façon consulté ». Le référendum est donc prévu, mais aucune date n’a pour le moment été annoncée, d’autant plus que la reprise des négociations entre la Turquie et l’Union européenne n’est pas encore à l’ordre du jour.

Avant cela, Abdullah Gül avait simplement déclaré qu’il souhaitait voir la France ne pas apporter davantage de « blocage politique » au processus. « Nous ne sommes pas pressés », avait encore précisé le président turc.

La Turquie est-elle encore une démocratie moderne ?

Or si le président français semble vouloir s’engager sur la voie de l’adhésion, ou en tout cas de l’amitié franco-turque, les électeurs français ne semblent pas du même avis. En effet, depuis plusieurs années, le regard des Français sur ce pays semble avoir profondément changé.

Si, il y a plusieurs années, la Turquie renvoyait une image de démocratie moderne à l’Europe, celle-ci a été profondément entachée par de nombreux éléments.

Au niveau politique, la reconnaissance française du génocide arménien, d’abord par Nicolas Sarkozy puis par François Hollande, a sensiblement crispé les relations entre les deux pays. C’est ensuite la politique menée par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a alerté les Français sur le cas de la Turquie.

Au printemps dernier, les principales métropoles du pays étaient secouées par une vaste mobilisation populaire contre la politique de Recep Tayyip Erdogan qui, selon les manifestants, est devenue liberticide. Ces manifestations ont été lourdement réprimées dans la violence.

« Une crispation croissante de l’opinion »

La Turquie demeure encore aujourd’hui un pays dans lequel la liberté d’expression est plus que jamais surveillée et reste aujourd’hui le deuxième pays au monde pour le nombre de journalistes emprisonnés. De nombreux éléments qui ne font que décrédibiliser la candidature turque à l’Union européenne.

Un constat qui se vérifie par les chiffres. Selon un sondage Ifop publié par Valeurs Actuelles, 83% des Français seraient opposés à l’adhésion turque. Parmi tous les pays européens, ce score, en constante progression, est le plus élevé.

« Quand on compare les résultats actuels avec ceux de précédentes enquêtes réalisées sur le même sujet, on constate au cours des dix dernières années une crispation croissante de l’opinion française au fur et à mesure que les négociations progressent », commente ainsi Jérôme Fourquet de l’institut Ifop, pour le Figaro. En effet, en 2003, seuls 54% des sondés étaient hostiles à cette intégration.

La Turquie se désintéresse-t-elle de l’Union européenne ?

En Turquie également, il semble que l’opinion ne penche plus autant qu’avant du côté européen. L’Europe en crise n’est aujourd’hui pas aussi attractive pour les pays potentiellement candidats et d’autres perspectives de croissance semblent plus réjouissantes ailleurs.

« Depuis 2000, à peu près, les Turcs, y compris les milieux d’affaires, cherchent d’autres issues et d’autres marchés, témoignant d’un désir décroissant d’entrer dans l’Union européenne », expliquait ainsi Etienne Copeaux, chercheur et spécialiste de la Turquie, lors de la réouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie, en octobre dernier.

« Malgré les révolutions arabes qui ont créé une certaine instabilité, on voit de plus en plus d’hommes d’affaires turcs en Tunisie, en Algérie, en Egypte », commentait-il encore. « Ces marchés pourraient tous être des alternatives à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ».

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