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Une émission de télé-réalité caricature les bénéficiaires d’aides sociales

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Outre-Manche, une nouvelle émission de télé-réalité produite et diffusée par Channel 4 fait polémique. Baptisé «Rue des allocations sociales», le programme suit les bénéficiaires d’allocations à Birmingham, qui affiche l’un des taux de chômage les plus élevés du pays. Le docu-réalité a attiré plus de 4 millions de téléspectateurs la semaine dernière, l’un des meilleurs scores d’audience de la chaîne privée depuis l’année dernière. 

Manipulation

Dans cette émission diffusée chaque lundi, les producteurs dressent le portrait des bénéficiaires d’aides en s’invitant chez eux, dans la rue Turner. Accumulant les raccourcis faciles, la production a pris soin de choisir des cas extrêmes, comme ce voleur qui dévoile face caméra sa technique pour dérober des habits dans les grandes surfaces, ou ce ménage qui assume fièrement d’avoir fraudé pour bénéficier des aides. 

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« Selon certains hommes politiques et  médias, les aides sociales sont une voie facile pour mener une vie de luxe, se payer des vacances à l’étranger ou de somptueuses résidences dotées d’une télévision  écran large – le tout à la charge des contribuables qui travaillent dur » explique le site de Channel 4. « Dans un pays frappé par l’austérité, où les emplois sont difficiles à trouver et les aides de plus en plus serrées, cette série documentaire révèle la réalité sur les aides sociales et sur les résidents de l’une des rues de Grande-Bretagne qui compte le plus de bénéficiaires, invitant les caméras au sein de leur communauté très soudée ». 

Réactions violentes sur les réseaux sociaux

En plein débat sur la réforme du système des aides sociales, la diffusion du premier épisode, le 6 janvier dernier, a déclenché une vague de violence sur Internet. « Je voudrais aller à Benefits Street avec une batte de baseball et leur écraser le cerveau », a par exemple lancé un télé-spectateur sur Twitter, quand un autre écrivait sur le site de microblogging : « Voir cette racaille dans Benefits Street me rend dingue. Allez bosser, bande de chiens », ou lorsqu’un autre déclarait « Mettons le feu à Benefits Street ! ».

Colère des habitants 

Les habitants qui apparaissent à l’écran se sont dit trahis et manipulés après avoir visionné cette série documentaire qu’ils jugent biaisée et caricaturale: « Ils nous ont dit qu’ils voulaient saisir l’état d’esprit de la rue Turner et montrer le positif, mais la seule chose qu’ils ont faite est de montrer le négatif », a par exemple dénoncé Dean Oakes à la BBC. « Ils ont voulu nous faire passer pour des gens sans éducation, mais ils ne savent pas de quoi ils parlent, parce que je suis allé au collège » explique un autre participant au Daily Mail. « Je pense que les producteurs recherchaient des personnes vulnérable, les moins éduquées ou celles issues des minorités, qui ne parlent pas bien anglais. Ils ont manipulé ces gens » fustige quant à elle une infirmière qui a finalement refusé d’apparaître dans l’émission.

Plus de 20 000 personnes ont signé une pétition en ligne pour demander l’arrêt de la diffusion du programme controversé. Comme le rapporte The Telegraph, les présidents de plusieurs organismes de bienfaisance britanniques ont accusé Channel 4 d’exposer « la honte et de la détresse » de millions de malades, de personnes handicapées et de personnes aux salaires bas. Les détracteurs du programme ont d’ailleurs accusé l’émission de faire du « porno de la pauvreté »

Réforme du système des prestations sociales

La diffusion de ce docu-réalité intervient en plein réforme du système des prestations sociales, la plus importante menée depuis plusieurs décennies. Dans le cadre de réduction des dépenses du gouvernement, le ministre des Finances, George Osborne, a annoncé une baisse de 12 milliards de livres dans les aides, entre 2015 et 2017. 

En avril dernier, le Premier ministre britannique David Cameron déclarait dans le Sun, que dépendre de l’Etat-providence était devenu « un choix de style de vie » pour certains britanniques: « L’Etat-providence a été inventé pour aider les personnes à sortir de la pauvreté, mais il a piégé trop de gens en les maintenant dans ce système. Il devait être une mesure provisoire en période difficile, mais il est devenu un choix de style de vie pour certains » expliquait-il.

Channel 4, experte des émissions chocs

Ce n’est pas la première fois que la chaîne privée suscite la polémique pour ses émissions voyeuristes et caricaturales. En octobre dernier, Channel 4 a déchaîné les passions avec l’émission Sex box où les couples étaient invités à faire l’amour sur un plateau télévisé, dans une boîte insonorisée de quatre mètres carrées. Les partenaires devaient ensuite revenir sur leurs ébats avec un panel de spécialistes. Quelques mois plus tard, la chaîne a de nouveau fait parler d’elle en diffusant le programme Gogglebox dans lequel des ménages britanniques réagissaient devant des programmes télévisés tels que MasterChef ou Danse avec les Stars. 

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