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Droit de vote aux étrangers, une priorité pour les Français?

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54% des Français seraient favorables à l’extension du droit de vote aux étrangers (Crédits : shutterstock.com)

L’association des « sans-voix » a choisi de présenter une liste, qu’elle sait invalide, dans 18e arrondissement pour défendre le droit de vote des étrangers extracommunautaires aux élections municipales. 50e promesse de campagne du candidat François Hollande, cette réforme exige une révision de la Constitution. Les Français souhaitent-ils voir la loi évoluer sur le sujet ? Décryptage avec Jean-Daniel Lévy, le directeur du département opinion de Harris Interactive.

JOL Press : En mai dernier, une étude Harris Interactive, montrait que 54% des Français étaient d’accord pour permettre aux étrangers résidant en France de voter aux municipales et aux européennes. Ce chiffre vous avait-il surpris ?

Jean-Daniel Lévy : Nous observons une évolution globale de la société : les Français, de manière générale, évoluent sur les questions sociétales. C’est le cas pour le droit de vote des étrangers, cela a été le cas pour le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. De manière tendancielle, on observe que les Français sont de plus en plus favorables à ce type d’évolutions. Sur ces sujets, les Français peuvent répondre indépendamment du contexte politique et évoluer en fonction de ce contexte politique.

Généralement, quand ce n’est pas un débat, les Français peuvent se déclarer favorables à l’extension du droit de vote aux étrangers non-communautaires aux élections municipales et européennes, mais si un jour le sujet devait prendre la tournure d’un débat plus important, des crispations pourraient alors apparaître.

JOL Press : Si on devait reposer aujourd’hui la question aux Français, le chiffre ne serait pas le même ?

Jean-Daniel Lévy : Quand la question devient plus concrète et que les arguments commencent à être évoqués, les avis peuvent évoluer et certains se radicaliser. S’ils sont opposés au principe, les sympathisants de droite vont s’opposer fermement, certains inscrivant leur opposition dans une dimension identitaire. Et les sympathisants de gauche, qui peuvent se déclarer favorable au droit de vote des étrangers par principe, ne seront pas à proprement parler des militants qui défendront coûte que coûte cette idée.

JOL Press : A Paris, l’association les « sans-voix » va présenter une liste aux municipales, qu’elle sait invalide, dans le 18e arrondissement, pour revendiquer l’extension du droit de vote aux étrangers. Ce genre de liste a-t-elle des chances de mobiliser ?

Jean-Daniel Lévy : Jusqu’à présent ce type d’initiative n’a pas mobilisé de façon massive. Ce n’est pas une cause qui mobilise massivement les étrangers eux-mêmes. On ne remarque pas une évolution considérable du nombre de personnes étrangères en France et qui revendiquent ce droit de vote aux élections locales. Cette faible mobilisation ne fait donc pas du droit de vote des étrangers une question centrale dans le débat politique actuel mais aussi au sein de la gauche. Pour l’instant, ce sujet ne mobilise que ses ardents défenseurs et ses farouches opposants.

Il n’en demeure pas moins qu’une partie de la gauche restera attachée au droit de vote des étrangers. Les Français qui sont favorables défendent avant tout une démarche égalitaire, visant à accorder les mêmes droits civiques aux ressortissants de tous les pays, et pas seulement aux étrangers issus de l’Union Européenne. En France, les résidents étrangers de pays membres de l’Union européenne ont, en effet, pu voter pour la première fois lors des élections européennes de 1999 et des élections municipales de 2001.

JOL Press : Et si les étrangers votaient, à quoi faudrait-il s’attendre ? Vers qui se tournerait leur vote ?

Jean-Daniel Lévy : En termes de proximité politique, les étrangers votent plus naturellement à gauche qu’à droite, surtout chez les populations les plus jeunes, mais personne ne peut dire aujourd’hui quels seraient les résultats d’une élection ouverte aux étrangers. Cette idée est toutefois clairement plus défendue par la gauche que par la droite : dans notre étude publiée en mai 2013, 74% des sympathisants de gauche se déclaraient favorables à l’extension du droit de vote aux étrangers, contre 31% des sympathisants de droite et d’extrême-droite.

JOL Press : Les Français risquent-ils de faire payer à François Hollande cet abandon de promesse de campagne ?

Jean-Daniel Lévy : Ce sujet étant peu mobilisateur, on voit mal comment les Français pourraient en vouloir à François Hollande, en tout cas ce n’est pas sur ce sujet que le chef de l’Etat est le plus critiqué. Aujourd’hui l’évolution du droit de vote des étrangers n’est pas une attente manifeste et ne sera certainement pas au cœur de la campagne des municipales.

JOL Press : Comment votent les résidents étrangers de pays membres de l’Union européenne ?

Jean-Daniel Lévy : Le vote des résidents étrangers de pays membres de l’Union européenne n’est pas si important que cela. Selon le recensement de la population effectuée par l’Insee en 2010, il y a 3,8 millions d’étrangers en France, dont trois millions ont plus de 18 ans. Mais sur ces trois millions, un tiers seulement est originaire de l’Union européenne, et force est de constater que ce million de résidents étrangers communautaires ne se déplace pas beaucoup aux urnes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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