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Hezbollah-Israël: une nouvelle étape vers la guerre ouverte

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Le Hezbollah a prévenu, mercredi 26 février, qu’il répliquerait à une frappe aérienne effectuée dans la nuit du lundi 23 au mardi 24 février par Israël sur l’une de ses bases au Liban. (Crédit : Shutterstock)

JOL Press : L’Etat israélien a effectué des frappes contre des sites du Hezbollah au Liban. Quelles sont les raisons de cette attaque ?
 

Didier Leroy : L’Etat israélien est resté relativement silencieux sur les raisons de cette frappe qui a sans doute visé un convoi d’armes du Hezbollah.

L’état-major israélien, dans une de ses rares interventions, a affirmé que le Hezbollah n’avait jamais cessé de vouloir accroître son arsenal et de le rendre plus sophistiqué, plus modernes et plus performantes. Il a notamment été question d’armes potentiellement chimiques ou de plus longue portée.

L’intensité de ces frappes a été très relative, sans victimes humaines. Le Hezbollah a minimisé l’affaire en expliquant qu’un minimum d’infrastructures avait été touché. L’organisation a ensuite affirmé qu’elle riposterait en temps et en heure.

JOL Press : Cette riposte est-elle réellement envisageable ?
 

Didier Leroy : Nous sommes avant tout dans la rhétorique et c’est ce qui caractérise habituellement cette organisation. Il lui est impossible de ne pas annoncer, verbalement, une riposte. Toutefois, les événements en Syrie sont certainement prioritaires.

En 2007, Imad Moughniyeh, un des principaux chefs militaires du Hezbollah, a été tué à Damas. Le Hezbollah a accusé le Mossad et a promis une vengeance proportionnelle lorsque les circonstances s’y prêteraient. Or cette vengeance est encore en suspens. Cette attaque n’est donc certainement pas dans les priorités du Hezbollah, très actif actuellement dans la région de Qalamoun en Syrie. 

JOL Press : Est-il possible aujourd’hui d’évaluer l’arsenal militaire du Hezbollah ?
 

Didier Leroy : Le Hezbollah reste une puissance militaire relative en termes de puissance de feu, si on compare sa composante armée à Tsahal (l’armée israélienne).

Malgré tout, le Hezbollah a développé des techniques de guérilla particulièrement adaptées à la guerre défensive au Sud-Liban et a une capacité de nuisance et de dissuasion de plus en plus importante.

En termes d’arsenal, on ne peut parler qu’en chiffres difficilement vérifiables mais les estimations les plus plausibles parlent de 50 000 roquettes et missiles parmi lesquels les roquettes Katioucha, emblématiques du Hezbollah, qui ont une portée de 25km. Dans l’arsenal officiellement établi, les armes de plus longue portée sont les Zelzal 2, missiles iraniens qui ont une portée de 200km. Depuis 2007, certaines rumeurs affirment que le régime syrien aurait fourni des missiles Scud au Hezbollah, mais cela n’a pas été établi ni confirmé. Si tel était le cas, le Hezbollah serait capable de toucher n’importe quel point géographique sur le territoire israélien, y compris Eilat à son extrémité sud.

JOL Press : Qu’en est-il des capacités humaines ?
 

Didier Leroy : C’est dans ses hommes que la qualité du Hezbollah se traduit véritablement sur le plan militaire puisqu’il s’agit de combattants religieusement endoctrinés, politiquement engagés dans l’agenda de la résistance face à Israël et socio-économiquement dépendants du vaste réseau d’ONG mis en place par l’organisation depuis son émergence au Liban dans les années 80.

Au Liban, les partisans du Hezbollah peuvent traverser les nombreuses étapes de la vie grâce aux institutions sociales mises en place par l’organisation. Ces services vont de l’accouchement dans ses hôpitaux à l’éducation dans ses écoles, à la carrière militaire ou civile etc. On peut même se faire enterrer par les pompes funèbres du Hezbollah.

En termes militaires, les combattants du Hezbollah sont particulièrement redoutables lorsqu’il s’agit de se battre sur leur propre terrain, leur terre natale la plupart du temps. Lors de la guerre de 2006, Israël s’est retrouvé face à une résistance bien mieux préparée que ce qu’il avait prévu. 

JOL Press : Peut-on estimer le nombre de combattants qui forment le Hezbollah ?
 

Didier Leroy : Le sujet est très opaque et les chiffres sont à prendre avec précaution. On parle de 20 000 à 50 000 hommes de carrière. 20 000 est sans doute plus proche de la réalité.

Actuellement en Syrie, les combattants seraient entre 2 000 et 10 000, qu’il s’agisse des hommes armés ou de l’appui logistique.

Pour les plus anciens d’entre eux, ils ont bénéficié des camps d’entraînement de l’OLP de Yasser Arafat installés au Sud-Liban lors de l’émergence du Hezbollah. A partir de 1982, ils ont été pris en charge par les Gardiens de la révolution iraniens. 2 000 Pasdaran ont encadré militairement cette « nouvelle » résistance libanaise et la troisième expérience martiale se constitue aujourd’hui sur le champ de bataille syrien.

JOL Press : Dans le contexte actuel, peut-on imaginer une escalade de violence qui conduise à une guerre, comme en 2006 ?

Didier LeroyUne guerre avec Israël est certainement inévitable puisque les deux camps s’y préparent de manière intensive depuis 2006. La question est quand, et qu’est ce qui la déclenchera. Actuellement, aucun des deux camps  n’a intérêt à ce qu’elle s’initie à court terme puisque le Hezbollah a beaucoup de choses à gérer au Liban et en Syrie. Le Hezbollah garde ses armes tournées vers le front sud et reste vigilant mais il est actuellement déployé en dehors du territoire libanais et n’a pas tous ses moyens à disposition.

De son côté, l’état-major israélien observe avec beaucoup de vigilance ce qui se passe en Syrie. Israël ne voit pas encore clair et hésite à soutenir un camp ou un autre.

Sur le plan purement militaire, Tsahal serait plus confiant avec la certitude que son nouveau bouclier anti-missile, l’Iron Dome (dôme d’acier), soit efficace à 100%. Lors de la dernière guerre contre Gaza, des projectiles palestiniens, pas forcément sophistiqués, sont parfois passés au travers de ce système à la pointe de la technologie. Il faudra sans doute attendre plusieurs autres petits conflits contre des factions palestiniennes moins menaçantes, qui serviront de terrain d’entraînement pour le perfectionnement de ce fameux bouclier et afin que Tsahal soit vraiment confiant pour se réengager contre le Hezbollah dans une guerre totale.

La plupart des analystes spécialisés s’accordent pour dire que la prochaine guerre sera certainement la plus meurtrière et comportera notamment une dimension offensive de la part Hezbollah. Personne ne sait ce qui déclenchera le conflit mais dans tous les cas il devrait s’agir d’une offensive massive israélienne que le Hezbollah contrera comme il l’a en partie fait en 2006 et qu’au-delà de la dimension défensive, plusieurs attaques offensives devraient viser le territoire israélien. 

Propos recueillis par Sybille de Larocque

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