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Le marché iranien: miracle économique pour l’Occident en crise?

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Une délégation de plus de 100 patrons français est en visite en Iran pour nouer des premiers contacts avec les milieux économiques sur place. (Crédit : Shutterstock)

JOL Press : Alors que les sanctions internationales qui pèsent sur l’Iran s’apprêtent à être levées, le marché iranien se prépare à s’ouvrir à l’économie mondiale. Que représente ce marché pour les entreprises étrangères ?
 

Clément ThermePour les entreprises européennes, l’enjeu est de préparer un retour dans le pays après leur retrait partiel entre 2008 et 2013 pour des raisons politiques. Des risques qui sont progressivement en train de se réduire et qui permettent à ces entreprises de se projeter de nouveau en Iran.

L’enjeu est différent pour les entreprises américaines puisqu’il s’agit d’un retour après 34 ans d’absence. C’est après la prise d’otage des diplomates américains de 1979 que les Etats-Unis ont quitté le pays et ont rompu toutes relations diplomatiques. Ce retour prendra surement du temps puisqu’il faudra d’abord retisser des liens sur place.

Enfin, pour les entreprises asiatiques et russes, l’objectif sera de préserver les parts de marché acquises en l’absence de concurrents occidentaux. Ces entreprises, russes, chinoises ou encore coréennes, adopteront donc une posture plus défensive.

JOL Press : Une délégation d’entreprises françaises est actuellement en Iran pour nouer des contacts sur place. D’autres délégations européennes se préparent également. Doit-on s’attendre à une véritable compétition pour envahir le marché iranien ?
 

Clément Therme : La visite organisée par le Medef international a eu un énorme succès et plus de 110 entreprises se sont rendues en Iran. Si la prudence restera de mise pour les entreprises européennes, celles-ci sont néanmoins dans un véritable esprit de compétition car l’objectif est de prendre position et de donner la meilleure image possible de soi-même aux yeux des autorités iraniennes qui contrôlent 80% de l’économie nationale.

Dans un deuxième temps, lorsque viendra la perspective des signatures de contrats, la concurrence sera encore plus forte mais pour le moment, l’heure est aux liens informels et à la prise de contact avec d’éventuels partenaires.

JOL Press : Quand, selon vous, l’ouverture du marché iranien sera-t-elle effective ?
 

Clément Therme : Pour le moment, un accord intérimaire limité ne concerne que certains secteurs dont l’automobile, la pétrochimie et les métaux précieux. D’autres secteurs importants en Iran comme l’énergie, le pétrole, le gaz ne sont pas encore ouverts et la signature de contrats est donc impossible.

Tout n’est pas réglé et il reste également certains problèmes de financement, notamment dus à certaines sanctions unilatérales américaines qui sont encore en vigueur.

JOL Press : Les Etats-Unis ne font donc pas, pour le moment, parti de cette course au marché iranien ?
 

Clément Therme : Là est la vraie question. Nous ne pouvons pas savoir dans quelle mesure les Etats-Unis vont accepter que leurs partenaires européens monopolisent, comme c’était le cas depuis les années 90, le marché iranien.

Toléreront-ils ce monopole européen ou voudront-ils créer une part de marché pour les entreprises américaines ? Tous les scénarios sont envisageables et pour le moment, rien n’est garanti car une insécurité juridique demeure. Cependant, et des deux côtés, nous constatons une tentation commune de renouer et compte tenu du climat de morosité en Europe et plus généralement en Occident, la faible croissance pousse naturellement les entreprises vers des marchés à fort potentiel de développement comme l’Iran.

JOL Press : L’Iran pourrait-il alors représenter un miracle économique pour les entreprises occidentales ?
 

Clément Therme : Il ne faut pas croire que l’Iran est un eldorado pour les entreprises étrangères. Le marché iranien est également fait de contraintes, de difficultés, de risques juridiques. D’autre part, et même si l’Iran est beaucoup plus stable que ses voisins, nous ne pouvons absolument pas être sûrs qu’un accord sera signé dans six mois. Le retour complet des entreprises occidentales est lié à la résolution du problème nucléaire iranien.

JOL Press : Quels secteurs de l’économie iranienne vont-ils être les plus prisés par les entreprises étrangères ?
 

Clément Therme : L’eau, l’automobile, le nucléaire civil, l’aéronautique, les infrastructures, les biens de consommation, la grande distribution. Chez les Français, on note de grands noms comme Carrefour, Auchan pour la grande distribution, Alstom pour les trains etc. Il est difficile de faire une liste exhaustive mais l’Iran est un pays de 80 millions d’habitants qui représente donc un marché de consommation et qui a également des besoins en termes d’infrastructure et de technologies.

La complémentarité entre l’économie iranienne et l’Occident se retrouvera sans aucun doute sur les besoins iraniens en termes technologiques. Dans le secteur de l’énergie par exemple, les technologies datent des années 70, lorsque le shah était encore au pouvoir. On sait par exemple que les avions civils iraniens sont très anciens, même chose pour le secteur automobile. Une mise à jour est aujourd’hui vitale.

JOL Press : Peut-on, à ce jour, évaluer les bénéfices de cette ouverture économique pour la société iranienne ?
 

Clément Therme : L’Iran était en récession en 2013 et on envisage un retour à la croissance en 2014. Cette projection est due au choc de confiance provoqué par l’élection d’un président modéré et par la signature de cet accord intérimaire.

Il faudra ensuite attendre que les sanctions soient définitivement levées, cependant la situation peut difficilement se détériorer puisque l’Iran a rencontré les limites d’un modèle qu’on appelle, en Iran, « l’économie de la résistance » et qui peut se définir par une volonté d’autosuffisance, d’une production exclusivement iranienne. Un modèle qui n’a d’ailleurs jamais été mis totalement en pratique puisque, par le commerce du pétrole, l’Iran a toujours été en contact avec des partenaires étrangers.

Propos recueillis par Sybille de Larocque

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