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L’Iran et les Frères musulmans, une alliance pas si «contre-nature»

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Au cours de son procès pour espionnage, qui a démarré il y a maintenant une semaine, l’ancien président égyptien Mohamed Morsi a été accusé d’avoir communiqué des informations confidentielles, touchant à la sécurité de l’Egypte, au mouvement palestinien du Hamas et à l’Iran.

Les Frères musulmans et leurs étranges relations à l’étranger

Durant cette deuxième audience, la justice égyptienne a ainsi reproché au Frère musulman Mohamed Morsi d’avoir « fourni à un pays étranger […] des informations classées secret-défense ». Selon les éléments dont dispose la cour, la confrérie islamiste, désormais considérée comme une organisation terroriste en Egypte, aurait « donné aux Gardiens de la révolution des rapports de sécurité afin de déstabiliser la sécurité et la stabilité » de l’Egypte.

Les accusés, parmi les membres des Frères musulmans, doivent répondre de ces actes qui se seraient produits entre 2005 et août 2013, peu de temps après le coup d’Etat qui a renversé Mohamed Morsi.

Dans la salle où s’est déroulée l’audience, les accusés ont immédiatement et vivement nié les faits. La séance ayant été suspendue et reportée au 27 février, les Frères musulmans dans la salle n’ont pas eu le temps de s’exprimer sur les faits qui leur sont reprochés. La question des étranges relations qu’auraient pu entretenir les Frères musulmans avec l’étranger est cependant soulevée.

Des amis « contre-nature »

A première vue, il est difficile d’imaginer les relations que pourraient entretenir les Frères musulmans avec l’Iran. En effet, la confrérie islamiste trouve sa source théologique dans le sunnisme radical tandis que l’Iran est un pays à grande majorité chiite.

Dans le Moyen Orient actuel, sunnites et chiites s’affrontent mortellement et les rivalités théologiques de ces deux versions de l’islam sont chaque jour illustrées en Irak, au Pakistan ou encore en Syrie.

On sait cependant que sur certains points, les Frères musulmans ont parfois lié des alliances « contre-nature ». C’est le cas avec le Hezbollah libanais, mouvement chiite très proche de la République islamique d’Iran. Les Frères musulmans et le Hezbollah se trouvent des points d’entente, notamment lorsqu’il s’agit de la question palestinienne.

Mohamed Morsi et d’autres responsables de la confrérie sont d’ailleurs accusés, dans l’un de leurs procès en cours, de s’être évadés de prison en 2011 avec la complicité du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais.

Mohamed Morsi avait fait un pas vers l’Iran

Si l’alliance avec l’Iran apparaît, d’un point de vue purement théologique, improbable, Mohamed Morsi a prouvé, lorsqu’il était au pouvoir, que les relations bilatérales entre les deux pays pouvaient prendre forme.

Lors de son premier discours en tant que premier président égyptien élu par la voie des urnes, le 24 juin 2012, Mohamed Morsi avait affirmé vouloir réveiller les relations de l’Egypte avec l’Iran.

« Le problème entre l’Iran et l’Égypte résidait auparavant dans la proximité que cultivait Hosni Moubarak avec l’Occident et Israël. Hosni Moubarak représentait les intérêts occidentaux aux yeux des Iraniens », expliquait alors Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS.

C’est alors la question israélienne qui a réuni, une fois de plus, la confrérie islamiste et la République islamique. Dans ce même discours, Mohamed Morsi s’en prenait au pire ennemi de l’Iran, l’Etat hébreu, en affirmant être prêt à revenir sur les Accords de Camp-Davis, signés en 1979 et qui assure la paix entre l’Egypte et Israël. Un signal fort pour rapprocher encore les deux pays.

L’Iran est un modèle

Au-delà de cet aspect diplomatique, les Frères musulmans, bien que sunnites engagés, ne sont pas si loin que cela des Iraniens sur un plan spirituel et théologique.

« Il y a des distinctions et des conflits, de vives oppositions d’un point de vue théologique et religieux. Mais il faut être conscient que, d’un point de vue idéologique, il y a très peu de différences entre la révolution islamique iranienne, qu’il s’agit ici de distinguer du clergé chiite, et la confrérie », explique ainsi Michaël Prazan, documentariste et journaliste, auteur du documentaire « Frères musulmans, enquête sur la dernière idéologie totalitaire », interrogé par Marianne. « L’influence de la révolution islamique dans la région est très importante : sans elle, il n’y aurait jamais eu l’assassinat d’Anouar al-Sadate. Khomeyni citait Sayyid Qutb très souvent dans ses discours, qui était la principale figure intellectuelle des Frères musulmans, tout en étant le principal théoricien du jihad moderne et le père spirituel d’Al-Qaida. De ce point de vue, l’Iran est un exemple, un modèle », explique encore le journaliste.

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