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Un dilemme pour Nicolas Sarkozy: quelle stratégie de «retour»?

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Nicolas Sarkozy s’est livré à quelques confidences avec la presse, jeudi 30 janvier (Crédits : shutterstock.com)

Reviendra, reviendra pas… Nicolas Sarkozy semble avoir choisi et prépare le terrain médiatique et politique. « J’ai besoin de calme de distance et de recul », a-t-il confié à la presse, jeudi 30 janvier. « Les gens quand vous êtes en retrait, ils vous regardent aussi ». Quelle est donc sa stratégie de retour ? Eléments de réponse avec Christian Delporte, spécialiste de la communication politique et auteur de Come back (Flammarion, 2014).

JOL Press : Nicolas Sarkozy s’est livré à quelques confidences avec la presse, jeudi 30 janvier, dans le train qui l’emmenait en Charente-Mairime. Que cherche-t-il à travers ces diverses apparitions ?

Christian Delporte : Jeudi 30 janvier, Nicolas Sarkozy était dans une opération de communication qui donnait l’impression d’une campagne électorale. Il cherchait des images, un bain de foule, en province, à la rencontre des Français. Pendant le voyage avec les journalistes, puis à la tribune, lors de la décoration du maire UMP, Jean-Louis Léonard, de la légion d’honneur, il a tenu des propos généraux que chacun a interprétés de façon politique. Bref, il a fait un coup médiatique.

[image:2,s]« Cette année 2013 a été celle des cartes postales, 2014 sera celle du recommandé avec accusé de réception », avait ironisé son plus fidèle ami, Brice Hortefeux. Ce qui veut dire : « Je suis toujours là, ne m’oubliez pas… » Quand on est à l’écart du pouvoir et qu’on souhaite revenir, il faut de temps en temps se rappeler au bon souvenir des électeurs.

JOL Press : Pendant la journée, il a déclaré : « Je suis moins anguleux, moins immédiat. On ne change pas ! On s’améliore. » Ce discours peut-il convaincre ?

Christian Delporte : En étant aussi omniprésent, ce discours ne risque pas d’être très audible. On peut affirmer qu’on a changé, dire qu’on a analysé ses erreurs, qu’on a pris de la hauteur, mais pour cela il faut qu’il y ait une coupure. Pour revenir il faut montrer qu’on est parti. Le problème de Nicolas Sarkozy, c’est qu’il en fait trop, c’est qu’il est trop impatient.

Le risque, c’est qu’il peut donner l’impression de n’être jamais parti et banaliser ainsi son retour éventuel. Ses apparitions multiples peuvent finir par lasser. Pour pouvoir dire : « J’ai changé », il faut disparaître un temps. Mais disparaître ne veut pas dire ne plus agir, c’est à cela que servent les amis.

JOL Press : Quelle est la stratégie d’un bon retour en politique ?

Christian Delporte : Pour bien revenir, il faut bien partir. Il faut montrer qu’on n’est plus exactement le même homme ou la même femme. Il faut que l’espace dans lequel vous revenez ne soit pas occupé, car il va de soi que l’on ne vous attend pas dans votre propre camp. Les obstacles ne viennent pas toujours des adversaires, mais souvent de sa famille politique. Pour revenir, il faut bien choisir son moment. On peut forcer le destin mais je ne crois pas à l’homme providentiel. Je ne pense pas que le peuple attende Nicolas Sarkozy, que son retour soit une évidence. L’homme politique qui souhaite revenir sur la scène doit saisir le bon moment et forcer le destin.

JOL Press : Le « bon moment » pour Nicolas Sarkozy sera l’après européennes ?

Christian Delporte : La situation est un peu compliquée pour Nicolas Sarkozy. Comment a-t-il l’intention de revenir ? Comme chef de l’UMP ? Certainement pas. Comme chef de la droite ? Ce n’est pas sûr. Ce dont il rêve, c’est d’un retour bonapartiste. Il veut revenir par le haut. Bien sûr, il souhaite être soutenu par sa famille politique mais d’une certaine manière, il souhaite apparaître comme au-dessus des partis. C’est une opération compliquée. Il ne veut pas sauver la droite, mais sauver la France d’un déclin économique et social mais aussi d’une menace éventuelle du Front national.

C’est pour toutes ces raisons que je pense qu’il va laisser passer les échéances électorales et qu’il a intérêt à revenir le plus tard possible. Dès l’instant où il réapparaitra, il banalisera son image et prendra tous les coups. S’il devait revenir ce ne serait pas avant fin 2015, avant ce serait trop tôt. Mais là encore, tout dépend du contexte.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Spécialiste de l’histoire des médias et de la communication politique, il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La France dans les yeux (Flammarion, 2007), Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009) et Come back (Flammarion, 2014).

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