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À quoi pourrait ressembler l’Afrique dans cinquante ans?

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Alors que l’urbanisation des villes africaines galope et qu’une récente étude vient de montrer que le continent africain pourrait représenter plus de 50% de l’air pollué mondial d’ici 2030, le développement de l’Afrique, continent où les pays émergents se bousculent, continue d’interroger en ce début – bien entamé – du XXIème siècle.

Un discours prophétique ?

La présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, s’est ainsi livrée à un exercice de style pour le moins original lors du dernier sommet de l’UA fin janvier à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Dans un email fictif adressé à une grande figure du panafricanisme, le Ghanéen Kwame Nkrumah (mort en 1972), Mme Dlamini-Zuma expose sa vision idéaliste de l’Afrique dans 50 ans.

Discours prophétique ou simple utopie ? Cet « email du futur » a au moins le mérite d’interroger sur les capacités du continent africain à se transformer d’ici 2063. Car c’est la vision d’une Afrique unie, devenue troisième puissance économique mondiale et siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU que la présidente de l’UA expose dans cette lettre.

Un continent que le train à grande vitesse African Express Rail traverserait de part en part, où des Silicon Valley africaines fleuriraient à Kigali, Alexandrie, Brazzaville, Maseru, Lagos et Mombasa, où Kinshasa serait devenue capitale de la mode et où l’intégration économique et le développement d’infrastructures aurait permis au commerce intérieur de prospérer, « passant de moins de 12% en 2013 à environ 50% en 2045 », écrit Mme Dlamini-Zuma.

Intégration et unité

« Au début du XXIème siècle, nous étions habitués à nous insurger contre les étrangers lorsqu’ils considéraient l’Afrique comme un seul pays, un peu comme si le milliard d’habitants répartis à travers les 55 états souverains [membres de l’UA, ndlr] n’avait aucun sens », écrit-elle encore. « Mais la tendance mondiale à se regrouper en blocs régionaux nous rappelait que l’intégration et l’unité étaient la seule voie pour l’Afrique de tirer profit de son avantage concurrentiel ».

Ainsi, la présidente de la Commission de l’UA imagine, à l’horizon 2063, l’existence d’une grande Confédération des États africains, capable de concurrencer l’Union européenne ou les États-Unis. Un projet qui semble encore difficilement réalisable selon les experts.

L’Union africaine pâtit en effet « des rivalités linguistiques – entre espaces anglophone et francophone –, mais aussi des conflits entre puissances hégémoniques, à l’instar de l’Afrique du Sud, du Nigeria ou de l’Égypte », rappelait à ce sujet dans Le Point Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), responsable de l’Afrique. « Plusieurs nations comme l’Afrique du Sud ont toujours été très réticentes face au projet panafricain, lui préférant l’idée d’une Afrique des nations », expliquait-il.

Un continent pacifié ?

C’est aussi une Afrique où les conflits et la misère auraient pris fin qu’espère encore Mme Dlamini-Zuma. « En raison de notre parfaite connaissance du caractère dévastateur des conflits, nous nous sommes attaqué aux causes profondes, incluant la diversité, l’intégration et la gestion de nos ressources », écrit-elle.

S’appuyant sur la jeunesse et les femmes, deux piliers essentiels du développement, l’Afrique se targuerait ainsi d’avoir pu « éradiquer les maladies, garantir un accès aux soins de santé, une alimentation saine, l’électricité et le logement » grâce à des systèmes d’éducation produisant des « jeunes gens innovants et entreprenants, avec une culture panafricaine poussée ».

Alors que les conflits en Centrafrique, au Soudan du Sud ou au Nigeria font rage, et que le paludisme – qui, en 2063, « appartiendrait au passé » – tue encore des centaines de milliers de personnes par an, il est encore difficile d’entrevoir de telles sorties de crise.

« Il y a une Afrique en pleine croissance relativement pacifiée et de l’autre côté une partie du continent reste marginalisée et en proie à des crises graves », indique le chercheur de l’IRIS, soulignant l’importance de la question sécuritaire qui est loin d’être réglée et que la présidente de la Commission de l’UA n’évoque pas dans sa lettre.

Un pas en arrière, deux pas en avant

Dans sa « vision 2063 », la présidente de l’UA table également sur la capacité du continent africain à financer lui-même son développement sans se fier « aux bailleurs de fonds, qu’on appelle de façon euphémistique, des partenaires ».

« Avec une détermination politique doublée de solidarité, en faisant souvent un pas en arrière et deux en avant, nous sommes arrivés à financer notre développement et faire de la prise en charge de nos ressources une priorité, en commençant par le financement intégral de l’Union Africaine, nos élections démocratiques et nos missions de maintien de la paix », écrit-elle.

Forts d’une langue commune – le swahili, langue comptant le plus de locuteurs en Afrique –, d’atouts indéniables dans le secteur des finances, des mines ou du tourisme, de ressources énergétiques capables d’« éclairer l’Afrique, l’ancien continent sombre », d’un réseau de pipelines pour le gaz, le pétrole et l’eau ainsi que de câbles haut débit pour les Technologies de l’Information et de la Communication – « propriété exclusive de l’Afrique » – les pays africains pourraient ainsi se targuer d’être, en 2063, « une force incontournable pour la paix, la stabilité, les droits de l’Homme, le progrès, la tolérance et la justice dans le monde ».

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