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Crimée russe: quel avenir pour les Tatars?

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JOL Press : Interrogés par les médias étrangers, nombreux sont les Tatars de Crimée qui expriment leur peur d’être « persécutés » par les Russes. Cette peur est-elle légitime ?
 

Tatiana Kastouéva-Jean : Je ne pense pas que des persécutions à grande échelle soient probables, mais en revanche, des incidents liés à la jeunesse russe ou à la jeunesse tatare surexcitée par l’exacerbation des sentiments nationalistes, cela reste toujours possible.

Vladimir Poutine a essayé mardi de désamorcer la bombe lors de son intervention devant l’Assemblée fédérale : il a parlé, par exemple, de la nécessité de réhabiliter les Tatars de Crimée.

Sous Staline, les Tatars avaient été accusés d’avoir collaboré avec les nazis, et ont d’ailleurs été massivement déportés – notamment vers le Kazakhstan – pour cette raison – si, en 1939, les Tatars étaient 20% en Crimée, ils ne sont plus que 12% aujourd’hui. Plusieurs sont revenus sur leur terre natale après 1989.

En parlant de réhabilitation, il s’agit donc de retirer à ce peuple l’étiquette de traître. Ce qui devrait grandement aider à le rassurer et préserver la paix sociale.

JOL Press : Les Tatars de Crimée disent également craindre pour leur langue…
 

Tatiana Kastouéva-Jean : Vladimir Poutine, lors de son discours devant l’Assemblée fédérale mardi, a également indiqué qu’en Crimée trois langues auront des droits égaux : le russe, l’ukrainien et le tatar.

La question des langues est extrêmement sensible en Crimée et en Ukraine, et la Russie la suit attentivement. Vladimir Poutine ne pouvait choisir que cette solution là de donner un statut égal à ces trois langues présentes sur le territoire de la Crimée.

JOL Press : Doit-on s’attendre à voir les Tatars quitter la Crimée – pour la Turquie par exemple, où vivent plus de trois millions de Tatars ?
 

Tatiana Kastouéva-Jean : Il y aura éventuellement une petite vague de départs, vers le reste de l’Ukraine ou la Turquie, qui compte trois millions de Tatars.

Mais les Tatars de Crimée sont divisés entre eux. Par exemple, alors même que les dirigeants tatars ont appelé à boycotter le référendum sur le statut de la Crimée, entre 40 à 50% d’entre eux y ont quand même pris part. Il n’y a pas d’unité nationale au sein des Tatars. Il y a par ailleurs beaucoup de mariages mixtes. Donc se dire que les Tatars vont partir en masse, je n’y crois pas.

Il peut y avoir par contre l’arrivée en Crimée de personnes attirées par le nouveau statut de la région, appartenant désormais à la Fédération de Russie. Des personnes arrivant depuis Kiev ou les régions de l’Est, qui ont pris peur à la suite de Maïdan, et qui considèrent, comme les Russes, que l’Ukraine est aujourd’hui gouvernée par des fascistes et des nazis.

La Crimée russe peut aussi attirer des Ukrainiens désireux d’améliorer leur niveau de vie. Les salaires et les retraites russes sont environ deux fois supérieurs à ceux d’Ukraine…

JOL Press : Les relations russo-turques peuvent-elles se trouver affectées par la question tatare ?
 

Tatiana Kastouéva-Jean : La Turquie n’a pas une position commode dans cette histoire. C’est à la fois un pays qui a des relations énergétiques et économiques très solides avec la Russie, un pays membre de l’Otan et un pays qui compte une minorité tatare influente.

Ecartelée, elle évite de prendre des positions tranchées ; elle se contente de déclarations neutres en appelant à des solutions diplomatiques et au règlement pacifique du conflit qui a opposé la Russie à la communauté internationale.

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

 

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