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Pourquoi la crise ukrainienne fait trembler les marchés mondiaux

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JOL Press : Les tensions diplomatiques sur le dossier ukrainien se sont répercutées sur les marchés financiers. Lundi 3 mars, les principales places boursières européennes et Wall Street ont terminé en nette baisse. De son côté, la Bourse de Moscou a chuté de plus de 10%. Comment l’expliquer ?

 

Alexandre Baradez : La réponse est simple : les enjeux géopolitiques de ce conflit local ne se limitent pas à l’Ukraine et à la Russie. L’Europe et les Etats-Unis ont aussi un rôle dans cette crise, ils sont partie prenante. C’est cela qui fait bouger les marchés mondiaux très rapidement. Les tensions diplomatiques posent ici des questions de territorialité et de souveraineté, mais elles soulèvent aussi le problème de l’approvisionnement en matières premières.

Il ne faut pas oublier que la plupart du gaz à destination de l’Europe transite par l’Ukraine. Si la Russie décidait de limiter ou de fermer ses livraisons de gaz, le conflit prendrait une dimension qui dépasserait largement le simple cadre de l’Ukraine.

JOL Press : Les craintes liées aux matières premières suffisent-elles à faire paniquer les marchés ?

 

Alexandre Baradez : La question du gaz a participé à la chute des Bourses lundi, mais il existe tout un ensemble de raisons pour expliquer ce recul. L’Europe menace la Russie de sanctions économiques (gel des avoirs possédés par certains dirigeants, limitation des investissements etc.). Mardi, le russe Gazprom a annoncé la fin, dès avril, de la baisse du prix du gaz vendu à l’Ukraine. Le déploiement de soldats russes en Crimée, et donc le risque d’un conflit militaire, a aussi fait peser un risque sur les places financières.

Il faut comprendre que les marchés ont tendance à anticiper le pire des scénarios par rapport à des situations réelles moins graves mais qui peuvent très vite dégénérer en conflit géopolitique mondial.

JOL Press : Quels sont les signes qui peuvent inquiéter les marchés dans une situation pareille ?

 

Alexandre Baradez : Les Bourses scrutent avec attention les devises des pays. Le rouble est par exemple nettement dévalorisé par rapport à l’euro ou au dollar. Cela peut générer des tensions sur les marchés car si la devise du pays concerné s’affaiblit fortement, cela signifie que son économie doit s’attendre à une déstabilisation. Certains mouvements sur les marchés peuvent impacter négativement l’économie réelle du pays, en jouant par exemple sur les exportations, l’inflation, la compétitivité etc.

Ensuite, les risques sur le marché des changes peuvent se transmettre rapidement au marché actions, au marché obligataire etc. Encore une fois, un enjeu géopolitique local peut contaminer plusieurs marchés par effet domino.

Comme je l’indiquais plus tôt, le cours des matières premières est aussi très observé. Les places financières cherchent à identifier le lien existant entre les dépendances en matières premières de certaines zones géographiques et les autres acteurs (fournisseurs, clients etc.). Autrement dit, les marchés cherchent à estimer les dommages collatéraux qu’une situation X peut avoir sur l’ensemble des acteurs concernés dans le monde.

JOL Press : Les marchés peuvent-ils «jouer» avec les tensions diplomatiques ? Leur arrive-t-il de sur-réagir volontairement à une situation ?

 

Alexandre Baradez : L’expérience montre que, même si les prix se tendent ponctuellement dans de telles situations géopolitiques, il n’y a pas eu de spéculation durable sur les matières premières, que ce soit le gaz ou le pétrole.

Le cours du gaz naturel a commencé à grimper en 2012, c’est-à-dire bien avant qu’éclate le crise russo-ukrainienne. Cette période coïncide avec le moment à partir duquel l’économie mondiale a commencé à se stabiliser.

Par la suite, les premières tensions entre les deux pays ont contribué à la hausse des prix du gaz, mais la hausse initiale n’a pas été engendrée par des tensions diplomatiques. La crise de ces trois derniers mois en Ukraine a certes accéléré la hausse des cours, mais à des niveaux raisonnables.

Il n’y a pas de bulle sur les prix. Simplement, les marchés traduisent les conséquences d’éventuelles sanctions russes sur l’approvisionnement en gaz.

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Alexandre Baradez est responsable analyste marchés IG France.

 

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