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Carte interactive: 23 000 migrants morts pour rejoindre l’Europe

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Chaque année, des milliers de personnes tentent d’atteindre les côtes européennes depuis l’Afrique à bord de bateaux ou d’embarcations de fortune. Et chaque année, certains drames de l’immigration font les gros titres des journaux.

« Plus jamais ça ! »

En octobre 2013, plus de 300 personnes, des migrants originaires de la Corne de l’Afrique, avaient trouvé la mort après le naufrage de leur embarcation au large des côtes italiennes, sur l’île de Lampedusa, tristement célèbre pour ses plages où viennent s’échouer régulièrement des bateaux  de migrants.

« Plus jamais ça ! » s’étaient écriés les dirigeants européens et notamment italiens, qui attendaient une réaction européenne à la crise, pour « partager le fardeau » de l’immigration. Malgré les appels de l’Italie à ses voisins européens, la situation reste complexe et le début de l’année 2014 a vu une recrudescence du nombre de migrants débarqués sur les côtes italiennes. Plus de 8 500 migrants auraient ainsi atteint l’Italie depuis janvier, un nombre dix fois plus élevé que celui relevé à la même période l’année dernière.

Plus de 23 000 morts en quatorze ans

Si le drame d’octobre dernier avait fait grand bruit, il ne doit pas éclipser les milliers de migrants qui continuent de tenter la traversée de la Méditerranée au risque d’y laisser leur vie. Un collectif de journalistes issus de plusieurs pays et regroupés autour du projet « The Migrants Files » a ainsi décidé de rassembler sur une carte interactive le nombre de migrants morts en tentant de rejoindre l’« Eldorado » européen, par voie terrestre ou maritime. Entre 2000 et 2013, ils seraient ainsi, selon leurs estimations, plus de 23 000 hommes, femmes et enfants à avoir trouvé la mort, soit plus de 1 600 par an.

Le projet « The Migrants Files » est l’une des enquêtes les plus complètes publiées jusqu’à ce jour et consultable sur le site du collectif lancé en août dernier par des journalistes de L’Espresso, El Confidencial, Eurobserver.com, Neue Zürcher Zeitung ou encore Le Monde diplomatique.

Faire bouger la carte en cliquant avec la souris

« L’iceberg de la migration »

Malgré les « mesures bien intentionnées » du Conseil européen pour renforcer la coordination entre les différents pays européens autour de leurs frontières, le collectif estime que ces mesures ne touchaient « que la pointe de l’iceberg de la migration ». Ils ont compilé un grand nombre de données provenant essentiellement du réseau United for Intercultural Action, du blog Fortress Europe et du centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne, afin de combler le manque de chiffres exacts sur le nombre de migrants morts.

En croisant les données de ces différentes sources, ils ont ainsi mis au point une carte interactive, augmentée de plusieurs récits des drames survenus dans les eaux méditerranéennes. « Notre enquête révèle aujourd’hui que, sur les 23 000 morts et disparus documentés depuis l’an 2000, près de 6500 l’ont été au large de Lampedusa, plus de 2500 aux Îles Canaries, et plus de 1500 dans le détroit de Gibraltar », écrivent les journalistes, qui ont travaillé en collaboration avec une quinzaine d’étudiants du laboratoire de data journalism de l’Université de Bologne en Italie.

Une carte non exhaustive

« Notre enquête révèle qu’aucun des pays membres, aucune instance européenne, pas plus que l’ONU, ne s’est jusqu’ici doté d’un outil destiné à mesurer l’ampleur de la tragédie », écrivent-ils encire. « Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, ne collecte de son côté de statistiques que sur les seuls réfugiés interceptés et reconduits à la frontière, jamais sur ceux qui ont perdu la vie ».

La carte, qui montre que la route la plus dangereuse pour les migrants reste celle entre l’Afrique du Nord et Lampedusa, suivie de la « route de l’est » (de la Turquie à la Grèce) et de la « route de l’ouest » (entre les Canaries et l’Espagne), ne se veut pas exhaustive et compte bien s’étoffer pour compiler des données plus exactes. Car selon les lanceurs du projet, de nombreux drames migratoires n’ont toujours pas été recensés. « Les grands médias ignorent souvent la question jusqu’à ce qu’une autre grande tragédie migratoire ne fasse les gros titres », concluent-ils.

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