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Élections européennes: Marine Le Pen a-t-elle raison d’être si confiante?

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Marine Le Pen, qui est invitée ce jeudi 10 avril de l’émission « Des Paroles et des actes », a menacé d’annuler sa venue si France 2 persistait dans son intention de la mettre face au président du Parlement européen, Martin Schulz. « Elle n’est pas en concurrence avec Martin Schulz mais avec des listes françaises : ce sont des élections françaises », a expliqué un membre de l’entourage de la présidente du FN. Marine Le Pen sera donc confrontée à Alain Lamassoure, tête de liste UMP pour les élections européennes en Île-de-France.

JOL Press : Marine Le Pen a refusé la confrontation avec Martin Schulz, président du Parlement européen, et tête de liste des socialistes européens. Comment expliquer ce refus ?

Nicolas Lebourg : Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée sincèrement. Pendant la campagne des municipales, Marine Le Pen faisait déjà campagne pour les européennes en mettant systématiquement dos à dos l’UMP et le PS, en dénonçant l’euro-libéralisme et en s’opposant fermement à l’immigration de masse. Elle veut représenter la colère, elle sait qu’elle obtiendra de bons scores aux européennes en faisant le plein des mécontents du libéralisme économique, représenté par l’Europe et du libéralisme culturel, représenté par l’immigration.

Dans cette perspective-là, il aurait paru logique, pour elle, de se mettre au niveau de ses adversaires et de discuter avec des personnalités importantes en Europe afin de positionner son parti comme la seule opposition au libéralisme européen. Je ne sais pas bien quel est la motivation de cette stratégie mais elle me paraît mauvaise pour elle. Ce n’est pas la première fois que Marine Le Pen fait des choix étranges : quand elle avait refusé de débattre avec Jean-Luc Mélenchon, lors de son dernier passage dans l’émission, ce n’était pas non plus une bonne tactique, selon moi.

JOL Press : Certains pensent qu’elle craignait qu’il dénonce ses absences répétées au Parlement. Qu’en pensez-vous ?

Nicolas Lebourg : Cet argument me paraît léger car, de toute façon, elle n’échappera pas, pendant la campagne, à ce reproche et son argumentaire est déjà prêt : n’ayant pas de groupe au Parlement, son absence ou sa présence ne changent pas grand-chose, selon elle. Je pense, en revanche, qu’elle cherche à séduire l’opinion française. En 2009, le taux d’abstention avait été de 56,5 %. Marine Le Pen va donc chercher à mobiliser la contestation. Je pense qu’elle a considéré qu’elle n’avait pas besoin de rentrer dans les détails techniques avec une grande personnalité étrangère. Dans sa logique populiste, elle a besoin de cogner, le reste n’a pas trop d’importance.  Elle ne joue pas sa campagne sur la crédibilité de ses propositions mais davantage sur sa capacité à fédérer les mécontents.

JOL Press : Le Front national attaque sereinement ces élections européennes ? A-t-il raison d’être confiant ?

Nicolas Lebourg : Oui, à l’évidence. Les élections partielles de l’année dernière, les municipales et les bons scores du FN dans ce type d’élections ne peuvent que renforcer la confiance des cadres du parti. Le Front national risque d’obtenir un excellent score. Et cet excellent score sera d’autant plus important pour le Front national que  chaque député européen aura le droit a 20 000 euros pour s’entourer de collaborateurs. Cette indemnité va permettre au parti de s’offrir des technocrates pour préparer la présidentielle. Cet aspect financier ne doit pas être négligé dans cette campagne, car le Front national va pouvoir enfin s’offrir le nerf de la guerre. Avec ses nouvelles responsabilités et de belles ambitions pour 2017, cet aspect financier est capital pour le parti.

JOL Press : Comment Marine Le Pen se sert-elle de l’Europe dans sa communication politique ?

Nicolas Lebourg : Toutes les enquêtes d’opinion démontrent que la césure est profonde entre les peuples européens et les instances européennes. L’électorat qui va se mobiliser, à l’occasion de ces européennes, sera l’électorat eurosceptique. Quand on regarde les législatives partielles qui ont eu lieu l’année dernière en France, on avait constaté que 15 à 20% de l’électorat de gauche s’était reporté sur le candidat Front national dans les duel UMP/FN.  Si l’électorat social-démocrate se met à voter FN c’est qu’il considère que ce parti est devenu un marqueur face à l’euro-libéralisme. S’ajoutera à cela le fait que trois ans après le rejet du projet de Constitution européenne par référendum par les français, l’Assemblée avait approuvé massivement la ratification du traité de Lisbonne. Et c’est un vrai argument dont le FN n’hésitera pas à utiliser.

JOL Press : Se distingue-t-elle, dans cette démarche, des différents courants eurosceptiques européens ?

Nicolas Lebourg : Marine Le Pen accompagne très tranquillement la montée des différents courants eurosceptiques. A peu près tous les partis populistes – je dis bien populistes, à ne pas confondre avec les radicaux – vont tenir le même discours : ils vont dénoncer une Union européenne qui empêche les pays de respirer et qui est une porte-ouverte à l’immigration. Entre la Troïka (Union européenne, FMI, BCE) en Grèce et la question de l’espace Schengen, les populistes ont deux très bons thèmes de campagne. Récemment le leader populiste des Pays-Bas, Geert Wilders, a eu des propos très durs sur l’immigration. On imagine que Marine Le Pen va faire de même.

JOL Press : N’est-ce pas contradictoire de rejeter les institutions européennes et d’accepter si aisément d’y participer ? Comment se défend le FN sur cette question ?

Nicolas Lebourg : L’argument du Front national c’est qu’il faut y être pour justement essayer de contrer le système : c’est, selon eux, le rôle du parlementaire d’aller discuter là où est le pouvoir. Le FN estime que puisque la souveraineté de la France a été captée par les institutions européennes, il faut rendre la souveraineté à la France en infiltrant les institutions européennes.

JOL Press : Quel sera le principal argument de campagne de Marine Le Pen, selon vous ?

Nicolas Lebourg : L’immigration, l’immigration et encore l’immigration. On est sur une campagne populiste. Les européennes ne passionnent pas les Français ; la chose qu’ils doivent retenir, selon Marine Le Pen, c’est que le Front national est le seul obstacle à l’euro-libéralisme.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l’extrême droite, est notamment l’auteur de Dans l’ombre des Le Pen – Une histoire des numéros 2 du FN (Nouveau Monde – novembre 2012).


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