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Palestine: l’accord entre l’OLP et le Hamas signe-t-il la fin de la division?

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JOL Press : Comment un tel accord de réconciliation a-t-il été possible ?
 

Olivier Danino : Cet accord est avant tout l’annonce qu’un gouvernement intérimaire sera formé dont la direction sera assurée par l’actuel président de l’OLP, Mahmoud Abbas, le temps que les Palestiniens puissent organiser des élections. Cela n’a rien de nouveau. Un premier accord a effectivement été obtenu au Caire entre le Hamas et le Fatah [principal parti de l’OLP, ndlr] en avril-mai 2011 et un deuxième à Doha en février 2012. Cette réconciliation est avant tout l’application de ce dernier accord.

Mais c’est surtout un effet d’annonce qui laisse beaucoup de questions en suspens : on ne sait pas encore quels points ont été effectivement négociés, s’il y a eu des négociations avec d’autres États qui pourraient soutenir cette démarche, et surtout si les deux camps sont parvenus à se mettre d’accord sur une stratégie commune vis-à-vis d’Israël et sur la manière dont ils vont se partager les responsabilités et le pouvoir au sein de l’appareil sécuritaire palestinien.

JOL Press : Quels compromis les deux partis ont-ils dû faire ?
 

Olivier Danino : Jusqu’à l’accord de Doha, le Hamas refusait par exemple que le président de l’OLP assure, le temps de l’intérim, à la fois le poste de Président et le poste de Premier ministre. Le Hamas voulait placer quelqu’un d’indépendant, qui n’appartienne ni au Hamas ni au Fatah, au poste de Premier ministre, le temps qu’il puisse assurer le déroulement des élections.

Cela a été un compromis du Hamas qui a finalement accepté que Mahmoud Abbas assure les deux postes. Il y a donc eu des compromis mais pour l’instant, nous savons juste qu’une période d’intérim va être assurée et qu’il y aura des élections d’ici quelques mois.

JOL Press : Comment cet accord a-t-il été accueilli par la population ?
 

Olivier Danino : De manière générale, les Palestiniens sont en faveur de la réconciliation et de la fin de la division entre les deux mouvements, qui se traduit aujourd’hui par une division géographique entre la Cisjordanie (OLP) et la bande de Gaza (Hamas). Ce qu’on appelle le « printemps arabe » s’est d’ailleurs exprimé, dans les Territoires palestiniens, par une revendication forte et par plusieurs manifestations dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, pour soutenir l’idée d’un gouvernement d’union nationale et le retour à des élections. De manière générale, la population est demandeuse d’une réconciliation.

JOL Press : Un gouvernement d’union nationale est-il réellement possible, alors que plusieurs accords de réconciliation ont déjà eu lieu et n’ont pas abouti ?
 

Olivier Danino : Un gouvernement d’union nationale doit juste permettre de gérer les affaires courantes le temps que les élections se déroulent. C’est une fois le résultat des élections connu que les choses vont être difficiles. Plusieurs accords sur la réconciliation ont déjà été signés depuis la prise de contrôle, par le Hamas, de la bande de Gaza en 2007. En réalité, rien n’a été appliqué. De manière générale, les divisions sont très profondes et dépassent le désaccord politique. Il y a énormément de rancœur entre les deux partis.

La question des prisonniers politiques et celle de la gestion des services de sécurité sont autant de points sensibles sur lesquels négocient le Fatah et le Hamas et sur lesquels ils n’ont pas réussi jusqu’ici à se mettre d’accord. Cela rappelle d’ailleurs très largement les négociations entre Israël et les Palestiniens, qui portent souvent sur des questions de sécurité et de prisonniers politiques.

En tout cas, la question majeure que les deux camps doivent résoudre, et qui est une des causes de la division, est celle du contrôle des services de sécurité.  Or, rien n’a été dit sur ce point lors de la déclaration commune de réconciliation du 23 avril. Et plus largement, pour qu’un futur gouvernement puisse exercer ses responsabilités convenablement et pour que 2007 ne se reproduise pas, les Palestiniens doivent à tout prix faire appliquer un principe : c’est le gouvernement, et uniquement lui, qui a le monopole de l’exercice de la violence légitime. Ce qui pose la question du désarmement et du contrôle des groupes armés.

JOL Press : Quel signe l’OLP et le Hamas veulent-ils envoyer à Israël en signant cet accord ?

Olivier Danino : Je ne sais pas s’ils envoient particulièrement un signe à Israël. Le Hamas s’adresse d’ailleurs certainement plus à l’Iran qu’à Israël. Mais en tout cas Mahmoud Abbas ne souhaite clairement pas une reprise de la violence : ce n’est pas dans sa philosophie actuelle, même si cela l’a déjà été.

Il cherche plutôt des alternatives : intégrer à des organisations de l’ONU, rejoindre des conventions internationales, dont la plus emblématique est la Convention de Genève ce qui pourra lui permettre de contester pacifiquement certaines décisions israéliennes. Le risque étant de voir un certain nombre de responsables politiques israéliens et de dossiers épineux et complexes devant les tribunaux internationaux. L’autre alternative, c’est en effet de mettre la pression sur Israël en engageant un processus sérieux – ou en tout cas en ayant l’air de le faire – avec le Hamas.

Pour le Fatah, c’est une façon de dire que s’il ne peut pas avancer dans les négociations avec Israël, il va avancer dans les négociations avec le Hamas. C’est la stratégie qu’adoptait Yasser Arafat [ancien président de l’OLP et du Fatah, ndlr] juste après les accords d’Oslo [1993],. Quand les discussions avançaient avec Israël, le Fatah avait en effet des relations plus tendues avec le Hamas, et dès que les négociations se compliquaient avec Israël, les relations avec le Hamas se réchauffaient.

JOL Press : Ce nouvel accord risque-t-il de compliquer les négociations de paix avec Israël ?
 

Olivier Danino : Dans la situation actuelle il n’y a pas encore de négociations. Les discussions actuelles portent sur les termes de la négociation et non sur les sujets de fond. Et pour le moment les choses piétinent. Il y a des désaccords particuliers, notamment sur la libération des prisonniers politiques.

Israël considère que les Palestiniens ne vont pas au bout de ces négociations et qu’il ne peut accepter le souhait de la délégation palestinienne d’intégrer des arabes israéliens à la dernière vague de prisonniers à libérer. Les Palestiniens pour leur part considèrent qu’Israël ne joue pas le jeu en refusant leurs demandes et qu’il n’est pas réellement engagé à faire la paix. Chacun a des critiques à faire à l’autre, et les choses sont bloquées.

Quand Israël déclare que « M. Abbas a choisi le Hamas et non la paix ; quiconque choisit le Hamas ne veut pas de la paix », il veut montrer qu’en l’état actuel des positions du Hamas, aucune négociation n’est possible avec l’État d’Israël, que le Hamas ne reconnaît d’ailleurs même pas. Il y a cependant des négociations et des contacts indirects entre le Hamas et Israël depuis plusieurs années, notamment à travers l’Égypte, surtout depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, et depuis le dernier round violent entre les deux en novembre 2012. 

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Olivier Danino est chercheur à l’Institut Français d’Analyse Stratégique (IFAS), spécialiste du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien. Ses recherches portent essentiellement sur l’histoire, la politique et la société israélienne et palestinienne. Il est l’auteur de l’ouvrage Le Hamas et l’édification de l’État palestinien, Éditions Khartala, septembre 2009.

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