Site icon La Revue Internationale

Retrait de Jean-Louis Borloo: quel avenir pour l’UDI?

borloo.jpgborloo.jpg

[image:1,l]

A six semaines des élections européennes, cruciales pour l’UDI, Jean-Louis Borloo a annoncé, dimanche 6 avril, « mettre un terme » à ses mandats et fonctions, renonçant à la présidence du parti qu’il a fondé, du groupe à l’Assemblée et aussi, selon Jean-Christophe Lagarde, secrétaire général de l’UDI, de son mandat de député. Ce mardi 8 avril, ce réunit le comité exécutif du parti afin de clarifier la situation et d’envisager l’avenir. Jean-Louis Borloo a proposé une « présidence par intérim » pour « assurer le fonctionnement et la cohésion de l’UDI » et « préparer un congrès pour la fin de l’année. »

JOL Press : L’UDI a-t-elle un avenir sans Jean-Louis Borloo ?

Alexis Massart : L’UDI peut et doit continuer sans Jean-Louis Borloo. Dans les faits, il est clair que ce retrait de leur président n’est pas une bonne nouvelle, ceci étant, un parti politique ne se résume pas à un groupe de supporters autour d’un leader. Un leader charismatique et médiatiquement suivi est certes une valeur ajoutée mais un parti politique doit pouvoir survivre à son fondateur. L’UDI va donc devoir se remettre en ordre de bataille avec une gouvernance différente.

Jean-Louis Borloo a souhaité que les membres du comité exécutif se réunissent dès le mardi 8 mars pour éviter « tout flottement » à l’UDI, et il n’est pas exclu que le parti envisage une direction collégiale comme cela avait été envisagé au mois de janvier. La direction collégiale par intérim du parti (Yves Jégo, Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde) a par ailleurs annoncé que le comité allait désigner « une organisation de transition » jusqu’aux élections européennes, le temps de mettre en place un congrès démocratique de l’UDI qui fasse émerger un nouveau leader.

Déjà plusieurs personnalités peuvent être envisagées pour participer à cette direction collégiale : Yves Jego, actuel délégué général de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, secrétaire général du parti, Hervé Morin, député, ancien ministre et président du Nouveau Centre, Laurent Hénart, le nouveau maire de Nancy, ou encore Rama Yade ou Chantal Jouanno, toutes deux vice-présidentes de l’UDI.

JOL Press : Comment va s’organiser le parti à quelques semaines des élections européennes ? Un engloutissement du parti par l’UMP est-il envisageable ?

Alexis Massart : Il existe aujourd’hui une alliance avec le Modem de François Bayrou et pour les prochaines élections, l’UDI a toujours eu un positionnement très clair : il partira seul à la bataille. C’est d’ailleurs ce qui a précipité la décision de Jean-Louis Borloo qui veut laisser l’UDI s’organiser pour mener au mieux la campagne électorale. Le parti n’envisage pas de se faire « engloutir » par l’UMP surtout dans le cadre d’élections européennes où les députés sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour. Le pacte fondateur de l’UDI prévoit une autonomie au premier tour et un rapprochement avec l’UMP au second tour.

Dans le cadre de scrutin de listes, comme aux municipales, des accords ont pu être passés dès le premier tour mais le pacte fondateur de l’UDI insiste bien sur l’identité nécessaire d’un centre droit et ne souhaite pas que le parti devienne une formation politique satellitaire de l’UMP.

JOL Press : Quelles vont être les conséquences de ce retrait pour le centrisme en France ?

Alexis Massart : Le centre n’est pas menacé. Les leaders qui entourent Jean-Louis Borloo sont issus de différentes familles politiques : on retrouve le Parti radical, le Nouveau Centre, ou encore l’Alliance centriste de Jean Arthuis. Tous ont accepté de créer ensemble l’UDI. Revenir en arrière serait donc suicidaire car tout ce qui a été fait en matière d’identité du centre-droit disparaîtrait. L’explosion de l’UDI en une multitude de chapelles serait terrible pour le centre-droit. Il y a donc bien une nécessité de responsabilité de la part des leaders.

Jean-Louis Borloo a réussi à lancer une grande dynamique au centre-droit, comme cela avait été le cas à l’époque de l’UDF. Avec discussion et persuasion, il a réussi, progressivement, à ramener tous les centristes à l’idée d’un grand parti de centre-droit.

JOL Press : Qu’apporte l’UDI dans le débat public, en tant que formation indépendante ?

Alexis Massart : Jean-Louis Borloo a fortement engagé son parti dans la construction européenne et dans une politique de décentralisation. L’UDI prône plus de dialogue social et défend toutes les thématiques défendues traditionnellement par le centre-droit en France. Soulignons aussi une farouche opposition à toute forme de rapprochement avec l’extrême-droite.

JOL Press : Quelles ont été les grandes qualités de Jean-Louis Borloo mais aussi ses faiblesses en tant que patron de l’UDI ?

Alexis Massart : Sa grande force c’est sa capacité de persuasion, sa capacité à faire émerger des compromis en prenant le temps de la discussion. Ce qui a cependant pu lui être reproché ou être mal compris par certains membre de l’UDI c’est son indécision, notamment à l’occasion de la dernière élection présidentielle. Certains ont vécu ce refus de se lancer comme une incertitude alors qu’il s’agissait davantage d’une prise de recul car il estimait que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour se présenter.

Jean-Louis Borloo n’a jamais manqué d’audace, il en a fait largement preuve au cours de sa carrière ministérielle que ce soit autour du Grenelle de l’environnement ou de la cohésion sociale. Mais il clair que la création de l’UDI comme un grand parti de centre-droit impliquait naturellement  une candidature à l’élection présidentielle de 2017. S’il n’y a finalement pas de candidat en 2017, l’UDI ne comptera plus sur l’échiquier politique.

JOL Press : Peut-on pour autant parler d’une bonne nouvelle pour François Bayrou ?

Alexis Massart : Tout dépendra de la personnalité qui prendra la tête de l’UDI. En fondant « l’Alternative », l’UDI et le MoDem ont entériné le fait que le centre aura un seul candidat pour 2017, et que ce candidat sera désigné par une procédure démocratique. François Bayrou a une expérience de candidat à l’élection présidentielle, c’est une valeur ajoutée indiscutable et certainement, pense-t-il aujourd’hui que sa candidature est la meilleure mais laissons l’UDI se redonner une gouvernance et on verra bien ce qu’il en sortira.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Quitter la version mobile