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Snowden questionne Poutine: le dialogue de deux anciens espions

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Alors que ses révélations sur le scandale de l’agence nationale de sécurité américaine (NSA) viennent d’être récompensées par le prix Pulitzer, remis aux journalistes du Guardian et du Washington Post qui ont publié l’affaire, Edward Snowden s’est entretenu, par caméras interposées, avec le président russe.

« Est-ce que la Russie enregistre les communications ? »

Réfugié en Russie depuis juillet dernier, l’ex-employé de la CIA et de la NSA, qui fait les gros titres de la presse internationale depuis bientôt un an, est apparu à l’écran lors d’une émission de questions-réponses à Moscou à laquelle participait Vladimir Poutine.

Après avoir été annoncé par la présentatrice de l’émission télévisée comme « un homme qui a révolutionné le monde », Edward Snowden s’est directement adressé au président russe. Évoquant d’abord « l’inefficacité de la surveillance des communications pour stopper le terrorisme », l’ancien informaticien américain pose sa question à M. Poutine : « Est-ce que la Russie enregistre, stocke ou analyse les communications de millions d’individus ? ».

A la télévision russe, la question de Snowden à… par lemondefr

D’espion à espion…

« Cher monsieur Snowden, vous êtes un ancien espion, et dans le passé, j’ai déjà eu des liens avec les services de renseignement », lui répond le président russe, qui est un ancien membre du KGB soviétique. « Je vais donc vous parler dans le langage des professionnels », continue-t-il sous les applaudissements de l’assemblée.

« Nous avons un règlement juridique strict concernant l’utilisation par les services de renseignement de ces moyens, notamment des écoutes téléphoniques et de la surveillance sur Internet », indique-t-il, précisant également qu’il faut « obtenir une autorisation de justice pour surveiller quelqu’un individuellement ».

« Nous n’avons pas d’autorisation pour faire des écoutes globales de la population et nos lois ne le permettraient pas. […] C’est pour cela qu’une surveillance aussi massive et aveugle ne peut pas exister en Russie », affirme-t-il, tout en répétant, à la fin de son explication : « Nous ne faisons pas de contrôle global de la population. J’espère que nous ne le faisons pas. […] Nous n’avons pas autant d’argent que les États-Unis ».

À l’occasion des JO de Sotchi en Russie en février, le Guardian avait néanmoins souligné l’existence d’un système de surveillance russe, appelé Sorm, permettant aux services de sécurité d’espionner les athlètes et les visiteurs et d’intercepter les communications.

Une question inoffensive ?

Alors qu’Edward Snowden fait régulièrement l’objet de critiques depuis qu’il a trouvé refuge en Russie, certains l’accusant de soutenir le Kremlin, l’ancien consultant informatique a justifié son intervention télévisée dans les colonnes du Guardian.

« Je m’attendais à ce que certains remettent en cause ma participation à un rendez-vous annuel qui est largement compromis par des questions inoffensives posées à un leader qui n’a pas l’habitude d’être défié. Mais, pour moi, cette occasion rare de lever un tabou concernant le débat sur la surveillance d’État devant un public majoritairement habitué aux médias d’État, contre-balance le risque », écrit-il.

Mais les critiques ne se sont pas fait attendre, certains internautes accusant justement Edward Snowden d’avoir posé une question inoffensive. Le Guardian rapporte notamment le tweet de Jilian York de l’Electronic Frontier Foundation qui écrit que « la question de Snowden ÉTAIT inoffensive. S’il en sait autant qu’il le prétend, il aurait su que la formulation de sa question permettrait à Poutine de s’en sortir facilement ».

« La réponse de Poutine était similaire à celle d’Obama »

« J’ai été surpris de voir que les gens, qui ont été témoins des risques que j’ai pris pour ma vie en exposant les pratiques de surveillance de mon propre pays, ne pouvaient pas croire que je pourrais aussi critiquer les politiques de surveillance de la Russie, un pays à qui je n’ai juré aucune allégeance », écrit-il encore.

Il a notamment rappelé qu’avec sa question « à laquelle aucun dirigeant qui gère un programme de surveillance moderne et intrusif ne peut répondre de manière crédible par la négative », il cherchait avant tout à comprendre comment un tel programme pouvait être moralement justifié par un chef d’État.

« En fait, la réponse de Poutine était remarquablement similaire à celle de Barack Obama, qui avait d’abord démenti le but des programmes de surveillance nationaux de la NSA, avant que cela ne soit par la suite réfuté », conclut-il.

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